L'Afrique se connecte
Par Myrtille Delamarche
En
2011, le mot le plus recherché sur Google sur le continent africain est
«Facebook». Qui a dit que les Africains n’étaient pas connectés? Ils le
sont parfois plus, souvent différemment et, avant tout, en mobilité.
L’Afrique,
pour faire simple, ce sont 1 milliard d’habitants,
500 millions d’abonnés mobiles, 140 millions d’internautes (à
fin 2011). L’équation est simple: l’extension du marché passe d’abord
par les services sur mobile. Et visiblement, Orange a les mêmes
statistiques. L’opérateur français a lancé fin 2011 un nouveau service
qui permettra à tous ses abonnés en Afrique, quel que soit leur
téléphone (iPhone 4 ou vieux Nokia «à grosses touches») d’accéder à
Facebook (FB) via la technologie USSD (Unstructured supplementary
service data). Ce service de données peu gourmand en bande passante
(réseau 2G) ne nécessite pas d’accès internet et permet d’échanger des
messages texte avec ses «amis», de rechercher des personnes, de traiter
les demandes de mise en contact, de mettre à jour son statut, de
commenter ou d’«aimer» les publications de ses «amis».
Après l’Égypte (Mobinil) fin 2011 et la Côte d’Ivoire en février,
l’ensemble des pays africains devraient être desservis au cours de
l’année 2012. L’opérateur projette un million d’utilisateurs du service
pour la première année. Ce service utilisera les mêmes canaux que les
services actuels de messagerie. Mais à la différence de ces derniers,
il ne sera pas gratuit mais tarifé à la session ou à l’abonnement
(jour, semaine, mois).
Quel réseau social né en Afrique compte autant d’utilisateurs que
Blackberry Messenger, bat Twitter en volume de messages échangés, et
occupe plus ses utilisateurs que Facebook? Né en Afrique, Mxit
revendique aujourd'hui 50 millions d'utilisateurs dans 128 pays.
Les Africains inégalement connectés à Facebook
Si on passe outre la question du support (téléphone plutôt
qu’ordinateur personnel), les usages des réseaux en Afrique ne
diffèrent pas foncièrement du reste du monde.
Facebook, premier parmi les quelque 700 réseaux sociaux utilisés dans
le monde, touche environ 10% de la population mondiale. En Afrique, il
connait son taux de pénétration le plus bas (par continent): 4,29%
(5,6% en Asie, entre 30 et 40% dans le reste du monde). Selon
SocialBakers, site spécialisé de statistiques sur les réseaux sociaux,
c’est l’Égypte qui compte le plus grand nombre d’utilisateurs (plus de
10,6 millions). Mais en termes de taux de pénétration, ce sont les
Seychelles les plus connectées à FB (28,96%), suivies de la Tunisie
(28,03%) puis de Maurice (23,89%).
En bas du classement, on retrouve le Tchad et le Niger (0,30 %).
Facebook compte aujourd’hui plus de 40 millions d’abonnés
africains (10 millions en 2009). Sur le continent, il peut se targuer
d’une croissance de plus de 55 %. Seuls trois pays affichent une
baisse du nombre d’utilisateurs: le Tchad, la RD Congo et
Djibouti. Si on prend un pays très peuplé comme le Nigeria, on apprend
que le taux de pénétration de FB n’y est que de 2,73 %, que moins
de 10 % des internautes du pays utilisent FB, et que 69 % des
inscrits sont des hommes. Côté accessibilité, Facebook développe depuis
2008 des versions traduites mais on trouve encore peu de langues
africaines. Le réseau est néanmoins accessible en kiswahili, en
afrikaans et bien sûr en arabe, français, anglais, espagnol et
portugais.
Comment l’Afrique tweete
Si la rédaction de Marchés Tropicaux sait par expérience que l’Afrique
tweete, une étude du cabinet Portland Communications publiée en janvier
«How Africa Tweets» donne accès à des chiffres inédits.
On y apprend par exemple que les twittos africains sont plus jeunes que
la moyenne mondiale (60 % de 21-29 ans, la moyenne mondiale
étant de 39 ans), que les abonnés viennent y chercher de
l’information (internationale pour 76 %, mais aussi
nationale : 68 %), que les Africains tweetent d’abord depuis
leur portable (57 %; Blackberry, iPhone puis Android), que
60 % d’entre eux suivent principalement des Africains. Les pays
les plus actifs sur le réseau sont l'Afrique du
Sud (5 030 226 tweets géolocalisés au dernier
trimestre 2011), le Kenya (2 476 800), le Nigeria
(1 646 212), l'Égypte (1 214 062) et le Maroc
(745 520). Parmi les raisons du refus de géolocalisation, on
retrouve la sécurité avant la préservation de la vie privée.
Les pays francophones (Maroc, Algérie, Tunisie, Mali et Cameroun) sont
autant représentés que les pays anglophones dans le top 10, mais en
volume de tweets échangés l’Afrique anglophone est largement en tête.
Twitter en Afrique est plutôt utilisé en mode conversation, avec
81 % des personnes interrogées déclarant qu'elles l'utilisent
principalement pour communiquer avec leurs amis. 67 % des
personnes interrogées affirment l’utiliser pour suivre l'actualité,
22 % pour rechercher un emploi.
L'avènement des réseaux à usage professionnel
Mxit, Facebook, Twitter, Hi5, Instagram et autres réseaux «classiques»,
à usage privé ou communautaire, ont pris une place dans le quotidien
des jeunes Africains. Mais, sur le continent comme ailleurs, on voit se
développer les usages professionnels des réseaux sociaux. Recherche de
contacts, de partenariats, espoir de faire évoluer leur carrière,
participation à des hubs d’experts sont les principales motivations des
utilisateurs du réseau.
En Afrique francophone, c’est le réseau professionnel Viadeo
(45 millions d’utilisateurs ans le monde) qui tient la corde, avec
2,5 millions d’inscrits en Afrique de l’Ouest. Après Dakar, Viadeo
vient d’ouvrir au Maroc un second bureau africain. Si Dakar marquait
une volonté d’accroissement des utilisateurs, le bureau marocain,
5e pays africain en taux de pénétration de LinkedIn, vise plus
clairement le circuit de recrutement et la réduction du gap avec son
principal concurrent, par exemple à travers des partenariats avec des
sites comme rekrute.com.
Il faut dire que le réseau francophone, un temps en déclin, s’accroche
à sa position de challenger de LinkedIn et vient de boucler un nouveau
tour de table de 24 millions d’euros qui lui a notamment
apporté le soutien du Fonds stratégique d’investissement (FSI, abondé
par la Caisse des dépôts et consignations et l’État français) à hauteur
de 10 millions d’euros. Parmi les nouveaux entrants, on
trouve aussi la banque Jefferies, Allianz et des fonds du Moyen-Orient.
Les investisseurs historiques (Idinvest, Ventech) ont suivi également.
Si le chiffre d’affaires 2011 de Viadeo n’est pas public, il est estimé
à plus de 50 millions d’euros, en croissance de 80 % par
rapport à 2010.
Il serait composé pour moitié des abonnements de particuliers, et
proviendrait pour un tiers des DRH (Directeurs des ressources humaines)
qui utilisent le réseau comme base de recrutement, le solde de 20%
étant issu de la publicité. Face à Viadeo, LinkedIn compte
5,7 millions d’utilisateurs en Afrique (selon Zoomsphere) :
1,7 million en Afrique du Sud (contre 1,1 million en avril
2011), 657 000 au Nigeria, 543 000 en Égypte, presque
400 000 au Kenya et plus de 350 000 au Maroc.
21 Mars 2013
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