|
Après Trump, le déluge
Par Coralie Schaub — 2 juin 2017 à 20:16 - Libération
Macron,
Merkel, DiCaprio, Bloomberg, Goldman Sachs, Disney ou Schwarzenegger…
L’union sacrée pour dénoncer la décision du président américain de
quitter l’accord de Paris peut-elle tenir ? Le seuil de 2°C de
réchauffement s’approche déjà dangereusement. Au-delà, la Terre
sera incontrôlable.
Bien
que prévisible, l’annonce par Donald Trump d’un retrait américain de
l’accord de Paris sur le climat n’en a pas moins constitué un
gigantesque choc. Qui provoque, depuis jeudi soir, un tsunami de
réactions. A l’intérieur du pays comme à l’étranger, elles sont
quasiment toutes négatives. Consternées, estomaquées, horrifiées,
outrées, indignées. D’Emmanuel Macron et son «make our planet great
again» à Angela Merkel. De la «grande déception» des Nations unies à
Barack Obama, pour qui Trump «rejette l’avenir». Des milieux d’affaires
américains (Tesla, General Electric, Disney, General Motors, Google,
Apple, Facebook, Goldman Sachs… ou même les majors pétrolières) à
Arnold Schwarzenegger ou Leonardo DiCaprio, jusqu’aux dizaines de
villes et d’Etats qui, outre-Atlantique, ont illico organisé la
résistance. Même Marine Le Pen a qualifié le retrait de
«regrettable». Une sorte d’union sacrée s’est forgée contre ce
dirigeant ignorant (par bêtise ou cynisme) les réalités scientifiques
sur le changement climatique qui menace la survie même de l’humanité.
Un homme enfermé dans une forme de paranoïa, persuadé par ses
conseillers les plus climatosceptiques (son éminence brune Steve Bannon
en tête) que l’accord de Paris est un «mauvais deal» pour les
Etats-Unis, un complot ourdi par les autres nations pour affaiblir
l’Amérique. Alors qu’il s’agissait au contraire d’une chance pour son
économie (lire Libération du 2 juin). Vendredi matin, Trump a
joué l’autruche en relayant sur Twitter les soutiens de ses proches à
la Maison Blanche, de sénateurs républicains ou la réaction euphorique
de Wall Street après sa décision. Fait remarquable, par ailleurs :
l’absence totale de réaction, vendredi, dans le monde arabe et les
pétromonarchies.
Et maintenant ? Passé le choc, quel avenir pour l’accord de Paris ?
Moult chefs d’Etat, maires ou entreprises ont promis la main sur le
cœur de l’appliquer avec d’autant plus de détermination. A commencer
par l’UE et la Chine, qui s’affichent comme les nouveaux porte-drapeaux
de la diplomatie climatique.
Mystère.
Mais les belles paroles seront-elles suivies d’effets ? Ce retrait ne
découragera-t-il pas certains d’agir, notamment la Russie, qui n’a
toujours pas ratifié l’accord ? Vladimir Poutine s’est refusé à
condamner Trump et a appelé à «travailler en commun, faute de quoi il
sera impossible de parvenir à un [nouvel] accord». Sauf que Berlin,
Paris et Rome ont déjà souligné que l’accord de 2015 ne pouvait en
aucun cas être renégocié, ne serait-ce que parce qu’il est déjà entré
en vigueur. Autre motif d’inquiétude : quid du financement des
politiques de lutte contre le réchauffement ? Trump l’a dit, les
Etats-Unis ne verseront plus un dollar au Fonds vert, l’institution de
soutien aux pays les plus pauvres, qui ont cruellement besoin de cet
argent, y compris pour s’adapter aux effets du bouleversement
climatique. Les financements de la Convention climat de l’ONU (CCNUCC)
sont aussi menacés, puisque les Etats-Unis abondaient près d’un quart
de son budget d’environ 20 millions de dollars par an. Le
milliardaire américain Michael Bloomberg a déjà joué les sauveurs en
s’engageant à apporter 15 millions de dollars à la CCNUCC, soit
bien plus que nécessaire pour remplacer les crédits effacés par Trump.
Bloomberg a assuré que de nombreux maires, gouverneurs, présidents
d’université et chefs d’entreprises seraient déjà prêts à s’associer
pour soutenir l’ONU et tenir les engagements américains de réduction
des émissions de gaz à effet de serre (GES) signés à Paris (une baisse
d’entre 26 % et 28 % d’ici à 2025 par rapport à 2005). De son
côté, le chef de la diplomatie américaine et ex-PDG d’ExxonMobil Rex
Tillerson a affirmé que les Etats-Unis allaient poursuivre leurs
efforts pour réduire ses émissions. Comment ? Mystère… Surtout que le
très controversé Dakota Access Pipeline vient d’entrer en service,
précisément l’inverse de ce qu’il faudrait faire.
Funestes conséquences.
«Dans le pire des scénarios», ce retrait pourrait se traduire par une
hausse supplémentaire de 0,3° C de la température moyenne du globe au
XXIe siècle, a estimé un responsable de l’Organisation
météorologique mondiale. Ce qui peut paraître dérisoire, mais est en
fait beaucoup trop. Car la Terre se réchauffe à un rythme ahurissant.
L’an dernier, la température a dépassé d’environ 1,1° C celle de l’ère
pré-industrielle, rendant chimérique l’objectif le plus ambitieux de
l’accord de Paris, qui vise à limiter cette hausse à 1,5° C. Or ce
seuil est déjà synonyme de profonds changements, avertissent les
climatologues. Et celui de 2° C est perçu comme étant à ne surtout pas
dépasser, sous peine de ne plus pouvoir contrôler l’emballement du
climat et ses funestes conséquences. Las, même avant le retrait
américain, les objectifs de baisse de GES présentés par chaque pays
orientaient plutôt la planète vers +3° C. Maintenant, chacun devra
vraiment redoubler d’efforts pour éviter le scénario catastrophe.
3 Juin 2017
Abonnez-Vous à LIbération
Retour au
Climat
Retour au Sommaire
|
INFORMATIONS
SANS FRONTIERES |
|
|