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La jeunesse africaine, socle de la résilience économique du continent
Par Richard Attias
Pour
Richard Attias, fondateur du New York Forum Africa, c'est en s'appuyant
sur les jeunes que le continent passera à un modèle de production
d'économie réelle.
Le premier sommet entre les Etats-Unis et l'Afrique se tiendra
du 4 au 6 août à Washington. On peut se réjouir que le thème fil rouge
des débats de cette rencontre soit «Investir dans la prochaine
génération».
500 jeunes entrepreneurs africains ont ainsi été invités à passer six
semaines dans les universités américaines, puis ont rencontré Le
président Barack Obama le 28 juillet. Cette initiative fait écho à
celle organisée en mai dernier à Libreville, à l'occasion du premier
Citizen Summit qui se tenait le premier jour du New York Forum Africa
2014.
Nous avions alors convié 600 jeunes africains à participer aux débats
qui suivaient la publication de la première étude panafricaine sur les
opportunités offertes à la jeunesse sur le continent et à en débattre
avec les chefs d'Etat présents.
Espoirs et inquiétudes
L'image de l'Afrique reste en effet ambivalente pour la jeunesse
africaine qui hésite à revenir ou rester au pays. Un doute subsiste,
nourri par la crainte du chômage qui va au-delà des réticences liées à
l'insécurité ou les risques de conflits. La première étude panafricaine
sur les perceptions et les attentes des jeunes générations africaines
en matière d'éducation, d'emploi, d'entrepreneuriat apporte la preuve
que la jeunesse africaine est optimiste mais réaliste.
Menée par le fonds Train My Generation lancé au New York Forum Africa
2013 (NYFA), l'étude a été publiée en ouverture du NYFA 2014. Les 600
jeunes présents ont pu dialoguer ouvertement avec les 1.500
participants réunis pour l'occasion. 5.000 jeunes répondants entre 15
et 26 ans provenant de 42 pays avaient participé à l'enquête en ligne.
Près de 90% d'entre eux pensent que leur niveau de vie sera meilleur
que celui de leur famille. Moins de 3% d'entre eux préféreraient vivre
à l'étranger, et ils sont 62% à privilégier l'étranger, aussi, pour
étudier.
Les jeunes rencontrent en effet des difficultés pour poursuivre des
études supérieures, trouver un travail qui ne soit pas précaire ou
«informel»; les entrepreneurs innovants peinent à trouver les
financements nécessaires à lancer une start-up, une PME, au sein des
circuits formels de financement. Et Les jeunes attribuent largement ces
difficultés à un dysfonctionnement des infrastructures publiques et
sociales, ce qui les conduit à être plus attirés par le secteur privé
que le secteur public.
Education et bonne gouvernance
Leur préférence va également aux pays africains dont le développement
est le plus inclusif et repose sur la création locale de valeur
économique et d'emplois. Or, pour piloter durablement son développement
économique, l'Afrique a précisément besoin qu'une élite jeune et bien
formée s'investisse dans la gouvernance, la fonction publique, les
secteurs d'intérêt général.
Pour attirer la diaspora jeune sur le continent, l'Afrique doit
passer du modèle de rattrapage de croissance des dernières décennies à
un modèle de production d'économie réelle pour le continent et ses
populations. Elle doit créer des compétences et des emplois et non pas
seulement générer des profits financiers à court terme. Et c'est là une
équation complexe pour le continent; car la logique et l'horizon
temporel de l'investisseur financier ne coïncident pas «naturellement»
avec ceux de l'économiste, du politique, et des peuples. Il faut donc
réussir à les faire converger.
J'ose affirmer ici que l'Afrique, mais également la communauté
internationale qui veut y investir, n'ont réalistement pas le choix.
Avec 200 millions d'habitants âgés de 15 à 24 ans, chiffre qui devrait
doubler d'ici 2045, et un taux de chômage des jeunes deux fois
supérieur à celui des adultes, l'Afrique ne peut pas s'exonérer d'une
croissance inclusive qui place les jeunes générations au centre de sa
dynamique de développement. Les statistiques globales du chômage ne
tiennent pas compte des emplois précaires, du sous-emploi, de la
difficulté des jeunes filles à accéder au travail, des adolescents
laissés sans formation. L'insécurité alimentaire, le déficit
d'infrastructures sociales de base (électricité, logement salubre,
accès aux soins) ont aussi un impact sur la santé des jeunes, leur
capacité à étudier, leur motivation. Il est effectivement nécessaire
d'investir dans le «capital humain» pour qu'il soit productif et
performant.
Justice sociale et développement endogène
Aujourd'hui, les risques que fait courir un modèle non-inclusif de
développement à l'investissement ne sont pas évalués et chiffrés. Or,
ils devraient, en toute rationalité financière, l'être. Sur un
continent jeune, la croissance inclusive permet de réduire les dangers
d'instabilité sociétale et politique qui affectent directement la
confiance des investisseurs et leurs intérêts. Une croissance qui
laisse de côté les jeunes générations, les femmes, les accroît. Un pays
comme le Nigeria représente une bombe à retardement entre autres pour
cette raison.
Les réponses existent et commencent à être mises en œuvre par les Etats
les plus moteurs: réduire l'insécurité alimentaire par la modernisation
de l'agriculture dans le cadre d'une transformation en local des
produits de la terre et créer ainsi des emplois ruraux; investir en
priorité dans les infrastructures sociales de base en articulant leur
financement à ceux des méga-projets d'infrastructure économique; et ce,
au travers de partenariats publics-privés qui seront structurants
à long terme pour l'ensemble de la communauté; organiser des
écosystèmes entrepreneuriaux locaux capables d'incuber et d'accompagner
la jeune entreprise.
Rénover les modes de gouvernance et la fonction publique en la centrant
sur la responsabilité économique, financière et sociétale pour attirer
plus de jeunes dans la fonction publique, les métiers d'intérêt
général. Rénover les systèmes éducatifs et notamment les études
supérieures, la formation professionnelle et technique en partenariat
avec des universités et grandes écoles, organismes de formation
étrangers. Professionnaliser les carrières journalistiques, afin que
les médias deviennent la voix crédible et écoutée du continent dans le
monde. Une voix qui relaiera cette nécessité de faire d'une économie
inclusive centrée sur les jeunes et les femmes, productrice d'emplois
industriels locaux, la pierre d'angle du développement du continent.
Action et détermination
Mais pour cela, deux conditions sont nécessaires: il faut que forums,
sommets et conférences soient plus centrés sur le faire que sur
le dire et prennent en compte l'Afrique réelle et non pas l'Afrique
perçue d'ailleurs ou souhaitée. Il faut aussi que les représentants de
la société civile se mobilisent ultérieurement.
Je lance ici un appel aux jeunes hommes et femmes africains, à
commencer par ceux qui ont participé à l'étude Train My Generation, aux
ateliers de travail qui ont suivi: contribuez activement à mettre en
œuvre les décisions du NYFA 2014 sur votre continent. Mettez-vous au
service de votre avenir collectif.
On peut souhaiter que la voix de l'Amérique relaie ce message lors du
sommet qui va s'ouvrir et que les leaders de la communauté
internationale et les nombreux chefs d'Etat présents investissent
effectivement dans la prochaine génération celle qui vit et voudra
revenir sur le continent.
Richard Attias
Président du New York Forum Institute et fondateur du New York Forum Africa.
2 Août 2014
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