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A Genève, semaine-clé pour les
négociations climat
Par Simon
Roger (Genève, envoyé spécial)
Entre les colonnes de marbre de la
salle des pas perdus, une exposition photo retrace les moments forts
des soixante-dix ans de l’institution onusienne. La prochaine
Conférence mondiale sur le climat, du 30 novembre au 11 décembre à
Paris (21e Conférence des parties de la convention des Nations unies
sur les changements climatiques, ou « COP 21 »), donnera-t-elle lieu à
un autre cliché pour l’Histoire ? Rien n’est moins sûr.
Laurent Fabius, en première ligne puisque la France a obtenu la
présidence de la COP 21 (elle était la seule candidate), ne verrait
certainement pas d’inconvénient à poser pour la postérité. Mais le
ministre des affaires étrangères, qui a fait le déplacement au Palais
des nations de Genève, dimanche 8 février, pour l’ouverture de la
session de travail sur les négociations climatiques, mesure la
difficulté de la tâche. « La conférence de Paris, qui va rassembler 20
000 délégués et plus de 20 000 autres personnes, sera le plus grand
événement diplomatique jamais accueilli en France. Son enjeu est
capital, insiste-t-il. Il faut arriver à lutter contre le dérèglement
climatique à la fois pour des raisons environnementales, pour des
raisons de capacité de vivre mais aussi pour des raisons de santé et de
sécurité. »
Jeu
diplomatique
Si un accord est scellé en décembre à Paris, il constituera une étape
décisive dans la lutte contre le réchauffement climatique. A
l’exception du protocole de Kyoto, qui impose depuis 2005 aux pays
riches des objectifs contraignants dans la lutte contre les gaz à effet
de serre, mais qui n’a pas été ratifié par les Etats-Unis, les 195
acteurs de la Conférence des parties ne sont jamais parvenus à
s’entendre sur un texte universel pour limiter la hausse de la
température en deçà de 2 °C d’ici à la fin du siècle, seuil au-delà
duquel la communauté scientifique met en garde contre des dérèglements
climatiques majeurs. En cas d’échec de la COP 21, c’est le principe
même du multilatéralisme onusien qui verra sa crédibilité – déjà
entamée en raison de la timidité des avancées enregistrées à Lima –
mise en cause.
Depuis le début de l’année, le chef de la diplomatie française intègre
à chacun de ses déplacements une séquence sur le climat. Trois jours
avant sa venue à Genève, il a ouvert à New Delhi le sommet mondial du
développement durable, partageant l’estrade avec Rajendra Pachauri, le
patron du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), et
l’ancien gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger. Lundi 9
février, il devait se rendre en Indonésie pour évoquer, notamment, les
risques de catastrophes naturelles.
« Le scepticisme n’est plus une option. Les scientifiques ont fait leur
travail ; désormais, c’est aux gouvernants d’agir, confie le chef du
Quai d’Orsay. J’ai demandé aux ambassadeurs de faire un point sur la
situation de chaque pays : quels sont les problématiques climatiques,
les modèles énergétiques, les perspectives de croissance verte ? [Cet
état des lieux] va être précieux pour avancer dans nos discussions. »
Dans les imposantes salles de conférence du Palais des nations, à
Genève, c’est un autre jeu diplomatique qui s’organise. Dimanche a
débuté la session de négociations devant aboutir le 13 février au soir
à la rédaction du texte qui servira de cadre aux négociations de Paris.
Comprendre le réchauffement climatique en 4 minutes par lemondefr
« Je vous demande de trouver des solutions novatrices, le temps est
compté, chaque jour doit être un succès », a lancé en séance
d’ouverture le Péruvien Manuel Pulgar Vidal, président en exercice de
la Conférence des parties. Selon les calculs de la NASA et de l’Agence
américaine océanique et atmosphérique, rappelle-t-il, 2014 a été
l’année la plus chaude sur le globe depuis le début des relevés des
températures, en 1880. Et dans son dernier rapport, le GIEC estime que
la hausse de la température atteindra entre 3,7 °C et 4,8 °C d’ici à
2100, si la production énergétique mondiale ne se détourne pas
massivement des énergies fossiles.
Le document à l’étude est un texte de 37 pages, ébauché à Lima en
décembre 2014, que vont disséquer, compléter, amender, jour après jour,
les négociateurs dépêchés à Genève. « La conférence de Lima laissait la
possibilité aux Etats de rejeter cette trame. Ils ne l’ont pas fait, se
félicite Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations
internationales sur les changements climatiques. L’autre point positif,
c’est ce sentiment que les acteurs veulent avancer vers un accord à
Paris. » La plupart des intervenants ont choisi de ne pas faire de
déclaration orale, pour entrer le plus vite possible dans le vif du
sujet. « Si la négociation démarre sans grosse tension, c’est aussi
parce que l’éventail des options est pour le moment très large, précise
Romain Benicchio, de l’ONG Oxfam International.
Pour autant, la route qui mène à la conférence de Paris est semée
d’embûches. Les négociateurs doivent d’ici là se mettre d’accord sur la
forme juridique de l’accord : protocole contraignant ou décision moins
ambitieuse ? Ils doivent trouver des solutions pour abonder le Fonds
vert pour le climat, cette cagnotte qui devrait atteindre 100 milliards
de dollars (88 milliards d’euros) à partir de 2020, afin notamment de
financer les besoins des pays en voie de développement pour lutter
contre le réchauffement. Ils doivent encore, avant le 31 octobre,
assurer la synthèse des « contributions nationales », les engagements
des pays pour réduire leurs émissions carbone. « Ces mesures ne
suffiront pas à respecter le scénario de limitation du réchauffement à
2 °C dès 2015, mais elles nous mettront sur la voie des 2 °C », espère
Laurence Tubiana.
10
Février 2015
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