Philippines: accord de paix historique entre Manille et la rébellion musulmane
Par AFP




Le gouvernement des Philippines et la rébellion musulmane du sud de l'archipel signent cette semaine un accord mettant fin à des décennies de guérilla sanglante. Mais le chemin sera long avant d'aboutir à une paix durable.

Au terme de 17 années de négociations plusieurs fois suspendues, les dirigeants du principal mouvement séparatiste musulman signeront jeudi au palais présidentiel à Manille un accord de paix, en échange de l'autonomie du sud de l'archipel, région largement musulmane dans un pays catholique à 80%.

"Pendant de nombreuses années, nous avons mené la lutte du peuple Bangsamoro, qui a traversé beaucoup d'épreuves", déclare à l'AFP Ghazali Jaafar, le vice-président du Front moro islamique de libération (MILF).

"L'accord met fin aux combats sur Mindanao", la grande île du sud de l'archipel, devenue l'une des régions les plus pauvres et les plus corrompues du pays, ajoute-t-il.

Les cinq millions de musulmans philippins (sur une population proche de 100 millions) considèrent le Sud comme leur terre ancestrale et le MILF a mené la lutte pour l'indépendance, avant d'accepter au final la création d'une région autonome.

Les négociations entre représentants du gouvernement et du MILF avaient franchi leur dernière étape en janvier dernier. La rébellion a démarré dans les années 70 et coûté quelque 150.000 vies, devenant ainsi une des plus longues et des plus meurtrières en Asie.

Selon l'accord qui sera signé par le président Benigno Aquino et le chef du MILF Mourad Ebrahim, le mouvement désarmera peu à peu ses quelque 10.000 hommes, suivant ainsi le schéma appliqué en Irlande du Nord.

La région autonome, qui comprendra 10% du territoire philippin, disposera de sa propre police, d'un parlement régional et du pouvoir de lever les impôts. La défense restera une prérogative du gouvernement central.

Les dirigeants du MILF seront ensuite à la tête d'une autorité provisoire sur la région, avant la tenue d'élections régionales en 2016.

D'autres groupes rebelles

Mais le MILF, le gouvernement et les observateurs indépendants soulignent qu'une paix durable est loin d'être garantie et que de nombreuses embûches doivent être surmontées d'ici à mi-2016, fin du mandat unique de Benigno Aquino, moteur de l'initiative. Rien n'indique que son successeur sera aussi enclin à négocier avec la rébellion. Parmi ces obstacles, d'autres groupes de guérilla, dont les Combattants islamiques pour la liberté de Bangsamoro (BIFF), pourraient chercher à faire dérailler les accords en lançant des attaques dans le sud.

Ses forces se résument à quelques centaines de combattants mais ses attaques en 2008, en plein processus de paix, avaient tué 400 personnes. Le BIFF sert de refuge aux combattants du MILF qui rejettent les accords de paix. Autre groupe rebelle dissident, le MNLF, rival du MILF, qui avait conclu un premier accord avec Manille en 1996, largement considéré comme un échec.

En septembre dernier, ses sympathisants ont attaqué une grande ville de Mindanao afin de ternir les pourparlers. Le siège avait duré plusieurs jours et laissé plus de 220 morts.

La méfiance entre gouvernement et membres du MILF, toujours vivace malgré des années de négociations, pourrait aussi enrayer la machine.
Pour que l'accord entre en application, le Congrès doit voter une "loi fondamentale".

Or des responsables politiques catholiques du Sud sont opposés à cet accord de paix, qui pourrait les marginaliser. Ils chercheront à repousser cette loi au parlement, prévient Jesus Dureza, négociateur en chef lors des pourparlers en 2001/2002.

Les opposants déposeront aussi un recours devant la Cour suprême. C'était là qu'un précédent accord, en 2008, avait été retoqué. Les juges avaient estimé inconstitutionnel de placer sous le contrôle du MILF de larges portions du territoire national
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1er Avril 2014

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