Afrique Centrale: Sommet des Grands Lacs - Les FDLR ont six mois pour désarmer
Par Sonia Rolley
Les
pays dans la région des Grands Lacs et de l'Afrique australe ont donc
convenu, jeudi 3 juillet, de donner un délai supplémentaire aux FDLR
pour qu'ils désarment volontairement. Ce moratoire pourrait empêcher
toute intervention militaire, y compris onusienne, contre eux dans les
six prochains mois.
Selon
le communiqué final des ministres de la CIRGL et de la SADC, la réunion
ministérielle conjointe a « pris acte de la décision des FDLR de se
rendre et de déposer les armes volontairement ». « La reddition et le
désarmement volontaires doivent être effectués dans les six mois
environ à compter du 2 juillet 2014, une évaluation vérifiable étant
menée à mi-parcours », précise ce communiqué. Autre recommandation : «
Exiger des FDLR d'effectuer leur reddition complète dans le délai fixé
et les avertir des conséquences militaires qui découleront de leur
non-respect du délai convenu ». La réunion ministérielle appelle
également à un renforcement du mécanisme créé pour l'évaluation et la
mise en œuvre du processus de désarmement et de rapatriement vers le
Rwanda. Aucune autre solution n'est envisagée, notamment pas l'option
évoquée par la Monusco et le gouvernement congolais d'un autre pays
d'accueil pour ceux qui ne souhaiteraient pas rentrer chez eux
Ce communiqué a été arraché après de longues heures de discussions,
mercredi à Luanda. Une véritable bataille rangée, selon l'un des
participants, autour de la question du délai accordé aux FDLR. Certains
pays comme le Rwanda et l'Angola souhaitaient un délai beaucoup plus
court. La durée de trois mois a été évoquée. Finalement, c'est un
moratoire de six mois avec une évaluation à mi-parcours « vérifiable »
qui a été retenu, comme le souhaitaient surtout les délégations
congolaises, sud-africaines et tanzaniennes. « Le terme vérifiable est
très vague et on parle d'environ six mois », regrette un observateur
étranger.
Qui sont les FDLR ?
Les FDLR sont divisés en trois groupes armés. Il y a les Foca, la
branche armée majoritaire. En 2008 et 2010, elle a connu deux
dissidences : les FDLR Rud et Soki.
Ce sont les Foca qui ont annoncé leur intention de déposer les armes.
Ce groupe est militairement structuré. La troupe est constituée de
jeunes Rwandais, qui étaient pour l'essentiel enfants lors du génocide
ou nés après 1994, mais aussi de jeunes Congolais. Les officiers, eux,
sont tous rwandais et pour la très grande majorité des ex-FAR, l'armée
rwandaise d'avant 1994. Selon la Monusco, qui dit disposer d'une liste
nominative, une dizaine de FDLR, civils comme militaires, sont
recherchés par le Rwanda pour crimes de génocide. Parmi lesquels
Sylvestre Mudacumura, l'un de leurs principaux chefs qui, lui, est
aussi recherché par la CPI pour des crimes de guerre. Ceux-là sont
exclus de tout processus de désarmement, selon la mission onusienne, et
doivent être présentés devant la justice.
Les officiers FDLR vivent ensemble depuis vingt ans dans les forêts du
Congo. Ils y ont développé d'importantes activités commerciales,
minières notamment. Leur mission, expliquent-ils, est de protéger les
dizaines de milliers de réfugiés rwandais vivant dans l'est du Congo
des attaques de Kigali, après notamment les massacres de1996 et 1997.
Ces réfugiés qui vivent sous leur coupe servent, selon plusieurs
sources militaires, de boucliers humains et leur donnent un poids
politique.
Car ces FDLR-Foca ont aussi une branche politique qui s'est alliée
depuis janvier à d'autres partis et notamment celui de l'ancien Premier
ministre rwandais Faustin Twagiramungu. Cette aile politique entend
obtenir un dialogue avec le gouvernement rwandais, ce que ce dernier
refuse. Pour la première fois, la semaine dernière, une délégation de
FDLR avait rencontré les envoyés spéciaux de la communauté
internationale pour les Grands Lacs sous l'égide de Sant'Egidio. Cette
réunion avait provoqué l'ire de Kigali.
Le désarmement en questions
Sur les dix dernières années, selon l'ONU, 11 000 FDLR ont déjà déposé
les armes. Les estimations du nombre de combattants encore actifs
aujourd'hui varient d'une source à l'autre. Ils sont plus de 3 600 pour
Kigali. 1 800 pour les estimations les plus basses. Depuis l'annonce en
décembre dernier de leur intention de déposer les armes, un peu moins
de 200 combattants FDLR et quelque 400 membres de famille se sont
rendus dans les centres de démobilisation dans l'est de la RDC.
Il existe aujourd'hui deux camps qui accueillent les premiers FDLR
démobilisés dans le cadre de ce nouveau processus, l'un au Nord-Kivu à
Kanyabayonga et l'autre au Sud-Kivu à Walungu. Ce sont de simples camps
de transit dans lesquels les quelques 180 combattants et leurs familles
sont sommairement installés depuis un bon mois déjà. Ces camps sont
quasi-saturés. Or, au Sud-Kivu, une cinquantaine de combattants FDLR
attendent leur tour.
Or, ces 600 premiers Rwandais n'ont pas vocation à rester là. S'ils le
souhaitent, ils devraient pouvoir rentrer au Rwanda. Les autres
devraient être envoyés à l'ouest, loin des Kivu. D'abord à Kisangani
puis en Equateur, à la base navale Irebu, le long du fleuve Congo. Mais
là-bas, logistiquement, rien n'est encore prêt. Que va-t-il se passer
en cas d'afflux dans les prochaines semaines ou prochains mois ?
Autre point inquiétant, selon plusieurs sources onusiennes, y compris
le groupe d'experts des Nations unies, même s'ils affirment qu'ils ont
déposé les armes, les FDLR continuent de recruter et de s'entraîner.
Alors comment présumer de leur bonne foi ? Sur quels critères sera
faite l'évaluation de mi-parcours prévue par la CIRGL et la SADC qui
doit avoir lieu dans les trois mois ? Et comment va réagir la Monusco
dont le mandat est de neutraliser ce groupe armé ? Politiquement, comme
militairement, ce communiqué pourrait empêcher toute intervention
militaire onusienne dans les six prochains mois. Notamment parce que la
brigade d'intervention de l'ONU est composée de militaires issus des
pays de la SADC. Or, le patron de la mission, Martin Kobler, avait fait
de la « question FDLR » sa priorité pour 2014.
7 Juillet 2014
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