Dix pays en quête de Paix
par Virginie Pascase
Une
dizaine de pays du continent figurent dans le Global Peace Index, un
classement des pays gangrenés par la violence. En guerre ou cherchant à
en sortir, il est risqué de s'y rendre et souvent dangereux d'y vivre.
Depuis
2007, le Global Peace Index, réalisé par l’institut de recherche
Economics and Peace, classe 153 pays du globe du plus sûr au plus
dangereux. Les 10 pays les plus dangereux d'Afrique sont soit des Etats
embourbés depuis plusieurs années dans une guerre civile ou
frontalière, soit des pays ayant conclu récemment des accords de paix,
mais encore confrontés à des violences régulières qui les
déstabilisent. Le classement évalue dans ce cas, les risques de reprise
des combats et de résurgence de l’instabilité politique. Sont également
prises en compte les menaces terroristes, dont certaines sont liées à
al-Qaida. Le classement 2011 est marqué par le printemps arabe et son
impact sur la stabilité des pays de l’Afrique du Nord et du
Moyen-Orient. Ainsi, des pays comme la Tunisie ou la Libye, pourtant
présentés dans le précédent classement comme des havres de paix,
figurent aujourd'hui dans le tableau noir.
10 - Ethiopie: risques de résurgence des conflits antérieurs
L’Ethiopie a encore des relations tendues avec son voisin érythréen,
plus de dix ans après la fin de la guerre qui les a opposés. Malgré la
reconnaissance de la frontière établie par la Cour de justice
internationale, le pays n’a pas entièrement retiré ses troupes de la
région de Badme, au nord, attribuée à l’Erythrée.
Par ailleurs, l‘Ethiopie est confrontée à deux mouvements autonomistes
sur son territoire. Le premier, le Front de libération Oromo, touche
une région très stratégique au sud-ouest, la plus peuplée d’Ethiopie et
qui recèle d’importantes ressources naturelles. Le second, le Front
national de libération de l’Ogaden, est basé à l’est, à la frontière
avec la Somalie, et est doté d’une branche armée.
Sur le plan politique, les élections générales de 2010 se sont
déroulées dans le calme. Elles ont été remportées par le parti de Meles
Zenawi, Premier ministre depuis 19 ans. Cependant, ce résultat a été
dénoncé par plusieurs partis d’opposition réunis au sein de l'alliance
du Medrek.
9 - Burundi: crainte d’une radicalisation de l’opposition
Le Burundi a connu une guerre civile durant quinze ans. Les racines du
conflit étaient les mêmes que celles de son voisin rwandais:
l’opposition entre les Tutsi et les Hutu. Le cessez-le-feu définitif a
été établi avec les forces rebelles Hutu du Front national pour la
libération (FLN), l’ultime groupe encore armé en 2008. Ce dernier,
renonçant à la lutte armée, est devenu un parti politique.
La tenue d’élections en 2010 était donc un test pour la stabilité
politique du pays. Première étape: les élections locales ont conduit à
la victoire du parti au pouvoir le Conseil national pour la défense de
la démocratie et des forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD),
avec 64% des voix. Le résultat, reconnu par la communauté
internationale, a été contesté par l’opposition, le FLN en tête.
Deuxième étape, les élections présidentielle (juin 2010) et
législatives (juillet 2010). L'opposition a boycotté les deux scrutins
en signe de protestation. Le président Pierre Nkurunziza a été
réélu ans surprise. Par la suite, de nouvelles violences ont
éclaté, faisant craindre une radicalisation de l’opposition.
8 - Zimbabwe: reprise des violences politiques
Le Zimbabwe, sous le régime autoritaire de Robert Mugabe, au
pouvoir depuis 1980 en tant que Premier ministre puis président à
partir 1987, a connu une vague de violences après l’élection
présidentielle controversée en 2008. Robert Mugabe et Morgan
Tsvangirai, son principal rival, ont tous deux revendiqué la victoire
au premier tour. Après le retrait de la course du second, le premier a
été élu président et un accord de partage du pouvoir fut signé en
septembre 2008.
La situation politique du pays a donné des signes d’apaisement en 2009
avec la mise en place d’un régime à deux têtes avec comme président,
Robert Mugabe et comme Premier ministre Morgan Tsvangirai. Cette
organisation bicéphale était provisoire et devait donner lieu à la
rédaction d’une Constitution, préalable à la tenue d’une nouvelle
élection présidentielle.
Seulement, en 2010, les tentatives du Premier ministre pour élaborer la
Constitution ont été sabotées par le camp de Robert Mugabe. Des
réunions publiques ont été interdites, procédant à des arrestations
arbitraires, des pillages et des mises à sac. Dans ces conditions,
l'élection présidentielle a peu de chances de se tenir en 2011.
7 - Tchad: pacification des relations de voisinage
Le Tchad a sensiblement amélioré sa situation grâce à
l’amélioration des relations avec les pays limitrophes. En 2009, la
signature des accords de Doha avec le Soudan a amorcé une pacification
des rapports entre les deux. En 2010, une force mixte composée de
troupes du Tchad et du Soudan a été officialisée.
Cette embellie n’est pas sans conséquence sur le conflit à l’est,
hérité des tensions au Darfour (de l’autre côté de la frontière). Le
gouvernement soudanais a en effet retiré son soutien aux rebelles
opérant au Tchad. Par conséquent, malgré quelques soubresauts, il a été
mis fin à l’intrusion de bandes armées au Tchad, avec la défaite des
rebelles de l’Union des forces de la résistance et la signature à Doha
de l’accord sur la normalisation et de sécurisation des frontières
entre le Tchad et le Soudan (PDF) en janvier 2010 à N'Djamena, la
capitale tchadienne, et qui fut suivi en février d'une visite du
président tchadien Idriss Déby à Khartoum, capitale soudanaise.
D'après Global Peace Index, la situation politique du pays s’est
également stabilisée dans la perspective des élections législatives et
présidentielle de 2011. Faute d'opposition structurée, Idriss Déby
a sans surprise été réélu à la présidence en avril 2011.
6 - Nigeria: entre guerre de religion et guerre économique
L’instabilité qui règne dans le centre et le sud du pays ne s’est pas
calmée avec la réélection de Goodluck Jonathan en avril 2011. Le
Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 155 millions
d’habitants, est marqué par un conflit au centre, dans la région de
Jos. Des tueries entre musulmans et chrétiens ont provoqué près de
20.000 morts sur les dix dernières années. 2010 a été ponctuée par des
meurtres de chrétiens et de musulmans. Le motif religieux souvent
évoqué n’est pas l’unique raison à ce conflit. Des motivations
économiques ont conduit à la migration vers le sud (majoritairement
chrétien) des éleveurs chrétiens sans terre.
Une autre bataille économique se joue dans le delta du Niger, au sud.
Le gouvernement nigérian est aux prises avec un groupe terroriste. Ce
dernier attaque les installations et le personnel des compagnies
pétrolières. Appelé Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger
(MEND), il a multiplié les enlèvements d'expatriés et les attaques sur
les oléoducs, réduisant à néant les tentatives d’armistice engagées par
l’Etat. De 2006 à 2008, le pays aurait perdu un quart de sa production
pétrolière à cause de ces attaques.
5 - Libye: le printemps arabe tourne à la guerre civile
La Libye est entrée en guerre civile à la suite du soulèvement
populaire de février 2011. Les manifestations, inspirées des exemples
tunisien et égyptien, ont conduit à la chute de l'autorité de Mouammar
Kadhafi dans l’est du pays, particulièrement dans la ville de Benghazi
où avait commencé l’insurrection. Plusieurs responsables du régime ont
rejoint l’opposition. Face à cette situation, le Guide libyen a répondu
par la force début mars, lançant ses troupes contre les villes
rebelles. L’intervention internationale qui a eu lieu le 20 mars (après
l’établissement du classement), sous la bannière de l’Otan n’a pas
abouti à la sortie de crise rapide espérée.
4 - République Centrafricaine: une année préélectorale mouvementée
La République Centrafricaine est désormais placée dans les 10 pays
les plus dangereux au monde. La période 2010/2011 a été marquée par une
nouvelle agitation dans plusieurs zones de tension du pays. Un climat
dû à la tenue, en janvier 2011, de l’élection présidentielle, qui a vu
la réélection de François Bozizé.
Au nord-est dans la zone frontalière avec le Soudan et le Tchad,
l’armée régulière a fait face à des groupes rebelles. En 2008, un
accord de paix a été signé avec quatre des factions armées présentes
dans la zone. Seulement, certains groupes non signataires sévissent
toujours. En 2010, peu de temps après le retrait de la mission de
l’ONU, les rebelles de la Convention des patriotes pour la justice et
la paix (CPJP), ont attaqué la ville de Birao, finalement reprise par
les troupes gouvernementales aidées de l’armée tchadienne. En juin
2011, un accord de cessez le feu a été signé entre le gouvernement
centrafricain et le CPJP.
Autre terrain sensible, le sud-est du pays où sévit les troupes de
la Lord’s Resistance Army (LRA) menée par Joseph Kony, personnage
sous le coup d’un mandat d'arrêt international depuis 2005. Ce groupe,
des plus violents, est apparu en 1988 en Ouganda et a pris une
envergure internationale occupant également la RDC et le Sud-Soudan.
Ils s’adonnent à des pillages et à des enlèvements de civils.
3 - République démocratique du Congo: l’émergence d’une menace terroriste
La République démocratique du Congo est empoisonnée par
l’activité sur les franges de son territoire, de plusieurs groupes
armés et terroristes concentrés à l’est du pays. C’est principalement
au Kivu, dans la région des Grands Lacs, que la situation s’est
envenimée en 2010.
Ce conflit né de l’arrivée massive de réfugiés à la fin
du génocide rwandais, oppose notamment les forces de l’armée
nationale (FARDC) et le congrès national pour la défense des peuples
(CNDP) de Laurent Nkunda, un ancien militaire Tutsi.
Selon le Global Peace Index, le conflit pour la domination régionale et
les ressources régionales opposant les forces de l’armée nationale
(FARDC) et les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) a
connu une baisse sensible des tensions.
En revanche, de nombreux combats entre les FARDC et le congrès national
pour la défense des peuples (CNDP) de Laurent Nkunda, un ancien
militaire Tutsi ont éclaté en 2010 en dépit de l’accord de
cessez-le-feu de 2008.
Malgré une tentative d’intégration du CNPD à l’armée régulière et un
accord de cessez-le-feu en 2008, ce dernier est régulièrement violé. En
2010, de nombreux combats entre les deux parties ont éclaté.
Toujours à l’est, le gouvernement congolais est aux prises avec des
rebelles ougandais, les Forces démocratiques alliés-Armée nationale de
libération de l’Ouganda (ADF-NALU). Or, en 2010, les soupçons de lien
entre ces derniers et les shebab somaliens, un groupe islamiste
fondamentaliste proche d’al-Qaida, se sont confirmés.
2 - Soudan: des solutions politiques aux conflits fragiles
En 2010, la situation du Soudan —déjà mauvaise— a empiré. Le pays
est en proie depuis plusieurs années à deux conflits intérieurs lourds
de conséquences sur les plans humain et politique. Selon le Global
Peace Index, le nombre total de réfugiés et déplacés à l'intérieur du
pays s'élève à 5,3 millions de personnes.
A l’ouest, le conflit au Darfour a fait 300.000 morts (y compris ceux
dus à la famine et aux maladies) et 2,7 millions de déplacés depuis
2003, rapporte Global Peace Index. En 2006, un accord de paix est signé
entre le gouvernement du président Omar el-Béchir et le Mouvement pour
la justice et l’égalité (JEM), le plus puissant des groupes rebelles.
Mais, la paix est fragile, l’ensemble des factions ne l’ayant pas
signée. En 2010, des heurts opposent à nouveau le gouvernement et
plusieurs groupes armés (dont le JEM) au nord et à l’ouest de la
région, conduisant la mission de l’ONU-Union Africaine au Darfour à
prolonger son intervention d’un an et à accroître ses effectifs.
Au Sud, le conflit du Soudan du Sud est en voie d’achèvement avec
le référendum d’auto-détermination qui s’est tenu en janvier 2011 et
qui a abouti à la proclamation, le 9 juillet, de la République du
Soudan du Sud. En outre, la situation de la zone d’Abyei, exclue du
vote de janvier, reste encore incertaine.
1 - La Somalie: vingtième année de guerre civile généralisée
La Somalie est plongée depuis 1991 dans une guerre civile. Un conflit
qui oppose le gouvernement fédéral de transition, soutenu par l’ONU et
conduit par le président Cheikh Sharif Sheikh Ahmed, à plusieurs
groupes de rebelles islamistes, pour certains proches d’al-Qaida.
Non reconnu à l’intérieur du territoire somalien, le gouvernement de
Cheikh Sharif Sheikh Ahmed n’arrive pas à imposer un Etat opérationnel
sur l’ensemble du pays. Le seul morceau de territoire qu’il contrôle
encore est une partie de la capitale Mogadiscio. La ville est le
théâtre régulier, notamment en 2010, de combats violents entre les deux
camps pour en conserver la maîtrise.
La terreur dans le pays a eu pour conséquence le déplacement de plus de
1,9 million de personnes, soit plus de 20% des Somaliens selon le Haut
commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Il est
difficile d’entrevoir une stabilisation du pays. Le mandat du
gouvernement de transition, censé s’achever en août 2011, a été
prolongé d'un an afin d'organiser des élections dans de meilleures
conditions.
Mars 2012
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