Bali se réchauffe aux promesses des démocrates américains
Par Christian Losson


Climat. Isolés, les Etats-Unis ont fait retoquer une résolution contraignante pour les pays riches.

Tiens, un chiffre s’est évaporé, en l’espace d’une nuit. Un point pourtant capital du sommet de Bali sur le climat, censé lancer l’après-Kyoto (après 2012) et qui s’est achèvée mi-Décembre. Exit, donc, un projet de résolution finale assurant que, «sur la base des preuves scientifiques réunies par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat» (Giec), les pays riches devraient «viser» une réduction de 25 à 40 % de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport à 1990. Proposée dimanche soir, la version a été expurgée hier après-midi. «Les Etats-Unis ont poussé le Japon et le Canada à monter au front pour dégommer cette question critique», assure un diplomate de l’ONU.

Pourtant, il a flotté hier comme un parfum d’Amérique post-Bush. Une sorte d’antidote à la léthargie que traîne, à Bali, la délégation américaine. John Kerry, sénateur démocrate et candidat à la présidentielle 2004, se sent des airs de porte-drapeau. «Oui, une transformation radicale se produit en ce moment aux Etats-Unis», dit-il, avant d’énumérer les initiatives de villes, d’Etats et de multinationales lancées sur les rails de l’écologiquement correct. Oui, en 2009, date de la prise de fonction du futur chef de l’Etat, «cela va changer, comme la différence entre le jour et la nuit». Oui, il faut être «guidé par la science» sur le réchauffement, et pas par la politique, sauf à être «irresponsable», sauf à penser «qu’on peut être à moitié enceinte». Et si le micro tombe en rade, comme ce fut le cas hier, inutile de «blâmer» Bush. La version «off» de l’Amérique est venue prêcher la bonne parole.

Il est vrai que la version de l’administration Bush tient de l’inaudible. «Ça fait des années que c’est le même laïus», pouffe un délégué africain. Le discours officiel du dernier pays riche à ne pas avoir ratifié le protocole de Kyoto consiste à répéter : «Nous ne voulons pas nous lancer dans des chiffres.» Corollaire : «Nous ne nous sentons pas isolés.» Même quand le directeur de l’Institut de recherche sur l’impact du climat de Potsdam assure, en marge d’un rapport publié hier, qu’avec une hausse de 5 oC «nous pourrions avoir quelque chose qui ressemblerait à une guerre civile à l’échelle mondiale» ? Même.

Mais la journée d’hier a confirmé que, sans Bush, une autre Amérique climatique est peut-être possible. «Les réticences américaines ne doivent pas servir à d’autres pour ne rien faire», martèle Kerry. Dans la soirée, Kerry, façon Droopy, partout à la fois, a posé pour la photo au côté de Jean-Louis Borloo. Signera-t-il le protocole de Kyoto si les démocrates l’emportent ? Réponse : «Non, on va le changer, on va avancer.»


Janvier 2008

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