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L'Europe se fixe un cap ambitieux sur le climat
Par Laurence Caramel
Vendredi
24 octobre dans la nuit, les Vingt-Huit sont finalement parvenus à un
accord sur les trois objectifs qui guideront la politique de lutte
contre le réchauffement climatique de l'Union européenne (UE) au cours
des prochaines années : les émissions de gaz à effet de serre devront
diminuer d'« au moins » 40 % d'ici à 2030 par rapport à 1990 ; la part
des énergies renouvelables devra être portée à 27 % du mix énergétique
; 27 % d'économies d'énergie devront être réalisées. Seul le premier
objectif sera contraignant.
Ce
nouveau « cadre d'action en matière de climat et d'énergie à l'horizon
2030 », qui devra encore être approuvé par le Parlement européen,
remplacera un premier plan dit des « 3 fois 20 » (20 % de baisse des
émissions, 20 % d'énergies renouvelables, 20 % d'économies d'énergie)
adopté en 2009 et en vigueur jusqu'en 2020.
ENGAGEMENTS CHIFFRÉS
L'Europe est la première à mettre sur la table des engagements chiffrés
en vue de la conférence de Paris en décembre 2015, où pourrait être
signé un accord mondial sur le climat. Elle s'y était engagée pour
pouvoir faire pression sur ceux qui rechignent à prendre leur part du
fardeau et rejettent l'idée d'un traité international contraignant dont
l'ambition devra être de limiter la hausse moyenne des températures à 2
°C, comme le recommande le Groupe intergouvernemental d'experts sur
l'évolution du climat.
« C'est un accord très ambitieux pour la planète. L'Europe montre
l'exemple », s'est réjoui le président François Hollande à l'issue de
cette première journée du Conseil européen, dont le climat constituait
le sujet principal. « C'est maintenant que l'Europe devait aboutir, car
dans quelques semaines, tous les pays se réuniront à Lima », pour
définir le cadre autour duquel devra être recherché le consensus l'an
prochain..
IMPORTANTES CONCESSIONS AUX ETATS
Un enthousiasme douché par les ONG. Les objectifs « sont bien en deçà
de ce qui pourrait être fait par l'Europe pour combattre le changement
climatique », regrettent les Amis de la Terre, tandis qu'Oxfam estime
qu'une « action insuffisante de la part des pays les plus riches
fait peser le fardeau sur les populations les plus pauvres ».
Ce compromis n'a pu être scellé qu'au prix d'importantes concessions
faites aux Etats. « Trouver un accord n'a pas été une chose aisée, loin
de là », a admis le président du Conseil, Herman Van Rompuy. Certains
s'inquiètent ainsi qu'à la demande de la Pologne et des autres pays
d'Europe de l'Est, quelques lignes ouvrant la possibilité à un réexamen
des différents éléments de l'accord aient été introduites dans les
dernières heures de la discussion.
« Ces pays, mais ils ne sont pas les seuls, contestent l'idée que
l'Europe doive faire plus que la Chine ou les Etats-Unis, et ils
voulaient avoir l'assurance de pouvoir rediscuter de certains aspects
de l'accord au vu des résultats de la conférence de Paris. Mais il ne
s'agit pas de revenir sur ces trois piliers », commente, rassurant, un
membre de l'équipe de M. Van Rompuy.

BAISSE DE L'OBJECTIF D'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE
Le premier ministre britannique, David Cameron, s'est battu jusqu'au
dernier moment pour limiter le poids de Bruxelles dans l'orientation
des politiques énergétiques nationales. Invitant ses partenaires à ne
pas sous-estimer la nouvelle poussée d'euroscepticisme outre-Manche et
prêt à user de son veto, il a en partie obtenu gain de cause.
L'objectif d'efficacité énergétique a été ramené de 30 % à 27 %.
L'eurodéputé Vert luxembourgeois Claude Turmes a qualifié cette
décision de « gigantesque irresponsabilité ». « Toutes les études,
dont celles de la Commission européenne, montrent que faire des
économies d'énergie est le meilleur instrument pour réduire la
dépendance énergétique de l'Europe. En pleine crise en Ukraine et au
Moyen-Orient, ce choix est un non-sens pour le climat comme pour notre
sécurité énergétique », explique-t-il.
Les Polonais et les autres pays moins riches d'Europe orientale ont
obtenu l'assurance de recevoir d'importantes compensations financières.
Plusieurs mécanismes de solidarité seront mobilisés en puisant dans les
revenus tirés du marché carbone européen. Ainsi, 2 % des quotas
d'émissions seront mis en réserve pour financer des projets de
modernisation des infrastructures électriques et d'efficacité
énergétique dans les pays dont le revenu par habitant est inférieur à
60 % de la moyenne européenne. Ils ont aussi obtenu de recevoir,
jusqu'en 2030, des quotas d'émissions gratuits pour leurs centrales à
charbon.
« TRANSPARENCE »
Le montant a fait l'objet d'un tardif aparté entre François Hollande,
la chancelière allemande Angela Merkel et la première ministre
polonaise Ewa Kopacz. Le texte final prévoit que les fonds recueillis
devront être utilisés de « façon transparente et pour promouvoir de
réels investissements de modernisation du secteur énergétique ». Une
façon de signaler que cela n'est pas le cas jusqu'à présent.
Par ailleurs, 10 % de la vente aux enchères des quotas d'émissions de
CO2 seront transférés « au titre de la solidarité, de la croissance, et
des interconnexions » aux pays dont le revenu par habitant est
inférieur à 90 % de la moyenne européenne. En élargissant l'assiette
des bénéficiaires, le Conseil satisfait l'Espagne et le Portugal, dont
la principale revendication porte sur la création de débouchés pour sa
production d'électricité issue des énergies renouvelables, aujourd'hui
en surcapacité.
Les pays riches ont, de leur côté, obtenu que la répartition du
fardeau dans les secteurs non régulés par le marché du carbone
– transports, bâtiment, agriculture – ne se fasse pas uniquement sur la
base du revenu par habitant. Au bout du compte, l'effort demandé à
chaque Etat ira au minimum d'une stabilisation des émissions d'ici 2030
à une baisse de 40 %. Dans le cas de la France, la contribution
s'élèvera autour de 37 %. Pour François Hollande, le nouveau cap que
viennent de se donner les Européens porte « une nouvelle vision de
l'avenir et de nos modes de vie ».
23 Septembre 2014
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