|
FORUM DE RENNES
Et si c’était l’Europe qui avait besoin de l’Afrique ?
Par ANTHONY BOUTHELIER ANCIEN PRÉSIDENT DU CONSEIL FRANÇAIS DES INVESTISSEURS EN AFRIQUE
Pour
Anthony Bouthelier, ancien président du Conseil français des
investisseurs en Afrique, l'heure de la coopération Sud-Nord va bientôt
sonner.
Contrairement
à d’autres régions du monde – l’Amérique ou l’Asie par
exemple – il existe entre l’Afrique et l’Europe une solidarité
géographique et historique. On ne peut pas concevoir une Europe
prospère avec à sa porte une Afrique misérable et le temps n’est plus,
selon le banquier Lionel Zinsou, «où les pays riches du Nord
contemplaient du haut de leur balcon, avec commisération, les pauvres
du Sud». L’heure de la coopération Sud-Sud a sonné et peut-être
bientôt, celle de la coopération Sud-Nord.
Au cours de la dernière décennie, l’intervention massive de nouveaux
opérateurs venus de Chine, du Brésil, d’Inde ou encore de Turquie ont
réveillé le continent dont le PIB a crû de 5,5% en 2012 et
lui ont donné l’image d’une «nouvelle frontière», par comparaison aux
pays du Nord composant l’OCDE dont la croissance se languit.
L’essor démographique et l’urbanisation rapide peuvent certes
constituer des facteurs de progrès mais être aussi les sources de tous
les dangers. Il convient de tempérer l’enthousiasme de certains qui de
l’afro-pessimisme d’antan basculent dans un optimisme excessif que l’on
peut baptiser d’afro-gâtisme. Rien ne serait pire que de faire croire à
l’automatisme du progrès qui déresponsabiliserait les politiques des
54 pays de cet immense continent.
Car malgré des progrès enregistrés ici et là, il y a encore trop de
pays où le lien prévaut sur le droit expliquant pourquoi le
sous-développement demeure, encore aujourd’hui, le défi majeur de tout
ce riche continent alors qu’ailleurs, en Asie, en Amérique latine, il
devient l’exception.
LE RÔLE MAJEUR DES ENTREPRISES
Koffi Annan, dans Le Point du 20 mars 2014, l’a dit :
«c’est aux chefs d’Etat africains d’établir les conditions du
développement» et lors de l’Assemblée générale de la Banque Africaine
de Développement en février dernier, son directeur général Donald
Kaberuka, précise que «les gouvernements seuls ne peuvent pas
déclencher le développement sans le secteur privé». Il rejoint ainsi
Lee Kwan Yew, ancien Premier ministre de Singapour, pour qui le moteur
du développement comporte deux pistons : l’Etat de droit et le
secteur privé marchand.
Quittons la stratosphère des abstractions. L’Afrique, l’Europe, c’est
quoi ? C’est qui ? L’exemple chinois est éloquent dans cette
coopération Sud-Sud. Ce n’est pas la Chine qui vient au secours de
l’Afrique, mais ses entreprises - certes soutenues souvent par
l’Etat chinois -, qui ciblent des pays et des secteurs d’activité.
C’est par ses entreprises que l’Europe sera efficace.
L’Afrique déborde de ressources humaines et matérielles qui sont mal
utilisées, mais on ne peut pas concevoir un développement en
cloisonnant un continent dans un monde global. Le changement c’est que
la solidarité n’est plus à sens unique, l’Europe n’aidera pas l’Afrique
mais sera solidaire dans un monde où elle aura besoin de l’Afrique.
10 Avril 2014
Abonnez-Vous à Libération
Retour
à l'Afrique
Retour au Sommaire
|