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Un être humain sur sept est « invisible »
Par Les Echos - Par Yves Bourdillon Le 19/01 à 12:00
Près
de 1,1 milliard de personnes ne disposeraient pas de papiers
officiels leur permettant d'être identifiés pour signer des contrats,
voter, ou bénéficier de services publics. Les solutions numériques
pourraient réduire le problème.
Un
être humain sur sept n'existe pas... du moins de manière officielle.
Ces « invisibles », pour reprendre l'appellation utilisée par les ONG
et institutions internationales concernées, ne disposent pas de papiers
d'identité, ce qui complique, voire empêche leur accès aux aides
sociales, aux services publics de santé, à l'enseignement ou encore aux
retraites. Ils sont aussi handicapés pour souscrire des abonnements
téléphoniques, des emprunts ou des contrats, pour ester en justice,
monter une entreprise, acheter un commerce, louer un appartement, voire
voyager.
Trois Nigérians sur quatre n'ont pas de documents officiels
Sans parler d'exercer leur droit de vote, au vu des controverses
récurrentes en Afrique sur les listes électorales, encore récemment en
République démocratique du Congo . Paradoxe : au Nigeria, pays à
la plus forte proportion (78 %) d'invisibles du monde malgré
quatorze ans d'efforts infructueux, les autorités électorales vont
déployer des cartes à puce pour la présidentielle du 16 février
prochain. En 2015, celle du président Goodluck Johathan n'avait pas
fonctionné...
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Au
total, selon une estimation de la Banque mondiale, les
« invisibles » seraient au nombre de 1,1 milliard, dont
la moitié en Afrique subsaharienne (28 des 32 pays de la région ont un
taux supérieur à 20 %) et le tiers en Asie du sud (Inde, Pakistan,
Bangladesh). Une évaluation par essence approximative puisqu'il s'agit
de compter des gens sans existence officielle. Autre source de
confusion, qui pourrait minorer l'estimation globale, les Etats peuvent
considérer comme dépourvus de papiers d'identité des gens qui en
disposent pourtant, reconnus seulement par des autorités locales.
Ce phénomène affecte surtout les ménages pauvres ou marginalisés, mais
gêne aussi les Etats, en raison du risque d'usurpation d'identité
d'ayants-droit de prestations sociales, une fraude redoutable pour des
pays fragiles financièrement. Il est aussi difficile de suivre la
vaccination d'enfants « invisibles », d'empêcher des fraudes
aux examens universitaires, ou de vérifier l'identité de suspects de
crimes et délits. Bref, les documents officiels d'identité jouent un
« rôle essentiel dans la capacité qu'ont les individus à exercer
leurs droits et responsabilités » dans les pays émergents,
souligne Joseph Atick, le patron de l'ONG de référence ID4Africa.
L'espoir du numérique
Le phénomène des invisibles s'explique par le fait que les parents
ignorent combien il est important d'enregistrer leurs enfants à la
naissance, où se trouvent à plusieurs jours de marche ou de pirogue de
services administratifs. Les conflits ont aussi un impact, parce que
les « invisibles » ont peur d'être associés à tel ou tel
groupe ethnique persécuté, perdent leurs documents avant un exil
précipité, ou éprouvent la crainte, pas toujours illégitime, d'être
fiché par le pouvoir.
Les Etats ne disposent pas non plus toujours des moyens financiers de
gérer un système d'enregistrement complet de leurs ressortissants, dont
le coût pourrait toutefois chuter fortement grâce à l'émergence de
solutions numériques : des terminaux légers permettent de scanner
les caractéristiques biométriques (photo du visage, forme de l'iris de
l'oeil, empreintes digitales), de manière bien plus résistante à la
fraude que les documents sur papier, souligne ID4Africa.
Sans être infaillibles pour autant, comme l'ont montré les soupçons sur
le système Aadhaar en Inde . Lancé en 2010, il a permis
« d'enrôler » 1 milliard d'Indiens, pour 0,4 dollar
par tête. Mais le journal indien « The Tribune » a révélé il
y a un an que le système comportait une faille donnant accès aux
données privées des enrôlés. La faille permettait de surcroît de se
doter d'une fausse identité pour 6 euros.
20 Janvier 2019
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