La France obtient le soutien de l'ONU pour le Tchad
Par Philippe Bernard, Philippe Bolopion (à l'ONU) et Natalie Nougayrède
La
France a obtenu du Conseil de sécurité de l'ONU, lundi 4 février, un
feu vert à une éventuelle intervention militaire au Tchad par
l'adoption d'une déclaration condamnant les attaques des rebelles
contre le régime du président Idriss Déby et demandant "aux Etats
membres d'apporter l'appui demandé par le gouvernement tchadien". Le
texte, sans être la résolution que souhaitait à l'origine Paris, est
considéré comme une base juridique suffisante pour une action militaire.
Mais
les officiels français semblaient garder une telle option en réserve,
au cas où le rapport de forces se dégraderait subitement en défaveur
d'Idriss Déby, retranché dans son palais présidentiel. Mardi matin 5
février, le porte-parole des rebelles, Abderaman Koulamallah, a annoncé
que ceux-ci acceptaient le principe d'un "cessez-le-feu immédiat".
La
capitale tchadienne, N'Djamena, a connu, lundi, sa première journée de
calme relatif depuis le début des combats, le 1er février. L'armée
régulière contrôlait les principaux points de la ville, où des cadavres
gisent à même le sol et où les destructions sont nombreuses. Les
rebelles, venus de leurs bases arrière au Soudan, ont affirmé que leur
repli de la capitale n'était que tactique, en attendant des renforts
qui viendraient de l'est du pays. Mais sur les 300 véhicules de type
pick-up qui ont mené l'offensive à ses débuts, seule une centaine
subsisterait, selon une source militaire française qui jugeait encore
possible une nouvelle attaque contre les forces d'Idriss Déby.
"J'espère que nous n'aurons pas à nous en servir [de la déclaration de
l'ONU]", a commenté, lundi, le ministre français des affaires
étrangères, Bernard Kouchner. Il a dit souhaiter que Paris n'ait "pas à
intervenir plus avant", ce qui sonnait comme un avertissement aux
rebelles tchadiens.
"Si la France devait intervenir", elle ne le fera "que dans le cadre
d'une résolution de l'ONU", a déclaré Nicolas Sarkozy. Le chef de
l'Etat a indiqué avoir demandé à l'aviation française de "survoler la
frontière avec le Soudan, côté Tchad, pour vérifier qu'il n'y a pas
d'incursion étrangère".
Après une période d'hésitation au début de l'offensive des rebelles
tchadiens, Paris a adopté, lundi, une position de soutien net au régime
d'Idriss Déby, alors qu'il avait été question, à un moment donné, de
faciliter son évacuation du pays.
Soulignant que le texte du Conseil de sécurité - voté à l'unanimité,
avec notamment le soutien de la Libye - appelait à un soutien au
"gouvernement légal" du Tchad, l'ambassadeur français à l'ONU,
Jean-Maurice Ripert a commenté que "si Déby demande un certain nombre
de choses aux Etats membres, comme il en a l'autorisation dorénavant,
les autorités françaises décideront".
La France est face à un dilemme : si elle devait employer la méthode
forte et lancer ouvertement ses troupes du dispositif "Epervier" dans
une bataille contre les rebelles tchadiens, c'est toute la neutralité
de la force européenne Eufor, dont elle doit diriger le déploiement,
dans l'est du Tchad, pour protéger les camps de réfugiés de la guerre
du Darfour, qui serait mise à mal...
Mais les enjeux régionaux sont décrits comme énormes. Au-delà du sort
du Tchad, c'est l'ensemble des efforts de la communauté internationale
pour le Darfour qui est en jeu, estiment des diplomates en Europe et à
l'ONU. "Si Déby tombe, ce sera une catastrophe pour le dossier Darfour,
car la main de Khartoum serait complètement renforcée", commente une
source occidentale, qui poursuit : "Les rebelles du Darfour perdraient
leurs bases arrière au Tchad et l'armée soudanaise passerait à
l'offensive au Darfour. La Minuad (la force "hybride" ONU-Union
africaine qui doit être déployée cette année au Darfour) serait finie."
Certains évoquent une solution qui permettrait à Paris de garder un
profil militaire bas : une entrée en jeu de Mouammar Kadhafi. Tripoli
s'est mis à livrer des armes et des munitions aux troupes
gouvernementales tchadiennes. La Libye et la France ont un intérêt
commun à empêcher que le Tchad tombe entre les mains d'alliés du régime
soudanais. Le spectre d'un "islamisme conquérant" est évoqué par les
diplomates.
Les Etats-Unis, en coulisses, sont favorables à une intervention
militaire française au Tchad. "Nous poussons les Français à faire
plus", glissait, lundi, l'un de leurs diplomates à l'ONU.
Février 2008
Les Tchadiens réfugiés au Cameroun commencent à rentrer à N'Djamena
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