La Chine et Taïwan nouent un dialogue historique
Par Le Parisien et AFP
La
Chine et Taïwan nouent mardi un dialogue historique entre leurs
gouvernements, pour la première fois depuis la fin de la guerre civile
en 1949, dans un contexte de dégel des tensions et d'espoir d'échanges
accrus au-dessus du détroit de Formose.
Ces entretiens d'un niveau inédit ont pour cadre hautement
symbolique Nankin, la ville de l'est que le camp nationaliste de Chiang
Kai-shek avait choisie comme capitale.
Wang Yu-chi, officiel taïwanais chargé des relations avec la Chine
continentale, est arrivé mardi matin à Nankin pour y rencontrer son
homologue Zhang Zhijun, chef du Bureau chinois des Affaires
taïwanaises. Les pourparlers, dont l'ouverture devait être annoncée
plus tard dans la journée, doivent se tenir jusqu'au 14.
Cette visite de M. Wang représente une "percée importante", a estimé
mardi Chine nouvelle, l'agence de presse officielle du régime
communiste. Une portée toutefois à relativiser, les experts n'imaginant
pas que les dirigeants des deux territoires se rencontrent dans un
avenir proche.
Mais cette première entrevue entre deux officiels gouvernementaux
illustre les efforts menés depuis quelques années de part et d'autre du
détroit de Formose pour panser les plaies de la guerre civile ayant
débouché en 1949 sur une partition entre "République de Chine" et
"République populaire de Chine". Cette année-là, deux millions de
Chinois fidèles au chef nationaliste Chiang Kai-shek, défait par les
hommes de Mao, se réfugient sur l'île de Taïwan.
Depuis, Pékin et Taipei revendiquent séparément leur pleine autorité sur la Chine.
Pékin considère Taïwan comme lui appartenant et n'a pas renoncé à la
réunification, par la force si nécessaire. Mais les relations entre les
deux entités se sont apaisées depuis l'élection en 2008 du président Ma
Ying-jeou. Cet artisan de la renaissance du parti Kuomintang (KMT) --
l'ancien ennemi nationaliste -- a été réélu en 2012 et est favorable à
des liens avec la Chine continentale.
Coopération économique
Après de timides contacts dans les années 1990, Taïwan et la Chine
communiste ont franchi en 2010 une étape décisive sur la voie du dégel
en signant un accord-cadre de coopération économique sous l'impulsion
de Ma Ying-jeou. Cet accord, et d'autres gestes d'ouverture comme la
reprise des vols aériens directs, n'ont toutefois été négociés que par
des organismes semi-officiels, Pékin et Taipei n'ayant toujours aucune
relation diplomatique. "Ce voyage a des implications cruciales pour
poursuivre l'institutionnalisation des relations entre les deux rives
du détroit" de Formose, a déclaré M. Wang à la presse lors de l'annonce
de son déplacement fin janvier. "En tant que premier président du
Conseil des Affaires continentales, j'ai conscience que ma
responsabilité est grande et que le chemin sera long", a-t-il ajouté.
Le diplomate doit notamment évoquer la création de bureaux de liaison,
l'intégration économique régionale et l'accès aux soins médicaux des
étudiants taïwanais en Chine. La question de la liberté de la presse
doit aussi être abordée. En fonction de ce qu'il produira, le séjour de
M. Wang en Chine pourrait poser le premier jalon d'une rencontre entre
Ma Ying-jeou et le président chinois Xi Jinping, estime George Tsai,
politologue à Taipei.
Néanmoins "les deux parties cherchent les pierres sous leurs pieds en
traversant la rivière", dit-il, citant un proverbe chinois sur la
prudence.
Le sommet des dirigeants de l'Apec (Coopération économique des pays
d'Asie-Pacifique) à Pékin en octobre serait à cet égard une occasion
idéale, selon Wang Yu-chi.
Le président chinois Xi avait rencontré l'ancien vice-président
taïwanais Vincent Siew en marge du dernier sommet de l'Apec en
Indonésie en octobre 2013. La Chine s'oppose toujours à la présence
officielle de dirigeants taïwanais au sein de l'organisation
Asie-Pacifique. Taïwan aura à coeur durant ces entretiens de faire
avancer des dossiers pratiques sur l'économie ou la sécurité. La Chine,
elle, vise le retour de Taïwan dans son giron, observe Jia Qingguo,
professeur à l'université de Pékin. La Chine "attache probablement plus
d'importance à l'accélération de l'intégration économique, en pensant à
l'unification politique à plus long terme", estime-t-il.
Le chemin reste long et semé d'embûches jusqu'à une normalisation des
relations entre Pékin et Taipei mais le rendez-vous de Nankin a une
forte "portée symbolique", selon lui.
"Il accroît la confiance de part et d'autre", souligne Jia Qingguo.
11 Février 2014
Abonnez-Vous au Parisien
Retour
à la Résolution des Conflits
Retour
au Sommaire