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SOMMET EUROPE-AFRIQUE
Nicholas Westcott : "Le couple Europe-Afrique fonctionne bien"
Propos recueillis par Olivier Caslin
Nicholas
Westcott est directeur général Afrique du service d'action extérieure
de l'Union européenne. Selon ce haut fonctionnaire européen, les
questions de sécurité seront au coeur du quatrième sommet Union
européenne-Afrique. Une condition indispensable au développement du
continent. Interview.
Jeune
Afrique : L'Union européenne (UE) insiste pour développer des relations
avec l'Afrique "au-delà de l'aide au développement". Qu'est-ce que cela
signifie exactement ?
Nicholas Westcott : L'expression désigne l'ensemble de nos relations
avec l'Afrique, qu'elles soient politiques, économiques, sociales ou
culturelles. C'est ce qu'avait défini le deuxième sommet UE-Afrique de
Lisbonne en 2007.
Aujourd'hui, l'étendue de notre coopération est beaucoup plus vaste que
le champ de compétences initial. Sur les questions de paix et de
sécurité notamment, notre collaboration a progressé de manière
spectaculaire ces derniers temps. Nous avons noué un partenariat
équilibré, inscrit dans la durée, fondé sur une logique
d'investissement et non plus d'aide.
Les accords de
partenariats économiques (APE), en passe d'être signés avec les pays de
la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao),
sont-ils inclus dans cette nouvelle approche ?
Oui. Ces accords ont pour objet de redéfinir nos relations commerciales
avec nos partenaires africains. Nous maintenons le libre accès au
marché européen tout en rendant ces nouveaux accords compatibles avec
les règles de l'Organisation mondiale du commerce [OMC]. Tout cela dans
une logique d'intégration régionale chère à l'Europe.
Les négociations ont été longues et les deux parties ont dû faire
d'importantes concessions, mais nous sommes arrivés à une solution
satisfaisante pour tous. Il n'était pas question de libéraliser
complètement les marchés du continent. La plupart des pays n'y sont pas
prêts. L'accord spécifie que les États africains sont tenus
d'ouvrir 75 % de leur économie, mais à eux de choisir les
secteurs clés qu'ils souhaitent contrôler. Ils ont vingt ans pour le
faire et préparer leurs industries.
Il semble que l'UE ait eu
quelques difficultés avec ses partenaires africains pour définir le
programme du quatrième sommet UE-Afrique, qui va se tenir en avril...
C'est inexact. S'il y a eu parfois quelques tensions, nous nous sommes
accordés assez vite sur les différents sujets que nous souhaitions
aborder et qui ont été réunis sous le triptyque Peace and Prosperity
for People ["paix et prospérité pour les peuples"]. La formule peut
sembler un peu convenue, mais nous voulions qu'elle soit le plus
ouverte possible. Les rencontres vont se concentrer sur quelques
thèmes, au premier rang desquels les questions de sécurité et de
gestion des conflits.
Dans ces domaines, les avancées sont notables, même s'il reste encore à
optimiser les capacités d'intervention des pays africains. Il en va de
même pour nos relations économiques et commerciales. Si nous voulons
doper l'investissement en Afrique et promouvoir le secteur privé local,
il faut améliorer le climat général des affaires. Nous n'avons aucun
intérêt à voir notre voisin le plus proche sombrer dans l'instabilité.
L'arrivée des pays
émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil sur la scène africaine
a-t-elle poussé l'UE à repenser sa relation avec le continent ?
Bien sûr, et c'est très stimulant. Que d'autres pays financent des
projets en Afrique est une excellente chose pour les Africains puisque
cela permet de soutenir la croissance économique du continent. L'Europe
conserve néanmoins d'importants avantages comparatifs. Après plus d'un
siècle de relations rapprochées, nous connaissons bien le continent et
ses besoins. Sur beaucoup de dossiers, à commencer par celui de la
sécurité, c'est l'Europe qui aide l'Afrique. Nous sommes les seuls à
importer des produits manufacturés et non pas uniquement des matières
premières. La proximité géographique de notre marché nous rend
incontournables. Nous sommes certainement son partenaire le plus
"compatible".
Notamment dans le domaine de la sécurité...
Nous n'avons aucun intérêt à voir notre voisin le plus proche sombrer
dans l'instabilité. La piraterie dans la région de la Corne ou la
menace terroriste au Sahel ont un impact direct sur la situation
européenne.
Pour être efficace, notre aide doit être dispensée dans un milieu
pacifié. Nous maintiendrons notre contribution, sur le long terme si
nécessaire, tout en gardant l'objectif de voir l'Afrique assurer sa
propre sécurité un jour.
Pour cela, nous concentrons nos efforts sur les capacités
d'intervention et de défense. À l'échelle locale, en entraînant les
troupes sur le terrain ; à l'échelle régionale, en participant à la
définition de la future architecture sécuritaire demandée par les
Africains eux-mêmes.
Le fait que la diplomatie
allemande prenne de plus en plus de poids à Bruxelles peut-il changer
l'approche européenne sur le continent ?
Certes, l'Afrique n'est pas la principale priorité des Allemands. Mais
d'autres pays membres, notamment ceux de l'Est et les pays baltes,
montrent un réel intérêt pour le continent. La politique africaine de
l'UE n'est plus uniquement entre les mains des anciennes puissances
coloniales, mais réside aussi dans celles de pays ayant acquis leur
indépendance récemment.
L'arrivée de Nkosazana
Dlamini-Zuma à la tête de l'Union africaine [UA] a-t-elle fait évoluer
les relations de travail entre l'UE et l'organisation panafricaine ?
Nos relations sont trop solides pour qu'elles puissent être altérées
par qui que ce soit. Mme Dlamini-Zuma a pris la tête de l'UA avec
l'objectif de la rendre plus efficace, et nous encourageons cette
démarche. Nos intérêts restent identiques, même si, en effet, le
parcours politique et les méthodes de travail de l'actuelle présidente
sont très différents de ceux de son prédécesseur.
Le drame de Lampedusa a-t-il détérioré les relations UE-Afrique ?
Il a servi de piqûre de rappel. Les deux rives de la Méditerranée
veulent à tout prix éviter ces drames à répétition. Personne ne devrait
être forcé de quitter son pays, que ce soit pour des raisons politiques
ou économiques.
Les deux parties semblent pourtant avoir des priorités différentes sur la question...
L'Afrique voudrait voir l'Europe accepter autant d'immigrés que
possible. Ce n'est pas envisageable. Le sujet est politiquement très
sensible au sein de l'Union.
Mais il n'est pas question non plus de fermer la porte. D'abord, parce
que nous avons des obligations internationales à respecter concernant
l'accueil des réfugiés. Ensuite, parce que l'Europe aura besoin de
l'immigration pour compenser le vieillissement de sa population. Les
proportions de cette immigration doivent, en revanche, rester
acceptables pour les pays d'accueil, qui, de leur côté, doivent assurer
le meilleur traitement possible aux populations migrantes.
Comment voyez-vous évoluer les relations entre l'UE et l'Afrique ?
Les problèmes existent évidemment, mais nous partageons les mêmes vues
sur les sujets fondamentaux que sont la sécurité, la justice ou les
droits de l'homme. Notre compréhension mutuelle est bien meilleure que
par le passé.
Nous sommes un peu comme un couple : après vingt années de vie commune,
les relations deviennent plus simples, plus constructives. L'Europe est
toujours le premier partenaire commercial de l'Afrique, son premier
investisseur et son premier allié militaire. Nous n'avons pas d'autre
choix que de travailler ensemble.
21 Février 2014
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