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« Il faut une vision à long terme face au changement climatique »
Par
la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur
les changements climatiques, Christiana Figueres, et le directeur du
Center for Environmental Systems Research de l’université de Kassel,
Joseph Alcamo
Tribune.
Au cours de l’année écoulée, le nombre de pays qui se sont prononcés en
faveur d’une vision à long terme sur le changement climatique a
augmenté de façon spectaculaire. Tous ces pays reconnaissent désormais
que notre meilleure chance de vivre dans un monde stable et sain est de
mettre en œuvre des politiques et des mesures visant à parvenir à ce
que certains appellent « la neutralité climatique » et
d’autres « zéro émissions nettes » au cours de la seconde
moitié de ce siècle.
C’est
dans cet esprit que les pays du G7 ont exprimé, il y a quelques
semaines, leur engagement en faveur de la décarbonisation progressive
l’économie mondiale.
Un nombre croissant de villes, de régions et d’entreprises partagent la
même ambition. Certains se sont fixé des objectifs à long terme tels
que 100 % d’énergie renouvelable d’ici à 2050, ou encore une
réduction des émissions allant parfois jusqu’à 80 %.
Si tant de nations, de collectivités locales et d’entreprises adoptent
de tels objectifs, c’est parce qu’elles adhèrent à la science du
climat. C’est en effet la façon la plus sûre de contribuer au respect
de l’engagement pris par les gouvernements de limiter la hausse de la
température mondiale à moins de 2 degrés Celsius au cours de ce siècle.
La ligne de défense des 2 °C
Ces derniers mois, trois rapports majeurs de la communauté scientifique
– le rapport « Dialogue structuré d’experts », la 5e
évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat (GIEC), et le rapport du Programme des Nations unies pour
l’environnement sur l’écart entre les besoins et les perspectives en
matière de réduction d’émissions – ont livré plusieurs messages
essentiels :
▪ La limite de 2 °C qui guide
l’action internationale doit être considérée comme une « ligne de
défense » contre les pires impacts climatiques attendus, tandis
que de nombreux pays considèrent qu’une limite de 1,5 °C
constituerait une meilleure garantie de sécurité ;
▪ Retarder la réduction des
émissions conduirait à des coûts plus élevés et serait porteur de plus
grands risques pour la société ;
▪ L’atteinte des objectifs de réduction
des émissions mondiales suppose d’accroître l’efficacité énergétique,
d’augmenter l’utilisation des énergies renouvelables et d’assurer une
agriculture durable.
Ces faits essentiels seront au centre des discussions cette semaine,
alors que d’éminents scientifiques du monde entier se réuniront à Paris
pour la conférence Notre Avenir commun face au changement climatique.
Afin de parvenir en décembre à un nouvel accord universel sur le climat
qui soit crédible, le monde a besoin de négociateurs engagés, créatifs
et patients, et d’une volonté politique précise et forte de la part des
ministres et chefs d’Etat.
Mais les scientifiques aussi ont un rôle essentiel à jouer : en
définissant la trajectoire d’émissions à suivre sur le moyen et le long
terme, ils peuvent fixer le cap et motiver de plus en plus de
gouvernements, de villes et d’entreprises à inscrire leurs politiques
et leurs actions dans une vision à long terme. C’est le moment pour les
scientifiques, qui sont les gardiens de la connaissance sur le
changement climatique et ses impacts, de retrousser leurs manches pour
faire comprendre aux citoyens de leur pays les faits scientifiques sur
le changement climatique.
Les scientifiques, ambassadeurs d’un changement positif
En publiant des commentaires dans les journaux nationaux, en
s’exprimant dans les médias et en s’engageant auprès de leurs
communautés, les scientifiques peuvent être les ambassadeurs d’un
changement positif.
Le succès d’un nouvel accord de Paris dépendra, aux yeux des citoyens,
de l’adoption d’une série de mesures essentielles, parmi lesquelles un
signal clair de soutien financier en faveur des pays en voie
développement, ainsi qu’un mécanisme permettant d’examiner
régulièrement les progrès réalisés par les pays et de relever le niveau
d’ambition au fil du temps.
Mais pour crédibiliser l’engagement des gouvernements à stabiliser le
climat, il faudra aussi adopter un objectif de long terme. On pourrait
certes considérer qu’il ne coûte rien, pour les ministres et chefs
d’Etat d’aujourd’hui, de prendre des engagements dont l’horizon s’étend
bien au-delà du terme de leur mandat. Cependant, l’adoption d’un tel
objectif de long terme enverrait aux marchés et aux investisseurs un
signal crucial.
Il serait en effet la garantie d’un soutien à long terme en faveur du
développement des énergies vertes et de villes plus propres et plus
habitables, de la réduction de la pollution, de la production de biens
et de services économes en ressources, et d’une gestion plus
intelligente des infrastructures naturelles de la Terre, des forêts aux
rivières, des sols aux récifs coralliens.
Les scientifiques ont de nombreux rôles clés à jouer, notamment ceux
d’aider la société à comprendre les risques que nous courons face à un
changement climatique incontrôlé et d’inventer les technologies
nécessaires à la transition vers une économie toujours plus verte. Mais
leur rôle consiste aussi à éclairer l’action de la communauté
internationale en définissant les trajectoires à suivre pour atteindre
l’objectif fixé. Alors qu’il ne reste plus que cinq mois pour conclure
l’accord de Paris, il est temps de mettre à plat tous les fondements
principaux sur la table et de manière juste.
Si la communauté scientifique estime que l’accord de Paris devrait
inclure un objectif à long terme, alors il est temps pour elle, à tout
juste cinq mois de la Conférence de Paris, de l’exprimer clairement.
Elle a cette semaine l’occasion d’exprimer sa conviction, au nom de
l’Avenir commun des peuples du monde entier.
13 Juillet 2015
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