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COP 21
Climat : à trois mois de la COP21, les Etats ont encore du chemin à faire
Par Simon Roger
Moins
de cent jours séparent désormais les délégués des 196 membres de la
Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques
(CCNUCC), réunis à Bonn depuis lundi 31 août, de la 21e conférence
mondiale sur le climat ou COP21. Programmée du 30 novembre au
11 décembre à Paris, la réunion onusienne vise un accord universel
pour contenir le réchauffement sous le seuil des 2 °C
supplémentaires.
Or,
trois mois semblent bien peu au regard des nombreux points de
divergence qui persistent. « Les négociations climatiques avancent
à une vitesse d’escargot, mais les Etats membres savent désormais que
Paris est la date butoir, confiait il y quelques jours au Monde le
secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Nous n’avons plus de
temps à perdre. »
« Si l’on veut que la planète reste vivable, il ne faut pas que le
réchauffement climatique augmente de plus de deux degrés, a renchéri
dimanche 30 août le ministre des affaires étrangères, Laurent
Fabius. Et ce qui est prévu spontanément, c’est 4, 5, 6, 7
degrés. » Selon les données recueillies par l’agence américaine
océanique et atmosphérique, les sept premiers mois de 2015 sont
considérés comme les plus chauds enregistrés à la surface du globe
depuis le début des relevés météorologiques en 1880. L’année 2014
avait déjà été la plus chaude dans les annales des relevés de
température, après de précédents records en 2005 et 2010.
Clarifier le texte de base des négociations
Le chef de la diplomatie française veut faire venir les chefs de
gouvernement à l’ouverture de la COP21, le 30 novembre, pour
donner « une impulsion politique » aux négociations et non à
la fin comme à Copenhague en 2009, où les chefs d’Etat arrivés en
sauveurs des négociations avaient participé à l’échec de la conférence.
« Ensuite, ce sera à nous, les ministres, de négocier »,
assure-t-il. A condition, d’ici là, d’y voir plus clair dans le texte
soumis aux délégations. C’est tout l’enjeu de la session de
négociations prévue à Bonn du 31 août au 4 septembre, la
deuxième de l’année, avant une ultime halte, du 19 au 23 octobre,
toujours dans la cité rhénane.
« D’ici à fin octobre, un grand saut qualitatif est possible,
autrement dit, un texte resserré, ne comportant que peu
d’options », avance l’ambassadrice chargée des négociations sur le
changement climatique, Laurence Tubiana. La négociatrice en chef de la
France fonde son optimisme sur le document de travail dont disposent
depuis fin juillet les représentants des parties de la CCNUCC.
Devant l’incapacité des délégués à simplifier le texte de négociations
lors de leur premier rendez-vous en juin à Bonn, mission avait été
confiée aux coprésidents des débats (les « co-chairs ») de
proposer un « toilettage » du document. Dans la version
communiquée le 24 juillet, longue de 83 pages – au lieu de 130
pour le corpus présenté en juin –, le texte distingue les grands
principes qui pourraient dessiner un accord à Paris et les décisions en
mesure d’être adoptées dès 2020, date prévue de mise en vigueur de
l’accord.
« Les coprésidents ont remis cet été une proposition de texte pour
la négociation, bien structuré et clarifié. La table est donc dressée,
confirme Pierre Cannet, responsable du programme climat et énergie au
WWF. Il faut maintenant que les pays se mettent rapidement d’accord sur
le menu, c’est-à-dire les options à retenir vers l’accord de Paris.
C’est tout l’objet de ces cinq jours de négociations à Bonn. »
Si un consensus semble s’être dégagé sur le principe d’un accord de
longue durée, la question de son actualisation fait toujours débat.
« On parle d’un mécanisme de révision tous les cinq ans, mais
est-ce compatible avec l’urgence climatique à laquelle nous devons
faire face aujourd’hui ? », s’interroge Matthieu Orphelin,
porte-parole de la Fondation Nicolas-Hulot (FNH).
« Des efforts supplémentaires » attendus des Etats
Le niveau d’ambition des Etats est un deuxième point sensible. Seuls 56
pays ont jusqu’à présent remis leur scénario de lutte contre le
réchauffement climatique (contribution nationale), ce qui représente,
selon les modes de calculs, entre 58 et 62 % du total des
émissions mondiales de gaz à effet de serre. « Une nouvelle
livraison devrait intervenir au moment de l’Assemblée générale des
Nations unies mi-septembre, assure Laurence Tubiana. L’objectif reste
d’avoir sur la table 90 % des émissions mondiales avant la COP21.
Nous ne sommes pas en retard. »
« Il va être intéressant bien sûr de suivre les nouvelles
contributions. Celle de l’Inde, de l’Indonésie et du Brésil en
particulier, qui représentent à eux trois 15 % des émissions
mondiales. Mais une tendance se dégage d’ores et déjà, estime Matthieu
Orphelin. Selon les engagements actuels, la planète va émettre, d’ici à
2030, 56 milliards de tonnes équivalent CO2, alors qu’il ne
faudrait pas dépasser les 46 milliards pour rester sous la barre
des 2 °C. Si les chefs d’Etat et de gouvernement pensent
réellement que le réchauffement climatique est le défi de ce siècle,
ils doivent faire un effort supplémentaire pour freiner les émissions
nationales. »
Dans son analyse des engagements mise à jour le 28 août, la FNH
revient sur un autre sujet qui devrait nourrir les débats à Bonn :
les enjeux de financement. Les pays en développement exigent que soit
précisée la manière dont les pays industrialisés respecteront
l’engagement pris en 2009 à Copenhague : verser
100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 aux pays du Sud pour
financer notamment leur virage vers les énergies propres. On en est
très loin.
« Les 100 milliards ne représentent que 0,2 % du PIB des
pays de l’OCDE, mais les investissements qu’ils généreront représentent
6 % du PIB des 8 pays en développement qui ont chiffré leurs
besoins, détaille le porte-parole de la FNH. Les pays riches sont
vraiment à l’heure des choix. »
9 Septembre 2015
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