À la COP25, « on se parle beaucoup mais on avance peu »
Par Baptiste Langlois (Reporterre)
À
Madrid, mercredi 11 décembre, des participants à la COP25 ont
lancé de pressants appels à agir face à l’urgence et au manque
d’ambition des États. Sans vraiment de succès.
Reporterre
vous raconte les coulisses, les anecdotes et les coups de théâtre des
derniers jours de la COP25, qui se tient à Madrid jusqu’au
13 décembre.
• Madrid (Espagne), correspondance
Après le passage de quelques stars, dont le chanteur Alejandro Sanz
pour les locaux, retour aux négociations dans l’immense salon des
foires madrilènes de l’Ifema, où midi semble être minuit (et
inversement). À une poignée de jours de la clôture de la COP25,
l’acteur Harisson Ford, alias Han Solo ou Indiana Jones, et le
milliardaire Mickaël Bloomberg, ex-maire de New York et candidat aux
primaires démocrates, sont venus mardi pour combler le vide laissé par
Donald Trump, qui a engagé le retrait officiel des États-Unis de
l’Accord de Paris sur le climat. « Nous sommes ici parce que
l’administration Trump refuse de lutter contre le changement
climatique. Nous devons faire le travail et redoubler d’efforts »,
a clamé M. Bloomberg. Lors de son passage éclair, Harisson Ford a
lui incité à « réduire drastiquement notre dépendance aux
combustibles fossiles et accélérer la transition vers des énergies
propres et renouvelables ». Ce mercredi, c’était John Kerry,
ancien secrétaire d’État sous Barack Obama, qui est venu occuper le
terrain.
Loin
des projecteurs, les discussions pointues et techniques semblent,
elles, encore patiner. « Il y a toujours trop d’obstacles
bureaucratiques, dont de perverses subventions d’énergies fossiles et
beaucoup d’autres expressions d’actions de gouvernements ralentissant
les engagements du secteur privé à l’action climatique, regrette
António Guterres, le secrétaire général des Nations unies. J’appelle
quiconque faisant du lobbying auprès des gouvernements pour une
transition lente — ou parfois pas de transition — à cesser cette
activité tout de suite. Le monde nous regarde. »
« Ce n’est pas du leadership, c’est une tromperie »
C’est peu ou prou le message lancé mercredi par les jeunes activistes,
très en vue depuis le début de l’évènement, dans la rue ou dans les
couloirs d’Ifema. Trop présents pour la sécurité ? Aux alentours
de 15 heures, des représentants de la société civile et de peuples
autochtones ont pris part à une action pacifique mais non autorisée
devant la salle plénière. Avant d’être expulsés… Seulement
temporairement pour certains observateurs. Plus tôt dans la matinée,
une cinquantaine de jeunes du mouvement Fridays For Future sont montés
sur la scène après une conférence à laquelle participait la Suédoise
Greta Thunberg.
Tout juste désignée personnalité de l’année par le magazine Time, elle
n’a pas mâché ses mots : « Une poignée de pays riches a
promis de réduire ses émissions de gaz à effet de serre ou d’atteindre
la neutralité climatique en tant d’années. Cela semble impressionnant,
mais même si les intentions sont bonnes, ce n’est pas du leadership,
c’est une tromperie. Parce que la plupart de leurs promesses n’incluent
pas l’aviation, le secteur maritime […] mais ils incluent la
possibilité pour les pays de compenser leurs émissions ailleurs. »
Une déclaration en rapport direct à un point d’achoppement des
discussions, le fameux article 6 de l’Accord de Paris et le mécanisme
des marchés carbone. Il s’agit d’un système d’échange de quotas
d’émissions de gaz à effet de serre entre les pays qui en émettent trop
et ceux qui en émettent moins. Le Brésil, la Chine ou l’Arabie saoudite
ne sont pas sur la même position que l’Union européenne alors que Greta
Thunberg attend « désespérément un signal d’espoir, et je vous dis
qu’il y a de l’espoir. Il ne vient pas des gouvernements ou des
corporations mais du peuple ». Présente également, Jennifer
Morgan, la présidente de Greenpeace, s’est demandée : ?
« Où sont les leaders ? […] Le cœur de l’Accord de Paris
bat toujours, mais à peine. »
« Un puzzle à plusieurs milliers de pièces »
Le mercredi est aussi une sorte de « jour du business »
dans cette deuxième semaine de la conférence des parties. L’occasion
pour 177 grandes entreprises de s’engager à limiter le réchauffement
climatique à 1,5 °C. Le nombre de firmes a doublé par rapport au
sommet « action climat » organisé à New York, en septembre.
Les émissions de CO2 par an de ces entreprises correspondent plus ou
moins aux émissions annuelles… de la France.
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En
parlant de France, Pierre, aide-soignant de 49 ans et membre de la
convention citoyenne pour le climat lancée par Emmanuel Macron, est
venu quelques jours à Madrid. « Pour parler de l’initiative,
discuter avec des experts et autres participants, pour diffuser notre
travail et nos attentes », explique-t-il. À la COP, sa première
impression a été celle « d’un puzzle à plusieurs milliers de
pièces ». Au cœur du salon des foires, devant le pavillon
tricolore, il a la sensation « qu’on se parle beaucoup mais qu’on
avance peu ». Doucement, du moins. En fin d’après-midi, l’Alliance
pour une ambition climatique, lancée en septembre par le Chili pour
intensifier les engagements des nations, a annoncé être passée de 65 à
73 membres. Et si elle ne peut pas encore compter sur les grands pays
pollueurs, 398 villes et près de 800 entreprises adhèrent désormais à
l’effort pour atteindre la neutralité carbone d’ici l’année 2050.
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12 Décembre 2019
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