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«Le Fonds vert, une question politique cruciale pour la réussite de la
Cop 21»
Par Christian
LOSSON et Isabelle HANNE
Pascal Canfin, du think tank World
ressources institute, dévoile, pour Libération, le contenu d'un rapport
destiné à éclairer la façon de trouver 100 milliards de dollars d'ici
2020 pour les pays en développement.
Alors qu’a débuté, à Bonn, la session intermédiaire de négociations de
la Convention Climat (CCNUCC) qui aura (en fin d’année), pour but
d’affiner le texte de l’accord de Paris, et que doit se tenir ce
week-end le sommet du G7 réunissant les principales économies et
bailleurs de fonds, la finance est au cœur des négociations sur le
climat entre les pays développés et ceux en développement. Ex-ministre
délégué au développement, Pascal Canfin est conseiller climat au World
ressources institute, un très influent think tank de 450 personnes dont
le siège est basé à Washington. Et qui publie aujourd’hui un rapport
intitulé «Getting to 100 billions, climate finance scenarios and
projections to 2020» (document en bas de l’article).
Parvenir à financer 100 milliards sur le Fonds vert, lancé en
2009 à Copenhague et qui doit être bouclé en 2020, est-il une
condition sine qua non pour parvenir à un accord pour la Cop 21 ?
Comme le dit François Hollande, il ne peut y avoir d’accord s’il n’y a
pas de dimension financière. Et il faut impérativement solder la
question des 100 milliards, et montrer de façon crédible comment les
pays du nord vont honorer la promesse faite lors de la COP de
Copenhague. Il ne s’agit pas, comme on le croit trop souvent de «100
milliards pour le fonds vert». L’engagement pris à Copenhague porte sur
une «grande variété de sources, publiques et privées, bilatérales et
multilatérales, y compris des sources de financement alternatives».
Cela inclut bien évidemment le Fonds vert mais ne s’y résume pas.
Cependant, plus de 5 ans plus tard, il n’y a toujours pas d’accord sur
ce qui doit être compté comme permettant d’atteindre cet objectif. Or,
loin d’être un simple exercice de compatibilité, le sujet des 100
milliards s’affirme comme une question politique cruciale pour la
réussite de la Cop 21. C’est même une condition déterminante pour
passer à la suite et à l’après 2020, sur lequel doit porter l’accord de
Paris. Les pays du Sud ne signeront rien si les pays riches se renient.
Sauf que le scepticisme est grand parmi les pays en développement comme
auprès des ONG de dégager 100 milliards de dollars par an pour… Le but
du rapport du WRI est de montrer que c’est possible ?
C’est le premier exercice qui se projette pour définir un cadre pour
parvenir aux 100 milliards et envisage 4 scénarios dont 2 permettent de
parvenir voire de dépasser cet objectif. Il s’agit d’ajouter la finance
climat bilatérale (par exemple, pour la France, celle qui passe par
l’Agence française de développement), le Fonds vert, et les banques de
développement. On y additionnerait l’argent privé mobilisé par cet
argent public. Du coup, on s’aperçoit qu’il faut deux conditions pour y
parvenir. D’abord, trouver entre 10 et 14 milliards de dollars de flux
publics supplémentaires en 2020 par rapport à 2012, et à chaque Etat de
trouver les canaux pour y parvenir. Cela peut venir de financements
innovants, comme la taxe sur les transactions qu’il serait judicieux de
voir rapporter près de 10 milliards d’euros sur l’ensemble de la zone
pour nous donner un levier supplémentaire, une taxe sur le
kérosène ou l’argent des enchères carbone. Ensuite, il faut que les
banques multilatérales de de développement investissent entre 9 et 13
milliards de plus sur le climat. Est-ce possible? Oui. La banque
mondiale ne fait que 20% de finances climatiques, par exemple, elle
peut raisonnablement faire plus, à l’image de l’AFD qui s’est fixé
comme objectif d’y consacrer 50%.
Mais cela ne risque-t-il pas de siphonner l’aide au développement qui
doit aussi irriguer la santé ou l’éducation, par exemple ?
Non, au contraire. La première dynamique pour éviter la concurrence
entre le financement d’une école ou le financement d’une ferme
éolienne, par exemple, c’est de mettre en branle des financements
additionnels par rapport à ce qui fait aujourd’hui. Pour la France,
cela consiste à trouver entre 1 et 1,5 milliards de dollars en 2020. Et
encore une fois, la TTF pourrait jouer un rôle déterminant. L’Allemagne
vient d’ailleurs de mobiliser 2 milliards de plus qu’aujourd’hui en
2020. C’est donc possible, à condition de définir la zone
d’atterrissage possible pour parvenir à ses 100 milliards. Les autres
pays du G7 sont maintenant attendus sur ce sujet déterminant pour le
succès de la COP21. Les pays riches doivent poursuivre le taux de
croissance du financement du climat tel qu’ils l’ont fait depuis 2009.
Politiquement, en dépit de la crise et des contraintes budgétaires,
c’est un engagement possible à poursuivre. Ce travail du WRI permet de
trouver un point d’équilibre, un compromis entre ceux qui disent que
l’argent ne peut venir que du public et ceux qui assurent qu’il suffit
de compter uniquement les flux privés.
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Juin 2015
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