Start-up en Afrique : en attendant les licornes
par Amaury De Féligonde
Ancien de McKinsey et de l’AFD, associé d'Okan, société de conseil en
stratégie et en finance dédiée à l’Afrique. 17 février 2017 à 13h17 —
Mis à jour le 17 février 2017 à 15h11
Beaucoup d’événements symboliques nous portent à croire que le temps des start-up est venu pour l’Afrique.
Mark
Zuckerberg visitant l’incubateur iHub à Nairobi et investissant plus de
20 millions de dollars au capital d’Andela au Nigeria. Le milliardaire
nigérian Tony Elumelu finançant 10 000 start-up à travers sa fondation.
Jacques-Antoine Granjon (PDG de vente-privee.com) annonçant à Dakar
qu’il souhaite investir dans le nouveau fonds tech’ africain de
Partech, plus connu pour ses investissements en Europe ou aux
États-Unis. L’Afrique des start-up, de l’innovation et des révolutions
technologiques semble résolument en marche.
Ceci dit, si l’enthousiasme est là, si un vent d’optimisme souffle, les
fonds levés en 2016 pour financer des start-up africaines montrent
qu’il reste encore beaucoup à faire et que le secteur demeure encore
balbutiant : 130 millions dollars ont été injectés en 2016 dans
150 start-up (selon Disrupt Africa), contre 4 milliards dollars en Inde
par exemple, à populations comparables.
Afin de faire exploser le nombre de start-up en Afrique et pour
produire des « licornes » (start-up valorisée à plus d’un milliard de
dollars), il faut travailler à plusieurs niveaux. Faire émerger des
talents parmi la jeunesse africaine, en investissant dans la formation
technique, mais aussi en design, en communication, en finance.
Il faut créer plus d’écoles de code et d’informatique en Afrique (de
type École 42, Epitech, voire MIT). Les États, en partenariat avec les
privés, doivent investir massivement dans les infrastructures de
télécommunication (les pays africains représentent la quasi-totalité
des 50 dernières places du classement « Internet Live
Stats ») et d’énergie, à l’image du Rwanda et de Maurice.
Ils doivent encourager le développement des écosystèmes de recherche et
de financements publics ayant permis la création de la Silicon Valley.
Les sources de financement privées doivent également être étoffées, à
tous les niveaux. Il est réjouissant de constater que des fonds comme
Orange Digital Venture ou Partech s’intéressent à l’Afrique et y
investissent, mais les acteurs demeurent trop peu nombreux.
En 2016, 80% des fonds levés par des start-up l’ont été dans trois pays seulement.
Il est essentiel d’autre part que les start-up africaines puissent
proposer une offre qui ne soit pas simplement des me too (des
copies), mais de véritables innovations, adaptées à l’Afrique (comme
M-Kopa ou mPesa en Afrique de l’Est) et compétitives à l’échelle
mondiale. Enfin, les start-up doivent éclore partout en Afrique, y
compris en Afrique francophone : en 2016, 80% des fonds levés par
des start-up l’ont été dans trois pays seulement (Afrique du Sud, Kenya
et Nigeria).
Il est crucial que des role model fassent leur apparition en Afrique, à
l’image de Steve Jobs ou Bill Gates aux États-Unis, de Jack Ma
(Alibaba) en Chine, ou d’un Xavier Niel (Free, École 42) en France. En
effet, il faut que la jeunesse et les entrepreneurs africains puissent
se dire qu’il est possible de bâtir des entreprises de classe mondiale,
des licornes, en Afrique, avec des Africains. Jumia peut à ce titre
être une aventure intéressante, puisqu’elle est parfois qualifiée de
« première licorne africaine » (elle serait valorisée à un
milliards de dollars), même si sa création et son développement ont
largement été pilotés depuis l’Europe par le Groupe Rocket Internet.
On ne peut qu’être plein d’espoir lorsque l’on voit tous les jeunes
Africains brillants, formés dans les meilleures universités mondiales,
revenir au pays pour développer des start-up, à l’image du jeune Chris
Kwekowe qui a refusé un emploi chez Microsoft aux États-Unis pour créer
sa start-up au Nigeria, Slatecube. L’avenir est dans leurs mains, ils
sont les créateurs des « licornes » de demain.
17 Février 2017
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