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Vanuatu, symbole de l’urgence climatique
Par Simon Roger, Stéphane Foucart et Philippe Mesmer (Sendai, envoyé spécial)
La
coïncidence est saisissante. Le drame de Vanuatu, dévasté par le
cyclone Pam, a rappelé l’urgence à agir aux 186 pays participant, du 14
au 18 mars, à la 3e conférence des Nations unies sur la prévention
des risques naturels.
Présent
à cette rencontre organisée à Sendai, au Japon, la première ville
frappée par le tsunami de mars 2011, le président du petit
archipel du Pacifique sud, Baldwin Lonsdale, a fait part, dimanche
15 mars, de sa vive émotion. « Ce monstrueux cyclone est le
pire qui ait jamais ravagé notre pays, a-t-il déclaré. Nous sommes un
peuple travailleur et résistant mais le coup est dur. »
Les ONG craignent un désastre à Vanuatu
Dans l’attente de pouvoir regagner sa capitale, Port-Vila, dont
l’aéroport est endommagé, M. Lonsdale a profité de sa présence à
Sendai pour mobiliser l’aide internationale. Outre l’Australie, qui
devait effectuer un survol de l’archipel pour évaluer les dégâts, le
Japon a débloqué 20 millions de yens (157 000 euros).
De plus en plus de cyclones tropicaux destructeurs
Après les Philippines en novembre 2013, ravagées par le
supertyphon Haiyan, c’est la seconde fois en moins de seize mois qu’un
archipel du Pacifique est frappé par un ouragan de puissance inédite.
Signe des temps, le caractère hors du commun de Haiyan avait conduit
certains scientifiques à s’interroger sur la nécessité d’ajouter un
sixième niveau à l’échelle de Saffir-Simpson qui indexe la puissance
des cyclones tropicaux de un à cinq. Avec des rafales excédant
350 km/h, Pam pourrait relancer ce débat.
Avec le changement climatique, la proportion des cyclones tropicaux les
plus destructeurs devrait augmenter. La tendance est déjà sensible,
notamment sur le bassin atlantique. La destruction du Vanuatu vient de
remettre en lumière la réalité de cette tendance. « Actuellement,
il fait chaud et humide au Vanuatu, ce qui est inhabituel à cette
période de l’année, a rappelé James Bules, le ministre de Vanuatu
chargé de la gestion des catastrophes naturelles, également présent à
Sendai. Dans le même temps, nous observons la montée des eaux qui se
traduit par une érosion des côtes. »
« A travers l’évolution des températures, des précipitations et du
niveau des océans, entre autres facteurs, le changement climatique
mondial modifie le niveau des aléas et exacerbe les risques de
catastrophe dans certaines régions », précise le bilan mondial
2015 des Nations unies sur la réduction du risque de catastrophe.
Depuis 1980, 42 millions d’années de vie perdues
Les pertes économiques dues aux catastrophes naturelles sont estimées
aujourd’hui entre 250 et 300 milliards de dollars par an. En
outre, la mortalité et les pertes économiques associées sont en plus
forte augmentation dans les pays à faibles revenus. Depuis 1980, ce
sont 42 millions d’années de vie qui ont été perdues, à 80 %
dans le monde en développement.
A neuf mois du rendez-vous de la conférence de Paris (COP21), destinée
à trouver un successeur au Protocole de Kyoto pour limiter à 2 °C
le réchauffement en cours, c’est toute la planète qui se trouve sous la
pression du climat. Dans les pays du nord, les événements extrêmes
favorisés par le changement climatique sont aussi en recrudescence.
Selon une liste dressée par le climatologue Stefan Rahmstorf, publiée
en 2012 dans Nature Climate Change, l’Europe a enregistré depuis
2000 une dizaine de records de canicules, de sécheresses ou de
précipitations extrêmes. Par exemple, les inondations catastrophiques
qui ont touché le sud de la Grande-Bretagne en 2000 étaient
inédites depuis 1766. Le nouveau record a été battu en 2007, puis
battu de nouveau en 2014.
Frilosité financière des Etats
L’enjeu planétaire de la lutte contre les événements extrêmes
s’accompagne d’un débat serré sur les politiques de financement. La
plupart des quelque 70 pays les plus menacés n’ont pas toujours les
ressources suffisantes pour les mesures envisagées. « Un
investissement de six milliards de dollars [5,7 milliards d’euros]
annuels permettrait d’épargner 360 milliards de dollars d’ici à
2030 », a souligné le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.
Présente à la conférence internationale de Sendai, la vice-présidente
de la Banque mondiale, Rachel Kyte, n’a pas manqué de pointer la
frilosité financière des Etats.
« Nous avons peut-être aidé les peuples à se protéger contre des
intempéries telles que nous les connaissions par le passé, mais
résister à un cyclone avec des rafales dépassant 300 km/h, c’est
tout autre chose », a-t-elle plaidé devant les représentants
réunis au Japon. Jusqu’à présent, « le sentiment d’urgence et les
ambitions [de la communauté internationale] ne sont pas à la
hauteur », estime-t-elle.
« Tout à reconstruire »
Comme l’a rappelé le président Baldwin Lonsdale avant de quitter
Sendai, le passage du cyclone tropical va nécessiter un immense effort
de redressement de la fragile économie de l’archipel. « Dans
l’immédiat, il nous faut un soutien humanitaire, à plus long terme nous
avons besoin d’une aide financière et d’assistance pour commencer à
reconstruire nos infrastructures. Nous avons tout à reconstruire. »
La tragédie de son pays donne un argument supplémentaire aux partisans
d’un accord ambitieux à Sendai, dont l’objet est de trouver les moyens
de réduire le nombre de victimes et les dégâts causés par ces
catastrophes.
Avec comme priorité la prévention, et notamment la transmission
d’informations aux populations menacées. L’Organisation météorologique
mondiale (OMM) en a appelé aux politiques pour, selon son secrétaire
général, Michel Jarraud, « garantir les investissements dans la
préparation et la prévention, en coordination avec les services de la
météo ».
M. Jarraud a insisté sur l’information par les médias, les
réponses d’urgence, le fonctionnement des services de santé ou encore
les projets de reconstruction.
20
Mars 2015
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