Apaiser les tensions...
Par Gilles Marchand
Les
stances de l'actualité ne rendent pas compte d'une réalité objective :
La culture musulmane est une composante à part entière de l'identité
passée ou à venir de l'Europe et un enrichissement pour elle...
On
a souvent coutume de vouloir distinguer, voire de vouloir distancier
entre elles des cultures qui en réalité sont intimement mêlées, comme
parts intégrantes — nécessairement complémentaires — de l'ensemble
européen. L'héritage culturel du continent a bénéficié d'une suite
d'imprégnations successives le long de son arc méditerranéen et via ses
périphéries orientales ou ibériques. La science et la philosophie
arabes ont fécondé beaucoup de traditions européennes et apporté
l'algèbre et la traduction d'une part majoritaire des valeurs de
civilisation grecques et du patrimoine babylonien, par le biais
fondamental des frères nestoriens de Syrie, puis de ce que l'on a
appelé l'esprit de Cordoue, conduit par la figure extraordinaire
d'Avéroès, philosophe d'origine musulmane, figure européenne majeure,
ou, comme l'indique Jacques Attali dans son récent livre, "Phares",
celle d'Abd-el-Kader, que l'on croit à tord n'être qu'un chef de
guerre, et qui, dans la seconde partie de sa vie, devient un homme de
culture, véritable pont entre l'orient et l'occident. Les apports
ottomans, perses et méditerranéens sont innombrables.
Cette
fertilisation réciproque des savoirs se prolonge dans l'histoire
jusqu'à la situation actuelle où les vagues d'immigration, maghrébines
notamment, sont une des composantes parmi d'autres de l'immigration
française, et donnent comme toutes les arrivées progressives ayant eu
lieu dans ce pays, à des tensions qui se sont toutes apaisées au fil
des années. Ce fut le cas des polonais, des italiens, des espagnols,
des portugais. Que l'on se souvienne de l'animosité qui animaient les
rapports avec les "ritals" dans les années vingt — chaque population
nouvelle ayant bénéficié d'un sobriquet péjoratif ad-hoc — et de leur
degré d'intégration actuel... Il n'y a rien d'inhabituel dans cette
configuration.
Aujourd'hui,
les vertus du temps sont elles aussi à l'œuvre, mais le contexte
actuel est particulier puisqu'il voit s'accentuer des tensions avec les
islamistes, fruit d'un dialogue rendu plus difficile par les
inévitables frictions d'une cohabitation, pourtant nécessaire. Une
confrontation pourrait être particulièrement malvenue et
contre-productive. Or si l'on veut voir cette situation aller en
s'apaisant, une part plus grande des réalités auxquelles chacun est
exposé devraient davantage être reconnues. Malgré les oppositions
ontologiques, il est à souhaiter que le dialogue s'intensifie et que
les intérêts de tous soient pris en compte, principale condition d'un
progressif retour à la normale. Il s'agit de promouvoir une relecture
nouvelle de la situation qui puisse donner lieu à des traductions
positives en termes y compris économiques et culturels. On pourrait
alors trouver une voie carrossable qui puisse permettre de s'éloigner
de la zone dangereuse et de trouver une sortie par le haut à cette
crise, ce qui serait éminemment bénéfique.
Septembre 2010
Retour aux Conflits
Retour
au Sommaire
|
|
|