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Lutter contre le changement climatique créerait 18 millions d’emplois
Par LE MONDE | 14.05.2018 à 18h06 • Mis à jour le 14.05.2018 à 18h18 - Par Rémi Barroux
La
réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait générer quatre
fois plus d’emplois dans le monde qu’elle n’en détruirait selon
l’Organisation internationale du travail.
Créer
24 millions d’emplois dans le monde, voilà ce que permettrait la
lutte pour réduire les émissions de CO2 – afin de contenir le
réchauffement climatique en dessous des 2 °C, tel que le préconise
l’accord de Paris conclu le 12 décembre 2015.
Dans le rapport « Emploi et questions sociales dans le monde
2018 : une économie verte et créatrice d’emploi », rendu
public lundi 14 mai au soir, l’Organisation internationale du
travail (OIT) a réalisé une estimation des pertes et des créations
d’emplois induites par cette évolution de l’économie, qu’elle juge
inéluctable. Avec six millions d’emplois détruits, le solde induit par
la généralisation de la transition verte serait donc de
18 millions d’ici à 2030.
L’unique agence tripartite des Nations unies – regroupant les
représentants des gouvernements, des employeurs et des salariés de
187 Etats membres – avait déjà, dans le passé, travaillé sur la
question des emplois verts et du travail décent. En 2013, lors de
la Conférence internationale du travail, qui se tient chaque mois de
juillet à Genève, elle avait produit un rapport indiquant « des
gains nets en matière d’emplois supplémentaires, entre 2010 et 2030, de
0,5 % à 2 % ».
Catherine Saget, économiste à l’OIT et principale auteure du rapport
publié lundi, prévient qu’« il ne s’agit pas ici de comptabiliser
les emplois verts à venir, mais d’étudier les gains et pertes dans tous
les secteurs touchés par la mutation de l’économie ». Ainsi l’OIT
estime que « l’action visant à limiter le réchauffement climatique
à 2 °C va se traduire par suffisamment de créations d’emplois pour
compenser largement les six millions de suppressions d’emploi faites
ailleurs ».
Bénéfice en Amérique, Asie et Europe, perte en Afrique
Le bénéfice net se concentre dans les Amériques, en Asie et dans la
zone Pacifique, ainsi qu’en Europe, s’élevant respectivement à trois
millions, à quatorze millions et à douze millions d’emplois. A
contrario, le Moyen-Orient et l’Afrique en perdraient respectivement
environ 300 000 et 350 000 (soit – 0,48 % et –
0,04 % du total dans chacune des deux régions du monde), « en
raison de leur dépendance à l’égard, respectivement, des énergies
fossiles et des mines », précise l’OIT.
Sur les 163 secteurs économiques étudiés, seuls quatorze vont
subir des suppressions supérieures à dix mille postes à l’échelle
mondiale. L’extraction pétrolière et le raffinage afficheraient des
pertes supérieures à un million d’emplois. Dans le secteur de
l’électricité, la création de 2,5 millions de postes pour les
énergies renouvelables compenserait largement la destruction de
400 000 emplois dans la production basée sur les combustibles
fossiles.
L’économie circulaire, avec les activités de recyclage, de tri, la
réparation, la location et la réutilisation d’objets générerait six
millions d’emplois. Dans ces domaines, l’OIT insiste aussi sur la
nécessité d’assurer la qualité du travail, bien souvent précaire,
dangereux et dénué de protection sociale dans des secteurs informels.
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Renforcer les formations et les protections sociales
Plus difficile à quantifier, la montée en puissance de l’agriculture
bio et de l’agriculture de conservation (qui permet de maintenir et
d’augmenter le potentiel agronomique des sols en limitant les intrants,
par exemple, et en organisant les rotations culturales) devrait aussi
permettre d’embaucher davantage de monde. En Europe, l’emploi agricole
a augmenté de 1,1 % avec les conversions en bio. « Le passage
à des systèmes agricoles plus durables créerait des emplois dans des
fermes bio de taille moyenne ou grande et permettrait aux petits
exploitants de diversifier leurs sources de revenu, surtout si les
fermiers disposent des compétences adéquates », écrivent les
auteurs du rapport.
Pour limiter les impacts négatifs et les réductions de personnel à
court terme induits par les mesures climatiques, il faut
impérativement, insiste l’OIT, développer des « politiques
appropriées », s’agissant notamment des revenus des travailleurs,
d’une assurance sociale renforcée et des formations nécessaires pour
accompagner la mutation de l’économie.
De nombreux exemples d’aides possibles sont présentés dans ce rapport,
comme la mise en place, au Kenya, d’un système qui organise des
transferts de cash, de l’ordre de 50 dollars (42 euros) tous
les deux mois, versés à 25 % des familles en cas de sécheresse. Ou
le programme Bolsa verde, créé au Brésil en 2011, qui encourage la
préservation de l’environnement, en augmentant le niveau de revenu de
familles en situation d’extrême pauvreté. Celles-ci doivent réaliser
des activités comme l’utilisation durable des ressources naturelles ou
l’entretien de l’extension forestière.
Solde positif dans la construction et les services
« Les pays à faible revenu et certains pays à revenu intermédiaire
ont encore besoin d’aide pour développer la collecte des données, pour
adopter et financer des stratégies en faveur d’une juste transition
vers une économie durable sur le plan environnemental et une société
qui inclut chacune et chacun, dans toutes les couches de la
société », souligne Catherine Saget.
Les pays aux économies développées ne sont pas oubliés. En France,
l’organisation internationale estime qu’environ 2,1 millions de
postes (représentant 8 % de l’emploi total) « dépendent
directement de la gestion efficace et de la durabilité d’un
environnement sain ». Dans le domaine de l’énergie, les pertes
pourraient atteindre quelque 42 000 emplois, compensées par
la création de 155 000 autres. Les secteurs qui connaîtraient
un solde positif sont la construction (86 500), le secteur
manufacturier (33 400) et les services (32 000).
Au niveau mondial, l’agence des Nations unies étudie aussi les impacts
négatifs du changement climatique sur l’économie. Dans le domaine de
l’agriculture, le réchauffement se traduit par des épuisements et des
pertes économiques sèches. Les auteurs du rapport estiment que
« le stress thermique va provoquer une perte mondiale de 2 %
des heures travaillées d’ici à 2030 pour cause de maladie ». Un
argument supplémentaire pour l’OIT qui pousse les Etats à développer
des modèles économiques conformes à l’ambition climatique affichée
en 2015 et aux normes qu’elle prône pour un travail décent.
14
Mai 2018
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