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« L’Afrique, c’est la Chine des années 1990 » Par Sébastien Le Belzic (chroniqueur Le Monde Afrique, Shanghaï)
On
le surnomme « le magicien ». Car tout ce qu’il touche se transforme en
or. A 42 ans, JX Paulin, alias « X », vit à 100 à l’heure entre
Shanghaï, Dubaï et Monrovia. Mais c’est en Chine, où il débarqué il y a
21 ans, que le Franco Togolais a lancé ses affaires.
« A l’époque, mes professeurs me prenaient
pour un fou », s’amuse-t-il en dégustant un capuccino avant de
s’envoler pour Singapour. « Je suis arrivé ici avec à peine une licence
de mathématiques en poche. J’ai d’abord travaillé dans le monde de la
nuit. C’est là que j’ai tissé mon premier réseau de relations auprès de
personnes qui aujourd’hui exercent des responsabilités importantes dans
la police ou à la mairie de Shanghaï. »
Le réseau. C’est le secret de cet entrepreneur toujours tiré à quatre
épingles. Il est devenu l’un des symboles de la Chinafrique, toujours
prompt à délivrer son discours exalté sur « le TGV chinois dans lequel
l’Afrique doit absolument embarquer sous peine de le rater ». « Aux
jeunes Africains, je dis :“ Yes you can”. Si moi j’ai réussi, alors
vous aussi vous le pouvez. » « J’ai commencé à travailler avec
l’Afrique il y a cinq ans, explique JX Paulin, aujourd’hui à la tête de
deux sociétés africaines qu’il gère depuis ses bureaux de Shanghaï. Je
pense que la Chine est l’exemple à suivre pour l’Afrique. L’Afrique,
c’est la Chine des années 1990. » « Le problème est que Pékin ne
comprend pas le continent parce qu’elle a oublié son propre passé »,
analyse l’homme d’affaires. « En Chine, on ne vous demande pas ce que
vous avez fait, mais ce que vous pouvez faire. »
Aujourd’hui à la tête de d’entreprises florissantes, il travaille dans
l’immobilier, la décoration d’intérieur et les nouvelles technologies,
au gré des opportunités. Son projet pour 2016 : créer un réseau social
pour les étudiants africains. « Grâce à Internet, les jeunes doivent
pouvoir accéder aux mêmes connaissances que les Occidentaux ou les
Chinois. » Son entreprise s’appellera MySimax et son siège sera à…
Dubaï.
Déjà, les géants de l’internet chinois tels qu’Alibaba sont intéressés
par sa start-up. Le monde n’a pas de frontière pour ces jeunes
ambitieux, jamais à court de nouvelles idées. Son projet, JX le mène
avec deux autres Africains : Dean H. Diabate, Franco-Malien, également
installé à Shanghaï depuis six ans et spécialiste de marketing digital,
et Jean-Philippe Atsé, un ancien banquier d’affaire franco- ivoirien
installé lui depuis dix ans à Hong Kong.
Rapprocher les milieux d’affaires
« Je suis un pur produit ivoirien, s’amuse Jean-Philippe Atsé. Je suis
diplômé de l’école polytechnique de Côte d’Ivoire avec une spécialité
en pétrole. J’ai passé plus de la moitié de ma vie en Côte d’Ivoire. »
Mais c’est à Hongkong que ce jeune cadre de 38 ans s’est fait un nom. A
la tête d’Akwa Capital, il conseille les grandes sociétés africaines
qui veulent se lancer sur le marché chinois et vient de lancer
l’association Africasia Professionnal Network pour rapprocher les
milieux d’affaires sino-africains.
« Il existe un vrai fossé entre la Chine et l’Afrique, explique-t-il.
Il y a finalement peu d’initiatives privées. Le jour où l’on verra les
grandes familles hongkongaises construire des projets en Afrique, on
aura franchit un cap. Actuellement, ce sont surtout des initiatives
bilatérales entre gouvernements. Il y a une grande stratégie africaine
de Pékin avec en face des pays qui viennent faire en quelque sorte leur
shopping en chine pour obtenir des capitaux et un savoir faire
opérationnel. »
Ouvrir les portes de la Chine aux entreprises africaines
Certains pourtant n’hésitent pas à se lancer. C’est le cas d’Isabelle
Hannouche. Cette jeune femme d’affaire n’a que 29 ans mais déjà un joli
palmarès. « J’ai débarqué à Shanghaï en 2012. A l’époque, je ne savais
même pas situer Shanghaï sur la carte. Je pensais trouver des
rizières, comme au Vietnam. J’ai trouvé des gratte-ciel, comme à New
York. » Aujourd’hui, elle fait du « sourcing » à la tête de sa société
Teranga, c’est-à-dire qu’elle achète en Chine pour ses clients
sénégalais. Des rouleaux d’aluminium, des meubles, des machines-
outils… Un univers difficile dans lequel elle évolue comme un poisson
dans l’eau. « Le plus compliqué fut de maîtriser le mandarin. Ensuite
tout devient possible », sourit-elle.
Isabelle a un rêve : celui d’ouvrir les portes de la Chine aux
entreprises africaines. « J’essaye actuellement de distribuer à
Shanghaï une marque ivoirienne de produits alimentaires
éco-responsables. C’est un immense défi car les produits africains
n’ont aucune image de marque en Chine. Les Chinois sont très curieux,
mais ils ne connaissent pas grand-chose de l’Afrique. »
Isabelle Hannouche, Jean-Philippe Atsé, JX Paulin... Trois
entrepreneurs de cette nouvelle Chinafrique. « Les Africains ont besoin
d’inspiration, de gens comme nous qui ne sont pas des “fils de”,
explique J. X. Paulin. J’étais récemment au Liberia et je suis
intervenu dans une université. Tout le monde est ressorti avec la
pèche. Finalement, peu de gens leur donne cette inspiration. Je leur
donne de l’espoir. »
10 Novembre 2015
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