RDC
La Paix Enfin ?
Par Yannick Vely
Le
mouvement du M23 a proclamé mardi la fin immédiate de sa rébellion dans
l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rebelles ont
exprimé leur volonté de parvenir à une solution pacifique avec le
gouvernement après vingt mois de crise.
C’est
peut-être la fin d’une guerre civile qui endeuille le nord-Kivu depuis
quatre ans. Ce mardi, dans un communiqué, Bertrand Bisimwa, chef de
l'aile politique du M23, la faction rebelle qui s’oppose au pouvoir du
président Kabila en République démocratique du Congo, a proclamé la
trêve armée : «Le chef d'état-major et les commandants de toutes
les unités principales sont priés de préparer les troupes au
désarmement, à la démobilisation et à la réintégration selon des termes
à convenir avec le gouvernement du Congo.» L’annonce suit la défaite
militaire de la rébellion. Le gouvernement congolais avait annoncé
quelques heures plus tôt que son armée avait conquis les deux dernières
bases des rebelles, près de la frontière ougandaise, au terme d'une
offensive éclair lancée ces dernières semaines avec l'appui d'une
brigade d'intervention de l'Onu.
Réunis depuis lundi à Pretoria, en Afrique du Sud, les dirigeants
africains de la région se sont félicités de cette avancée. «Dans une
région qui a tellement souffert, c'est évidemment un pas dans la bonne
direction», a déclaré Russell Feingold, l'envoyé spécial des Etats-Unis
pour le Congo et la région des Grands Lacs.
L'émissaire américain a ensuite précisé que la question de l'amnistie
des rebelles et de leur réintégration dans l'armée serait la clé d'un
accord politique viable, pour éviter que se reproduise l'échec d'un
précédent accord signé en 2009 avec les rebelles tutsisdu Congrès
national pour la défense du peuple. Russell Feingold a néanmoins plaidé
pour que les auteurs présumés de graves violations des droits de
l'homme répondent de leurs actes devant la justice et ne bénéficient
pas d'une amnistie.
Pour bien comprendre l’histoire de la rébellion qui gagne le Nord-Kivu,
il faut remonter dans le temps et s’arrêter à la date du 23 mars 2009.
Ce jour-là, le général Laurent Nkunda est arrêté au Rwanda. Ancien chef
militaire du CNDP, ce dernier est accusé de crimes de guerre et de
crimes contre l’humanité lors de la Guerre du Kivu qui a ensanglanté la
région de la République démocratique du Congo de 2004 à 2008 et la
signature de l’accord de paix de Goma. A son arrestation, un traité de
paix est conclu entre le CNDP et Kinshasa pour une transformation de la
rébellion en parti politique et l’intégration de sa branche armée dans
l’armée congolaise. Trois ans après, après une première mutinerie en
avril, était créé en juin le Mouvement du 23-Mars.
DU SANG SUR LES MAINS
Sur le papier, il se définit comme «un corps socio-politique organisé
autour d’une vision socio-démocrate». «Un rassemblement ouvert à tous
les Congolais quels que soient leur statut social, leur appartenance
ethnique, leur religion ou conviction. Nous sommes le creuset où toutes
les communautés viennent se ressourcer pour constituer une nouvelle
famille non biologique mais idéologique», expliquait le site officiel
en novembre 2012 – il est inaccessible aujourd’hui.
Derrière les beaux discours, il y a les hommes. La coordination
politique était assurée par le pasteur Runiga Lugerero et sur le plan
militaire par le colonel Makenga Sultani, expliquait toujours le site
officiel du mouvement. Ce dernier, général de l’Armée Révolutionnaire
du Congo (ARC) est déjà sur la liste noire des Etats-Unis pour des
exactions passées. Human Rights Watch (HRW) est catégorique: selon les
recherches effectuées par les enquêteurs de l’ONU, «le colonel Makenga
est responsable de recrutement d'enfants et de plusieurs massacres
commis dans l'est de la RD du Congo».
Ses compagnons d’armes ont également du sang sur les mains selon l’ONG:
«Le colonel Innocent Zimurinda est responsable de massacres à caractère
ethnique à Kiwanja, à Shalio et à Buramba, ainsi que de viols, de
tortures et du recrutement d'enfants; le colonel Baudouin Ngaruye est
responsable d'un massacre à Shalio, du recrutement d'enfants, de viols
et d'autres attaques contre des civils; et le colonel Innocent Kayna
est responsable de massacres à caractère ethnique en Ituri et du
recrutement d'enfants.»
UNE NOUVELLE GUERRE CIVILE ?
Un autre nom est associé au Mouvement du 23-Mars: Bosco Ntaganda,
surnommé «Terminator». Bien que son rôle ne soit pas officiel, des
combats et des membres du M23 ont confirmé le rôle de ce dernier à HRW.
Sous le coup de plusieurs mandats d’arrêt de la Cour Pénale
Internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, en
l'occurrence des meurtres, des persécutions pour motifs ethniques, des
viols, de l'esclavage sexuel, et des pillages, également en rapport
avec ses activités en Ituri, l’homme serait l’une des têtes pensantes
des rebelles. En juin 2012, la Haut-commissaire des Nations Unies aux
droits de l’homme, Navi Pillay, a désigné cinq des dirigeants du M23
comme étant «parmi les pires auteurs de violations des droits humains
en RDC, voire même dans le monde».
Le M23 neutralisé, l'armée congolaise et des troupes de l'Onu
pourraient se tourner vers les rebelles du FDLR, un mouvement composé
en partie de Hutus rwandais qui ont participé au génocide des Tutsis en
1994, dont la présence sur le sol congolais a souvent été utilisée par
le Rwanda comme prétexte pour intervenir militairement dans l'est
de la RDC.
Une vingtaine d'autres groupes armés contestent l'autorité du
gouvernement de Kinshasa, de la région pétrolière et aurifère de
l'Ituri, dans le nord-est du pays, à la province riche encuivre du
Katanga, dans le sud-est. Car le sous-sol du Congo est riche, très
riche même, ce qui bien sûr attise les convoitises et souffle sans
cesse sur les braises de la guerre civile.
5 Novembre 2013
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