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COP 21 Plus tard, ce sera trop tard...
Par Simon Roger
Répétition générale à trois semaines de la COP21.
« Une
espèce de répétition générale avant la conférence de Paris. » Les
mots choisis par Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, pour
qualifier la « pré-COP » qui s’ouvre dimanche 8 novembre
dans la capitale française, rappellent – s’il en était besoin –
l’imminence de l’événement. Dans trois semaines, débute à Paris-Le
Bourget la 21e conférence des Nations unies sur le changement
climatique (COP21) dont l’objectif est de contenir la hausse du
thermomètre sous les 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Les
écosystèmes et les économies seraient confrontés à des conséquences
dramatiques si ce seuil était franchi, alertent depuis des années les
scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat (GIEC).
La soixantaine de ministres de l’environnement et de l’énergie qui se
retrouvent dimanche à Paris, pour trois jours, à l’invitation de la
France, présidence montante de la COP, connaissent ces données par
cœur. Ils connaissent tout autant les résultats des fastidieuses
discussions entamées dans le cadre onusien par leurs
négociateurs : un texte de 55 pages obtenu à la fin d’octobre
à Bonn (Allemagne), esquissant une trame d’accord universel sur le
climat mais comportant encore de nombreuses options parfois
contradictoires. Tout l’enjeu de cette pré-COP est de permettre à ces
ministres de se saisir de ce texte, d’en comprendre les enjeux, les
points de tension et, si possible, les zones de convergence.
« Soumettre des propositions »
« Il s’agit de faciliter l’accord final et de trouver le chemin de
l’accord sur le plus grand nombre de sujets possibles », a
commenté Laurent Fabius vendredi 7 novembre en conférence de
presse, alors que le texte issu de l’ultime session de Bonn est jugé
« long, trop long, même si sa structure est stabilisée ».
Les quelque 60 ministres représentatifs de l’ensemble des groupes qui
participent aux négociations n’ont pas mandat pour retravailler le
texte, ce qui sera précisément l’objectif de la COP, mais ils sont
invités à soumettre des propositions. « De telles propositions
pourraient permettre de faire des progrès pendant la première semaine
de Paris, avec en vue l’adoption à Paris d’un accord ambitieux et
équitable », indique une note interne du quai d’Orsay.
« Quatre groupes de travail »
« La réunion de clôture [de la pré-COP] va fournir l’occasion
d’adresser un message clair sur les attentes des ministres et des chefs
de délégation », explique le document de cinq pages, qui détaille
ensuite l’organisation de la pré-COP en « quatre groupes de
travail en parallèle, modérés par des binômes de ministres, sur des
points spécifiques ayant trait à l’accord de Paris ».
La question de l’équité entre pays
Le premier thème listé est celui de l’équité, qui pose la question de
la responsabilité dans l’effort contre le réchauffement entre pays
développés, émergents et pauvres. Notion clé dans ces négociations
climatiques qui associent 195 pays, l’équité se traduira aussi
pendant cette pré-COP par une coprésidence de chaque groupe de travail
partagée entre un ministre du Nord et un ministre du Sud.
Le niveau d’ambition de l’accord
Deuxième sujet de discussion, l’ambition de l’accord. Une formule qui
paraît floue mais renvoie à deux aspects précis des discussions
multilatérales, le mécanisme de révision et l’objectif de long terme.
Au 30 octobre, à un mois de l’échéance, 155 pays avaient
annoncé leurs engagements de réductions de leurs émissions de gaz à
effet de serre. Ce jour-là était également rendu public un bilan de ces
engagements nationaux qui conduit à un réchauffement de la planète
proche de 3 °C.
Une clause de révision est donc impérative pour confronter ces
engagements au réel et pour réviser à la hausse ces scénarios
nationaux. Cette idée, défendue notamment par la France, a reçu lundi
2 novembre un soutien de poids : la Chine, plus gros émetteur
mondial de gaz à effet de serre et voix forte dans le concert des
nations en développement. C’était le principal objet de la visite
d’État de deux jours de François Hollande en Chine les 2 et
3 novembre, conclue par une déclaration commune pointant
l’importance d’inclure dans l’accord de Paris un mécanisme de révision,
revu à la hausse tous les cinq ans.
Les discussions ministérielles de la pré-COP seront plus serrées sur
l’objectif de long terme. Pour les scientifiques, la solution au
réchauffement passe par le cap de zéro émission nette de carbone d’ici
à la fin du siècle. Pour certains pays avancés dans la voie des
énergies renouvelables, cette transition pourrait atteindre 100 %
de sources renouvelables. Pour de nombreux pays pétroliers du Golfe, en
revanche, un renoncement aux énergies fossiles, socle de leur modèle de
développement, reste une option inenvisageable.
Les actions à mener avant 2020
Le troisième thème à l’ordre du jour de la pré-COP porte sur les
actions à mener avant 2020, avec un axe fort sur les enjeux de
financement. « L’engagement des pays développés de mobiliser
100 milliards de dollars par an, d’ici à 2020, pour les pays en
développement, de sources publiques et privées, bilatérales et
multilatérales, doit être honoré, insiste la note du quai d’Orsay.
C’est un point clé pour construire la confiance post-2020. »
Publié début octobre à Lima, un rapport de l’OCDE évalue à
61,8 milliards de dollars l’ensemble des flux Nord-Sud collectés
en 2014 pour le climat. Les contributions annoncées en 2015
par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, l’implication du secteur
privé, des banques de développement (qui ont promis, à Lima, un effort
supplémentaire de 15 milliards de dollars par an) et du Fonds vert
pour le climat devraient combler la part manquante vers les
100 milliards, assurent les pays donateurs.
Face à cette belle opération de méthode coué, le Fonds vert a apporté
quelques éléments de réponse concrets jeudi 5 novembre. Son
conseil d’administration a validé la participation du Fonds, pour
168 millions de dollars, à huit projets d’atténuation et
d’adaptation aux effets du réchauffement climatique au Bangladesh,
Fidji, Malawi, Maldives Pérou, Sénégal, en Afrique de l’Est et dans la
zone Caraïbe. « En allant à la COP21, les pays en développement
savent qu’ils peuvent compter sur le Fonds vert comme partenaire
financier », se félicite Héla Cheikhrouhou, la directrice générale
de l’institution.
Le financement sur la période post-2020
Le financement, cette fois sur la période post-2020, date d’entrée en
vigueur de l’accord, sera le quatrième et dernier dossier ouvert par
les participants à la pré-COP inaugurée dimanche après-midi. Pour
amorcer cette séquence, Laurent Fabius a révélé vendredi les détails
d’une vaste campagne de communication sur la COP21, sous forme
d’affiches placardées dans 55 agglomérations françaises et dans la
presse. « Sept milliards d’habitants, une seule
planète », « Plus tard ce sera trop tard », « Nous
ne pourrons pas dire à nos enfants que nous ne savions pas »,
« bienvenue à ceux qui viennent défendre la planète », suivis
de l’inscription « #COP21Paris », se détachent en lettres
majuscules blanches sur fond de ciel bleu.
Samedi, l’actualité a apporté un autre message, indirect mais pas
anodin, aux ministres de la pré-COP. Le président Barack Obama a
annoncé le rejet du projet controversé d’oléoduc Keystone XL reliant le
Canada aux Etats-Unis et confirmé sa présence à l’ouverture de la
COP21, au côté de plus de 80 chefs d’Etat et de gouvernement.
Dimanche matin, les ministres présents, accompagnés de la secrétaire
exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements
climatiques (CCNUCC), Christiana Figueres, et de Laurent Fabius en chef
de chantier, devaient se rendre au Bourget pour découvrir les premières
installations. L’ouverture des travaux de la pré-COP, prévue à
15 heures, sera donnée par les ministres péruvien et français,
présidents respectifs de la COP20 et de la COP21.
8 Novembre 2015
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