Le plan climat européen à l'épreuve des intérêts particuliers
Par Philippe Ricard


Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en tête, les Vingt-Sept se targuent de jouer les premiers rôles dans le monde en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Mais la Commission européenne doit, tout en mettant en oeuvre les ambitions collectives de l'Union, ménager les intérêts divergents des capitales, des industries et des défenseurs de l'environnement, au risque de brouiller son message dans les négociations internationales engagées pour trouver d'ici à 2009 un successeur au protocole de Kyoto.


Les deux engagements pris en mars 2007 par les chefs d'Etat et de gouvernement figurent au coeur du "paquet climat" a été présenté mercredi 23 janvier à Bruxelles : la réduction de 20 % des rejets de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990 et l'objectif de 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation européenne d'ici à 2020.

"C'est le moment de faire preuve de sérieux, de sens des responsabilités et de cohérence", estime José Manuel Barroso, le président de la Commission, qui est en même temps contraint de multiplier les concessions au sujet du partage des efforts à fournir, dans l'espoir de faciliter l'adoption du projet par le Conseil et le Parlement européens.

Jusqu'au dernier moment, les industries énergivores se sont mobilisées pour atténuer la portée d'un des principaux chantiers envisagés : la refonte du mécanisme d'échange des quotas d'émissions de gaz à effet de serre, qui doit porter à lui seul la moitié du fardeau. En principe, ces "droits à polluer" doivent être vendus aux enchères dès le début de 2013, sur la base d'allocations européennes sectorielles, et non plus nationales. Il s'agit de soutenir les cours de la tonne de CO2 en restreignant la quantité de quotas alloués, ceci afin de favoriser les investissements dans les technologies propres.

Plusieurs secteurs grands consommateurs en électricité, comme la sidérurgie, la chimie ou les fabricants d'aluminium, sont néanmoins en passe d'obtenir le maintien d'allocations gratuites "jusqu'à 100 %" d'ici à 2020, selon un certain nombre de critères réévalués tous les trois ans. Leurs revendications ont été relayées par les capitales les plus soucieuses des risques de délocalisation d'usines exposées à la concurrence internationale, comme Paris et Berlin. Seuls les producteurs d'énergie devraient donc être soumis aux enchères dès 2013.

Afin d'emporter l'adhésion des Etats membres, les 30 milliards à 50 milliards d'euros de revenus annuels générés par ces enchères seront mis à leur disposition. En cas d'échec des négociations lancées en décembre à Bali pour l'après-Kyoto, l'exécutif européen devra de surcroît proposer, à l'horizon 2011, des mesures destinées à éviter "toute distorsion de concurrence" avec les pays non engagés dans la lutte contre le réchauffement. C'est-à-dire le maintien de la gratuité des allocations, ou l'inclusion, comme le demandent instamment la France et les partenaires sociaux, des importateurs dans la bourse européenne aux quotas.

Les luttes d'influence ne sont pas moins vives au sujet de la promotion des énergies renouvelables ou de la réduction des rejets de CO2 dans les secteurs non intégrés dans le mécanisme d'échange (transports, logement, services ou agriculture). Dans ces deux domaines, la Commission entend fixer des objectifs nationaux contraignants à chaque capitale. Mais là aussi, elle a dû composer avec les exigences d'Etats membres soucieux d'alléger les efforts à fournir.

En prenant comme indicateur la prospérité de chaque pays, l'exécutif européen fait porter la charge la plus importante sur les pays les plus développés de l'Union. Ce choix doit permettre de ne pas entraver le rattrapage économique des nouveaux Etats membres, toujours très dépendants, à l'instar de la Pologne avec le charbon, d'énergies polluantes.

La Bulgarie et la Roumanie seront ainsi autorisées à augmenter de 20 % leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020, tandis que les plus riches, comme la France, devront les réduire de 15 % à 20 %. Mais, sans attendre la signature d'un accord au niveau international, un tiers des efforts dans ce domaine pourront être réalisés dans des pays non européens. Les investissements consentis hors de l'Union donneront en effet la possibilité d'accorder des droits supplémentaires aux activités implantées en Europe.


Janvier 2008

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