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Climat : l’avènement d’une Amérique défaitiste
Par LE MONDE | 02.06.2017 à 11h13 • Mis à jour le 02.06.2017 à 12h07
En
quittant l’accord de Paris, les Etats-Unis de Donald Trump fuient la
bataille pour le climat. Le XXIe siècle ne sera pas
« américain », comme l’a été le XXe.
Le
monde assiste à une séquence diplomatique sans précédent. Sur l’un des
sujets les plus graves de l’heure pour l’avenir de la planète – le
réchauffement climatique –, l’Amérique se retire. Elle renonce à
l’exercice de son « leadership ». Elle ne sera ni un exemple
ni un guide. Elle rapetisse, pays continent replié sur lui-même et
accusant les autres de lui vouloir du mal. Par la voix de Donald Trump,
c’est l’Amérique du Charles Lindbergh de 1940, du nom du pionnier de
l’aviation civile et ardent opposant à l’entrée des Etats-Unis dans la
deuxième guerre mondiale, qui s’est exprimée, jeudi 1er juin à
Washington.
L’Amérique, reniant les engagements pris et ardemment défendus par
Barack Obama, quitte l’accord de Paris sur la lutte contre les
émissions de gaz à effet de serre. Elle fuit la bataille pour le
climat. Elle ne participera pas aux efforts décidés par les 194 autres
pays signataires. Elle estime ne plus avoir d’obligations à cet égard –
ni techniques ni financières. Elle juge que son développement
économique en serait entravé, a dit M. Trump.
Cette régression infantile est déjà en soi un événement. Elle est
peut-être l’une de ces évolutions qui font que le XXIe siècle ne sera
pas « américain », comme l’a été le XXe. Mais elle est
d’autant plus remarquable qu’elle est accompagnée d’un autre mouvement
en parallèle : face au vide de leadership ainsi créé, l’Europe
cherche à exister. La chancelière Angela Merkel avait donné le ton la
semaine dernière à Munich. Elle tirait les leçons d’un sommet de l’OTAN
à Bruxelles et d’une réunion du G7 en Italie où M. Trump s’est réfugié
dans un quant-à-soi querelleur et isolationniste. Au sein du camp
occidental, les Européens, a dit la chancelière, doivent en tirer les
conséquences : « prendre leur destin en mains ».
Pas de « plan B »
Jeudi soir, poursuivant cette étonnante séquence, c’est à Emmanuel
Macron qu’il est revenu de dresser les leçons du retrait américain.
Sans l’impulsion décisive d’Obama et de son homologue chinois, Xi
Jinping, l’accord de Paris, signé en décembre 2015, n’aurait sans
doute pas vu le jour. Mais il doit aussi beaucoup aux efforts du
président François Hollande et de son ministre des affaires étrangères,
Laurent Fabius. Puissance hôte, la France est au premier rang dans la
bataille pour le climat.
A ce titre, dans une initiative sans précédent, le président Macron est
intervenu – en français puis en anglais – pour dire qu’il n’y aurait
pas de « plan B », pas de renégociation, et pour appeler les
194 à demeurer fidèles à l’accord tel qu’il a péniblement été conclu.
Quelques instants plus tard, Allemands et Italiens se joignaient aux
Français pour défendre cette position dans une déclaration commune.
C’était l’esquisse d’une réponse européenne à la défaillance
américaine, le glissement d’un leadership à l’autre.
Climatosceptique
militant, M. Trump avait choisi le cadre enchanteur de la roseraie
de la Maison Blanche pour annoncer son retrait. Volontiers hargneux,
maniant la caricature et le mensonge, le président a présenté les
Etats-Unis en victimes de la rapacité et de l’injuste ingratitude des
autres pays – des puissances émergentes, comme la Chine et l’Inde, qui
bénéficient de délais dans l’application de l’accord ; des
Européens, et notamment des Allemands, qui « ont coûté à
l’Amérique des milliards de dollars du fait d’impitoyables pratiques
commerciales, tout en étant (…) pour le moins laxistes à propos de leur
contribution » à l’OTAN.
M. Trump se trompe d’époque
M. Trump prétend défendre l’économie américaine. Il fait fi de la
responsabilité historique des Etats-Unis, deuxième plus gros émetteur
de gaz à effet de serre, dans le réchauffement climatique. Il se trompe
d’époque : la transition énergétique est portée par une évolution
technologique qui fait constamment baisser le coût des énergies
renouvelables. Les grandes entreprises américaines, les maires des
grandes villes du pays, l’ont compris. Ils entendent bien résister à la
Maison Blanche et suivre, de leur côté, les prescriptions de l’accord
de Paris.
Mais l’application de l’accord, qui repose sur la bonne volonté des
Etats, sera plus difficile. C’est affaire d’impulsion politique, de
« leadership ». Bref, plus vieille démocratie du monde,
première puissance économique, « leader » technologique, les
Etats-Unis manqueront cruellement dans la bataille pour le climat. Une
Amérique défaitiste : ce n’est bon ni pour les Américains ni pour
le reste du monde.
2 Juin 2017
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