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L'Afrique est notre avenir !
par Médiapart
On
parle toujours de la ‘présence française’ en Afrique, mais ne
faudrait-il pas parler des présences françaises sur le continent
africain, tant elles ont été nombreuses, diverses et multiples,
certaines appartenant au passé, d’autres résolument tournées vers
l’avenir.
Parler d’avenir quand
on évoque le continent africain ne sous-entend pas faire preuve
d’angélisme. Il ne convient pas d’éluder les problèmes importants comme
la piraterie ou la drogue, mais il faut rappeler que ces problèmes sont
le lot de tous les états fragiles. Et il ne faut pas non plus oublier
l’utilisation qui est faite de ce continent, considéré par beaucoup
comme un sous-continent, à des fins criminelles : le transit par
les cartels mexicains de plus de 70 milliards de dollars de chiffres
d’affaires de produits illicites sert bien évidemment de recette à des
groupes comme AQMI ou MUJAO, et ne profite pas aux populations. Sur qui
convient-il alors de faire porter la répression ?
La question essentielle aujourd’hui est celle de la construction d’un
échange avec le continent africain tel qu’il apparaît dans sa globalité
et sa diversité.
L’Afrique c’est :
1 milliard de nouveaux habitants dans 40 ans (dont 50% de moins de 25
ans), 700 millions de nouveaux actifs (alors même que l’Europe en
perdra 90), un impact écologique qui va doubler (après avoir augmentée
de 240% en 50 ans) et un potentiel de 326 millions de consommateurs.
L’Afrique c’est aussi :
400 millions de personnes qui vivent avec moins de 1,25 dollars par
jour, un manque criant d’infrastructures et de stabilité, une espérance
de vie inférieure de 24 ans à celle des pays de l’OCDE et une
industrialisation qui ne représente que 11% de la production alors même
qu’elle est de 31% en Asie du Sud-Est.
En même temps le décollage économique africain représente une nouvelle
donne. En bref, l’Afrique est devenue un enjeu vital, non seulement
pour la France, mais aussi pour l’Europe. En effet, la politique
africaine de la France a évoluée plus lentement que l’Afrique elle-même.
Si elle veut être partie intégrante des relations avec l’Afrique, et se
repositionner après un recul sans précédent, la France doit mettre en
place une nouvelle stratégie : participer au développement
africain et saisir l’opportunité de la croissance africaine. Et pour
cela, il faut favoriser la participation des diasporas africaines à la
construction d’une nouvelle Afrique-France, à l’opposé de la
françafrique.
La croissance africaine existe.
Elle n’est pas linéaire, elle est mal répartie, elle est injuste, mais
elle existe. Et elle fait que l’Afrique n’est plus la Terra incognita
de l’époque où l’on considérait que, hors de l’Asie, point de salut. On
en a pour preuve le marché des téléphones mobiles qui a explosé, ou la
réduction de la dette publique de certains pays d’Afrique. Il faut en
avoir conscience : l’Afrique avance et elle ne nous attendra
pas ! Les enjeux de l’Afrique, les pays émergents les ont
parfaitement intégrés, en faisant leur nouvel eldorado. La Chine est
depuis 2009 le 1er partenaire commercial du continent africain, les
échanges de l’Inde, du Brésil ou de la Turquie ont double en 10 ans.
En matière de coopération on dit que l’occident a apporté les 3
C : commerce, civilisation et coopération. Et on dit que les BRIC
ont apporté les 3 I : intégration, infrastructures et
industrialisation.
La France est donc aujourd’hui très largement en perte de vitesse en
Afrique. Nous bénéficions d’une relation sans précédent avec le
continent et nous avons pourtant une présence en net recul. Les
avantages de la France sont pourtant certains : une langue
partagée avec une partie du continent, des entreprises significatives
présentes et bien implantées, plus de 200 Alliances françaises et
Instituts français, une communauté d’expatriés et des étudiants
africains formés en nombre dans les universités et écoles françaises.
Et pourtant, malgré cette force initiale, nous sommes en perte de
vitesse. Dominique LAFFONT de BOLLORE avait dit que ‘le CAC40 a fui
l’Afrique’. Le secteur bancaire africain est en plein développement et
les grands groupes français se retrouvent peu à peu boutés hors du
continent au profit d’établissements étrangers, pour certains de
moindre envergure mondiale.
Pour quelle raison ?
Que s’est-il passé pour que nos relations avec le continent africain se
délitent de cette manière ? Avons-nous vraiment une
stratégie ? Parvenons-nous à nous positionner entre ingérence et
indifférence ? La France n’est-elle pas en train de louper un
tournant important, voir primordial ?
Dans un contexte qui ne serait ni colonial, ni postcolonial, ni
néocolonial, mais dans le souci d’un intérêt partagé, n’est-il pas
possible d’envisager que la France prenne une place dans cette Afrique
qui est notre avenir ? Il convient de construire une relation
gagnant-gagnant et non gagnant-perdant comme c’est le cas en matière de
pillage des sous-sols. Notre impératif africain serait une démarche
équilibrée et respectueuse, faite de projets partagés, loin des abus
suscités par la convoitise de l’Afrique : c’est notre chance, et
notre avenir.
La croissance de l’Afrique est un atout que nous pourrions partager mais l’Afrique ne nous attendra pas !"
22 Janvier 2014
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