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Toute la chaîne alimentaire mondiale pèse pour un tiers des émissions de CO2
Par Le Monde Par Mathilde Gérard Publié aujourd’hui à 11h41, mis à jour à 12h16
La
conclusion de l’étude additionne l’impact carbone de toutes les étapes,
de la production jusqu’à la consommation, et y compris le gaspillage.
Une
pizza faite maison, achetée surgelée ou consommée au restaurant n’aura
pas la même saveur. Et pas le même impact carbone. Pour la première, il
faudra tenir compte de l’empreinte carbone de chaque ingrédient et de
leur mode de préparation et de cuisson. Pour la deuxième seront
intégrés le procédé de fabrication en usine, le transport et la
conservation. Pour la dernière devra entrer en considération l’énergie
consommée par l’établissement.
Au final, le fait-maison, composé à partir d’aliments bruts, remportera
le match de l’empreinte carbone, peut-on déduire de la lecture d’un
rapport du think tank français Institute for Climate Economics (I4CE).
Celui-ci a compilé les études existantes pour quantifier l’impact au
niveau mondial de la demande alimentaire globale sur les émissions de
gaz à effet de serre et identifier les leviers qui permettraient de les
réduire.
S’il est relativement aisé d’évaluer combien de gaz à effet de serre
génère une surface agricole, il est beaucoup plus compliqué de calculer
l’empreinte de toute la chaîne alimentaire, comprenant la conversion
des terres, la transformation des produits, leur stockage ou le
traitement des déchets, comme s’efforcent de le faire les auteurs du
rapport, publié le 25 février.
Le premier constat est que les données manquent. En cherchant à mettre
en cohérence plusieurs études internationales parues ces dernières
années, les experts d’I4CE estiment que la demande alimentaire mondiale
génère de 22 % à 37 % des rejets de gaz à effet de serre,
tous secteurs confondus. Une fourchette large, qui s’explique notamment
par la difficulté à chiffrer l’effet du changement d’affectation des
sols, c’est-à-dire la déforestation entraînée par la production
alimentaire.
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« Il
n’y a pas de consensus sur la part de la consommation alimentaire dans
l’ensemble des émissions en raison de cette incertitude, mais l’ordre
de grandeur auquel nous avons abouti – un tiers des émissions
anthropiques globales dues à l’alimentation – est fiable »,
détaille Lucile Rogissart, chargée de recherche pour l’I4CE et
coauteure de l’étude.
A l’échelle de la France, le Centre international de recherche sur
l’environnement et le développement a conclu dans une enquête parue en
janvier que l’alimentation pèse pour 24 % de l’empreinte carbone
des ménages français, mais cette donnée ne tenait pas compte du
paramètre de l’affectation des sols.
Lutte contre le gaspillage
Vu sa part dans les rejets mondiaux, l’alimentation a donc un rôle
central à jouer pour atteindre l’objectif fixé par l’accord de Paris
destiné à contenir le réchauffement climatique sous le seuil des
2 °C. L’étude de l’I4CE évalue le poids des différentes étapes de
la production alimentaire. « Les deux tiers des émissions de gaz à
effet de serre liées à la consommation de nourriture sont rejetées
avant la sortie du produit de la ferme, précise Lucile Rogissart. La
transformation et le transport comptent pour 20 % et la phase
finale, du magasin à l’assiette, pour 13 %. »
Selon les données rassemblées par le think tank, le secteur de
l’élevage génère à lui seul 63 % des rejets de l’alimentation
alors qu’il ne fournit que 16 % des calories consommées dans le
monde. Pour Mme Rogissart, « réduire sa consommation de produits
animaux, et surtout de viande de ruminants, est de loin le levier le
plus efficace, tout en étant compatible avec des enjeux de santé
publique ». Une vaste étude publiée en janvier par la revue
médicale The Lancet et la fondation EAT préconise ainsi de ne pas
consommer plus de 100 g de viande rouge, l’équivalent d’un steak,
par semaine.
La lutte contre le gaspillage alimentaire constitue l’autre axe à
privilégier. « Diviser le gaspillage par deux permettrait de
réduire les émissions d’environ 5 % », insiste l’étude de
l’I4CE, qui appelle également à réduire la consommation de produits
très transformés, suremballés ou importés par avion et à respecter la
saisonnalité. Un fruit poussant en serre chauffée génère « 6 à 9
fois plus d’émissions qu’un même fruit produit en saison », notent
les auteurs.
En revanche, l’achat en circuit court ou en agriculture biologique se
révèle moins significatif en termes de bilan carbone.
« L’agriculture biologique est plus émettrice, en moyenne et à
l’heure actuelle, que le secteur conventionnel du fait de rendements
inférieurs, indique Lucile Rogissart. Mais le bio apporte d’autres
bénéfices, notamment environnementaux. »
Pour réduire l’empreinte carbone de son assiette, le consommateur se
trouve ainsi placé face à ses choix. Mais l’analyse de l’I4CE alerte
surtout sur la nécessaire mise en cohérence des politiques publiques
agricoles, sanitaires et environnementales.
1er Mars 2019
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