COMPRENDRE LA DYNAMIQUE DES CONFLITS
La Paix, Grand Dessein d'une Génération pour l'Afrique
Par Michel Luntumbue
Une
lecture synthétique des facteurs de conflits en Afrique de l’Ouest, et
à titre d'illustration, quelques uns des artisans de la paix du
continent.
Les
crises et conflits qui surgissent sur le continent africain sont
abordés dans nombre de médias sous l’explication commode de la
confrontation à caractère « ethnique » ou comme la traduction de
l’avidité et des luttes de pouvoir entre dirigeants locaux. Cette
lecture « réductrice » est en partie le reflet de courants
académiques privilégiant une approche déterministe des réalités
africaines et surévaluant les causes économiques ou identitaires
supposées de ces conflits contemporains.
Toutefois, nombre d’analyses actuelles portant sur le décryptage des
causes de la prolongation de ces conflits et sur leurs dynamiques –
notamment les démarches axées sur la résolution des conflits ou
l’analyse des « systèmes de conflits » – proposent une approche
plurielle des facteurs des conflictualités. Elles en permettent une
mise en perspective dynamique, au-delà des représentations
spontanées et réductrices.
Par routine ou
économie d’analyse, les crises et conflits qui surgissent sur le
continent africain sont parfois abordés, dans nombre de médias, sous
l’explication commode de la confrontation à caractère « ethnique» ou
comme la traduction de l’avidité et des luttes de pouvoir entre
dirigeants locaux, immoraux et cupides. Cette lecture « réductrice »
est en partie le reflet de courants académiques privilégiant une
approche déterministe des réalités africaines et surévaluant les
causes économiques ou identitaires supposées de ces conflits
contemporains.
Jusqu’à la fin du système bipolaire début des années 90, certains
conflits africains ont été abordés comme des prolongements, par
alliés locaux interposés, de la rivalité Est-Ouest entre les
superpuissances en lutte pour l’hégémonie sur ces régions. La
persistance des conflits locaux au lendemain de la guerre froide et
leur évolution en foyers de conflits régionaux, ont favorisé des
nouvelles approches de ces crises. Nombre d’analyses actuelles portant
sur le décryptage des causes de la prolongation de ces conflits et sur
leurs dynamiques – notamment les démarches axées sur la résolution
des conflits ou l’analyse des « systèmes de conflits » – proposent une
approche plurielle des facteurs de conflictualité. En pointant la
multiplicité des causes et des acteurs (internes et externes), elles
permettent une mise en perspective
dynamique de ces conflits, au-delà des représentations spontanées et réductrices.
D’une manière générale, les « conflits africains » apparaissent
comme les produits d’un ensemble de facteurs interdépendants –
présents dans les champs politique, économique, socioculturel, et
environnemental – répondant à des logiques structurelles et
systémiques.
Bien qu’enracinés dans des contextes
spécifiques au niveau local ou national, ces foyers d’instabilité
tendent à s'inscrire dans des complexes conflictuels plus vastes, à
dimension régionale, et dont les multiples dynamiques et les acteurs
accentuent ou entretiennent la logique et les tensions.
Groupes armés irréguliers, armées nationales, réfugiés, réseaux
criminels de commerce illégal d'armes légères, réseaux
communautaires transfrontaliers, filières terroristes, sont parmi les
protagonistes, volontaires ou non, de la diffusion transfrontalière de
certains conflits. Les complexes conflictuels portent, dans nombre de
cas, les conditions de leur propre reproduction.
Cette Note d’Analyse est une synthèse d’éléments issus de
l’observation des foyers de conflictualités en Afrique de l’Ouest au
cours de ces trois dernières années. Son objet est de recenser
quelques lignes de forces communes à certaines conflictualités, tout
en tenant compte de la singularité de chaque contexte d’émergence
d’un conflit.
1. Des conflits et de leurs dynamiques
La compréhension des conditions d’émergence des conflits, dans leurs
contextes spécifiques, peut devenir un précieux outil pour
l’élaboration d’initiatives préventives ou des réponses ajustées
lorsqu’une situation est en passe de se dégrader. La majorité des
conflits survenant sur le continent africain sont des conflits
intra-étatiques. Ceux-ci émergent pour une variété de raisons
complexes.
Cependant, d’une manière générale, il est admis que l’avènement de
situations conflictuelles est en partie lié aux processus de mutations
sociales que connaissent toutes les sociétés. Les changements sociaux
peuvent ainsi conduire à l'émergence de conflits ; les facteurs
structurants tels que le changement de régime politique, notamment le
passage d’un système monopartite à un modèle pluripartite est un bon
exemple de catalyseur de tensions. Dans son acception la plus large, la
notion de conflit – entendue comme l’expression d’intérêts opposés
entre au moins deux parties – ne renvoie pas nécessairement à un
phénomène négatif au départ. Ce qui est en jeu, c’est surtout la
manière et dont les sociétés répondent aux conflits émergents.
Selon
Linda Agerback « tout système humain dynamique est par nature
conflictuel, et implique des logiques d’opposition d’intérêts». Le
point essentiel réside dans la manière dont ces tensions sont
gérées. Par conséquent, le conflit peut jouer un rôle constructif,
si son processus de gestion – les processus sociaux et politiques –,
fournit des canaux qui favorisent le dialogue, la participation et la
négociation. À l’inverse, le conflit devient destructeur si les
canaux de dialogue sont bloqués et que les besoins de base ne sont pas
satisfaits, débouchant ainsi sur les ressentiments et la protestation,
la répression et la violence.
Ce sont donc les capacités d’une société à répondre à un conflit
qui font la différence et permettent de changer le cours de celui-ci
ou d’en déterminer la dynamique. Ainsi, plus une société est
traversée par des rapports de domination ou des relations coercitives,
plus grande est la probabilité que des conflits structurels émergent.
À l’inverse, si les processus sociaux et politiques permettent une
gestion négociée des tensions latentes et des facteurs déclencheurs
des conflits, un changement et une transformation pacifique de ces
conflits peuvent s'ensuivre. Les facteurs déclencheurs des conflits
sont spécifiques à chaque contexte. Toutefois, des caractéristiques
communes peuvent être tirées de l’examen de plusieurs conflits
intra-étatiques
Pour l’analyste Ernie Regehr, qui s’interroge sur les conditions
d’émergence des conflits violents, une constante peut être isolée : «
on peut raisonnablement conclure que les conflits armés sont davantage
susceptibles de se produire, lorsque les communautés sont imprégnées
de raisons profondes pour rejeter le statu quo, lorsqu’elles ont accès
à des ressources matérielles, politiques et sociales de la violence,
et lorsqu’elles sont convaincues ou peuvent prétendre de manière
crédible que cette violence est leur seul espoir de changement ».
Par conséquent, au moins quatre catalyseurs de conflits peuvent être
retenus. Il ne s’agit pas de définir ici les racines majeures des
conflits. Les sources des conflits couvrent en effet un large éventail
de facteurs, il s’agit tout au plus de pointer les conditions
particulières les plus susceptibles d'entraîner un conflit politique
à la confrontation violente soutenue.
1. La présence de griefs politiques, économiques et sociaux majeurs (griefs) ;
2. La concurrence et les conflits entre groupes (identité) ;
3. La préparation et la capacité (d'au moins une partie de la
population) à recourir à la violence et à violer les droits humains
(capacité) ;
4. L’absence supposée de voies efficaces pour la résolution non violente des conflits (le manque de solutions de rechange).
L’un des intérêts manifeste de ce modèle d’analyse est de relativiser
d’emblée la place dévolue aux seuls facteurs structurels – qui
favorisent ou sont propices à l'éclatement des conflits –, en
remettant au cœur de la réflexion, l’importance de la prise de
décision humaine. L’accent est mis sur les capacités des sociétés
à gérer le changement social et les conflits émergents (ou sur la
défaillance des sociétés à gérer ces défis) et rompt avec tout
schéma déterministe tout en ouvrant les perspectives nouvelles pour
la prévention ou la médiation
2. Quelques facteurs de conflits
2.1 Les facteurs politiques
La fragilité de l’État
Au-delà de la diversité des situations et de la singularité de
chaque trajectoire nationale, la persistance de foyers de conflits
ouest-africains est généralement associée, et en premier lieu, à la
problématique de la fragilité de l’État. L’État africain
postcolonial se caractérise par sa faiblesse et par la défaillance
relative de ses institutions. Nombre d’États de la sous-région
peinent en effet à assurer leur autorité sur l’ensemble de leur
territoire, et à garantir à la fois les services de base, la
sécurité humaine et territoriale. Un mode d’organisation territoriale
hérité de la colonisation accentue, dans bien des cas, des
disparités en termes d’infrastructures, de développement et aussi de
contrôle de l’État sur certaines régions.
Dans la zone sahélo-saharienne plus particulièrement, d’immenses
étendues territoriales en déshérence, couplées aux traditions de
nomadisme et aux dynamiques transfrontalières des populations, rendent
particulièrement complexe la gestion de la souveraineté. La
géopolitique interne de nombre d’États de la sous-région traduit le
plus souvent une opposition entre un « centre » hégémonique et des «
périphéries » relativement marginalisées qui revendiquent une
redistribution du pouvoir et des ressources du pays. La récurrence
d’épisodes d’instabilité politique confirme une indéniable faiblesse
des mécanismes institutionnels de régulation sociale et de
redistribution des richesses. En l’absence de pratiques démocratiques
crédibles et de mécanismes impartiaux d’arbitrage, les contradictions
et les oppositions sociales dérivent dans certains cas vers un
antagonisme violent, voire armé.
Les demandes démocratiques, exacerbées notamment par la crise des
ajustements au début des années 1990, n’ont pas contribué partout à
la pérennisation d’une gouvernance au service des populations. La
fragilité de l’État a notamment été accentuée par les politiques
d’ajustements structurels imposées par le FMI et la Banque mondiale au
cours des années 1980. Ces mesures d’austérité et de rigueur
comptable, recommandant notamment une baisse drastique des dépenses
publiques, ont retiré à la plupart des appareils gouvernementaux les
moyens de mener de véritables politiques publiques ainsi que leur
capacité de redistribution.
Cette carence dans la gestion politique et socio-économique du
territoire est une source d’instabilité et un facteur de fragmentation
de l’espace national. Il en résulte dans bien des cas une rupture du
monopole de la violence légitime, alimentée par une démultiplication
d’acteurs concurrents à l’État : groupes armés, milices, réseaux
criminels régionaux ou internationaux, etc.
2.2 Les facteurs économiques
Fragilités économiques
Les facteurs économiques jouent un rôle déterminant, à la fois comme
enjeux, vecteurs et sources de financement des conflits26. Toutefois,
les ressources économiques ne jouent pas toujours un rôle primordial
dans le démarrage des conflits. Elles en deviennent bien souvent des
catalyseurs en contribuant à la prolongation des conflictualités,
notamment, lorsqu’un État pourvu en ressources est faible et incapable
de protéger ses frontières d’autres acteurs armés, étatiques ou
non. Nombre de conflits nés de griefs politiques au départ se sont
mués en conflits liés au contrôle des richesses et des ressources :
le diamant dans l’espace du « système de conflit du fleuve Mano », le
pétrole dans le système du golfe de Guinée, les narcodollars dans
l’espace sahélo-saharien, ou encore à une échelle plus locale,
l’accès aux ressources rares comme la terre ou l’eau dans le pourtour
sahélien.
D’une manière plus fondamentale, les dynamiques d’instabilité
ouest-africaines s’enracinent dans les caractéristiques structurelles
des systèmes économiques et leur mode d’insertion dans
l’économie-monde.
Nombre d’économies de la sous-région ouest-africaine restent en effet
des économies à dominantes agricoles, ou des économies de rente, peu
diversifiées, peu créatrices d’emplois et vulnérables aux chocs
extérieurs. L’essor de la piraterie dans le golfe de Guinée, par
exemple, s’explique par plusieurs facteurs, dont la paupérisation de
couches importantes de la population de la sous-région et par la
recherche de revenus de substitution.
Les systèmes de conflits ouest-africains s’appuient sur un contexte de
pauvreté et de chômage de masse, notamment des jeunes, qui favorise
l’enrôlement dans les milices, groupes armés et autres réseaux
criminels. D’une manière générale, les sociétés africaines se
trouvent aussi insérées dans une économie mondiale informelle, qui
est à la fois source d'accumulation pour certains acteurs et facteur
de conflits. Aussi, les systèmes de conflits ouest-africains se
greffent sur des interdépendances complexes entre la contrebande de
produits illicites, les organisations criminelles, les trafiquants
d'armes, en liens avec le monde international des affaires et certains
acteurs nationaux ou régionaux. En favorisant une mécanique de
circulation de biens illicites, certaines crises internes ou locales
peuvent ainsi devenir les catalyseurs régionaux de conflits impliquant
une multitude d’acteurs étatiques et non étatiques.
2.3 Les facteurs socio-culturels
Un profil sociodémographique dominé par une population jeune
Les sociétés ouest-africaines se caractérisent notamment par une
forte croissance démographique et une population majoritairement
jeune. 45% de la population a moins de 15 ans et 75 % a moins de 30
ans. La pauvreté touche près de 50% de cette population. Cependant,
l’exercice du pouvoir reste principalement aux mains des aînés et le
leadership tarde à se renouveler, entrainant un déséquilibre
générationnel. Sur le plan socioculturel, l’évolution de certains
conflits ouest-africains pourrait être abordée sous l’angle du conflit
générationnel et celui de la rupture du contrat social entre les «
cadets sociaux » et les aînés.
Selon le professeur Alioune Sall, l’instrumentalisation du thème de «
l’ivoirité » en Côte d’Ivoire, est à l’origine, une réponse des
cadets sociaux, barrés par certaines minorités communautaires, dans
l’accès aux terres et aux ressources politiques. Le thème sera
récupéré par l’élite politique soucieuse de conserver le pouvoir.
Rupture des encadrements sociaux et nouvelles sociabilités
L’effondrement du système éducatif et des institutions publiques dans
nombre de pays, laisse sans perspective d’avenir une majeure partie de
la jeunesse et favorise la montée d’une culture politique
intolérante, en rupture avec les modes de lutte civique pacifiques.
Confrontés aux inégalités croissantes du fonctionnement de l’État
et de la société, une partie de la jeunesse remet radicalement en
question la légitimité des institutions étatiques et se tournent
vers l’idéal « égalitariste » et l’espoir d’un « autre avenir »,
incarnés par les bandes armées et les mouvements religieux sectaires.
Ce contexte de crise est marqué par la résurgence ou
l’instrumentalisation des référents identitaires, communautaires,
porteurs d’un risque supplémentaire de fractionnement et de tensions
sociales. Le repli identitaire est aussi un moyen de se prémunir
contre les risques et aléas, face à l’absence de la protection de
l’État. Ces modes de représentation et de mobilisation sociale se
développent d'autant plus que les acteurs sont en situation de forte
vulnérabilité. La montée des nouvelles religiosités et des
radicalismes des mouvements, tel que Boko Haram au Nigeria, s’inscrit
dans ce contexte de crise des « encadrements ».
Toutefois, une frange de la jeunesse urbanisée se distingue aussi par
le renouvellement des formes d’expression politique et de contestation
pacifique, comme l’illustre les cas des mouvements sociaux autour des
collectifs « Y en a marre » au Sénégal ou « Le balai citoyen », au
Burkina Faso. Créé en janvier 2011 par un groupe de rappeurs,
d’étudiants et de journalistes – en réaction aux espoirs déçus de la
présidence d’Abdoulaye Wade –, le collectif « Y en a marre », s’est
distingué notamment par ses campagnes de mobilisation appelant les
jeunes à voter pour renouveler le personnel politique, à lutter
contre la corruption et à promouvoir le civisme.
Le mouvement du « balai citoyen » a été créé en juillet 2013, par
deux musiciens, Sam’sK Le Jah et Smockey, connus pour leur engagement
contre le régime de Blaise Compaoré, dans le contexte de tensions
sociopolitiques, lié notamment au projet controversé de mise en place
du Sénat au Burkina Faso. Ce mouvement qui se veut pacifiste et œuvre
pour dénoncer la mal-gouvernance, a su réunir en moins d’une semaine,
quelque 1 500 membres sur les réseaux sociaux.
2.4 Les facteurs environnementaux et les ressources naturelles
La fragilité écologique de l’espace sahélien, caractérisée par des
cycles de sécheresse et la raréfaction des zones pastorales suite à
la pression foncière exercée par les agriculteurs, figure parmi les
facteurs déterminants des rébellions touarèges du début des années
1990 au Mali et au Niger.
Au Niger plus particulièrement, la surexploitation des rares
ressources en eau par les entreprises minières exploitant l’uranium,
constitue une menace durable pour l’économie pastorale, principale
source de revenus des communautés touarègues, peulh et kounta. Dans
le delta du Niger, le secteur pétrolier est responsable d’une
dégradation sans précédent de l’environnement, du fait d’une
pollution massive qui a détruit les moyens de subsistance des
populations locales. Cette pollution est l’un des facteurs de la
paupérisation et l’un des griefs de certains mouvements armés de la
sous-région. Les conditions de vie désastreuses de la majorité des
habitants de la région du delta du Niger et le partage très inégal
des revenus issus de l’exploitation pétrolière sont parmi les
facteurs déterminants de tensions récurrentes, depuis la fin des
années 1990.
2.5 Des contraintes géopolitiques et des chocs exogènes
Les turbulences et violences politiques qui affectent cycliquement une
partie de l’Afrique de l’Ouest sont aussi un symptôme des mutations et
ajustements qui travaillent les sociétés africaines, confrontées à
diverses contraintes internes aux cours de ces dernières décennies :
aspirations démocratiques, demandes d’autonomie politique pour motifs
identitaires ou pour un meilleur partage des ressources, défis d’une
adaptation au contexte de la mondialisation (dérégulation,
questionnement et redéfinition du rôle de l’État). Ce schéma
confrontant les acteurs locaux à l’État national en crise, se trouve
également travaillé par la montée de réseaux transnationaux
(diasporas, entreprises multinationales notamment minières et
pétrolières, puissances régionales ou internationales) organisés
dans un jeu complexe d’alliances ou d’allégeance, en tensions pour la
conquête de ressources ou la redéfinition des rapports d’influence.
Conclusion
Comme le souligne, le juriste et recteur de l’Australian National
University (ANU), Gareth Evans, qui met en garde contre toute
généralisation des causes de conflits : « Le point de départ de
toute approche sur le conflit et la violence extrême est de reconnaître
qu’ils sont toujours spécifiques à un contexte particulier. Les
théories générales – qu’elles renvoient au choc des civilisations,
à d’anciennes rancunes tribales, à l’avidité ou aux revendications
économiques –, peuvent fournir de bons discours programme, et font
vendre des livres. Elles peuvent aussi être utiles pour identifier
certains facteurs qui doivent certes être pris en compte pour
comprendre les dynamiques de certaines situations, mais elles ne
permettent jamais de distinguer les circonstances explosives de celles
qui ne le sont pas».
Aussi, pour tout conflit à connotation religieuse, ethnique ou
linguistique qui dégénère en violence communautaire, rappelle Gareth
Evans, « d’innombrables personnes ou groupes de cultures et milieux
différents vivent harmonieusement, côte à côte, dans le monde ; pour
chaque groupe dont les doléances économiques dégénèrent en
violence catastrophique, nombre d’autres n’atteignent pas cette
extrémité ; pour chaque prédation économique qui cherche à
contrôler des ressources ou des leviers du pouvoir, et provoque ou
attise ainsi les conflits, d’autres n’ont pas ce résultat »
Il n’existe donc pas de cause unique, ni de solution unique, à
l’ensemble des conflits et de violences auxquels le continent africain
et d’autres régions de la planète sont continuellement confrontés.
Toutefois, il est généralement admis que les conflits africains
contemporains, et les conflits armés en particulier, sont fortement
corrélés avec le déficit d’État, entendu dans le sens d’une
faiblesse institutionnelle engendrant elle-même une incapacité à
gérer les conflits. A la lumière de diverses crises observées dans
la sous-région ouest-africaine, il semble que la prévention de la
violence politique passe immanquablement par les améliorations
fondamentales à la pratique de la démocratie en tant que telle. Dans
nombre de cas, le déficit de la légitimité de l’État pourrait être
résorbé par la création de plus de canaux de participation politique
— y compris pour exprimer des désaccords —, couplés au renforcement
des capacités institutionnelles de l’État à répondre aux demandes
légitimes des populations.
Aussi, les mesures d'atténuation des conflits pourraient davantage
s’attaquer à l’un des leviers de la violence : le sentiment d'absence
de solutions de rechange à la violence, qui habite certaines
catégories sociales.
30 Avril 2014
Consultez le site du GRIP
Retour
à la Résolution des Conflits
Retour
au Sommaire
|
|
|