Il s'agit de la cinquième et de la plus importante opération militaire conduite dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), et elle s'effectuera sans l'assistance des moyens militaires de l'OTAN. A ce titre, elle constitue un test de crédibilité pour la politique européenne de défense, laquelle a déjà pâti des difficultés rencontrées par l'Union européenne (UE) pour réunir les concours nécessaires : sans la décision française de fournir plus de la moitié des effectifs (2 100 soldats) et une bonne partie des équipements (notamment neuf hélicoptères sur douze ou treize), l'opération serait encore dans les limbes. Revers de la médaille : cette forte contribution française tend à accréditer la thèse selon laquelle Eufor va de facto conforter un régime tchadien affaibli, fortement soutenu par Paris. GROUPES REBELLES Les financements communs ont été portés de 99 à 119,6 millions d'euros, mais ils ne représenteront guère plus de 15 % du coût total de l'opération. La Grande-Bretagne et l'Allemagne n'enverront aucun soldat sur le terrain. Baptisée "Eufor Tchad-RCA", cette opération s'inscrit dans le cadre d'une approche régionale de la crise du Darfour, à laquelle la communauté internationale a décidé de répondre par l'envoi sur place d'une "force hybride" des Nations unies et de l'Union africaine, la Minuad, composée de 20 000 soldats et de quelque 6 000 policiers. Plus encore que l'Eufor, la Minuad peine à réunir les contributions militaires et logistiques nécessaires, et elle ne sera sans doute pas à pied d'œuvre avant la fin du premier semestre 2008. Sa mission se déroulera dans des conditions difficiles, comme en a témoigné l'attaque émanant d'"éléments de l'armée soudanaise", qu'elle a subie le 8 janvier. A priori, l'Eufor devrait se déployer sur un terrain d'opération moins aléatoire. Une haute source militaire française assure même qu'il s'agira d'un "environnement permissif", dans la mesure où les forces tchadiennes du président Idriss Déby ne ne devraient voir que des avantages à l'arrivée d'une force européenne dont la seule présence contribuera à stabiliser la partie la plus disputée du territoire tchadien, proche de la frontière soudanaise. Le gouvernement de N'Djamena est soumis à des attaques récurrentes de la part de groupes rebelles dont les bases arrière se situent en territoire soudanais. A l'inverse, les rebelles du Darfour trouvent refuge au Tchad. A plusieurs reprises, le dispositif militaire français "Epervier" (qui dispose de 1 100 soldats au Tchad) est intervenu pour prêter main forte à l'armée tchadienne, notamment en faisant décoller ses avions de combat Mirage basés à N'Djamena. La France a assuré que ses soldats, pas plus que ceux de l'Eufor, n'ont vocation à s'opposer aux incursions rebelles ou à contrôler les frontières tchadiennes. En cas de besoin, les Mirage français apporteront cependant leur concours aux soldats européens. Le remplacement au bout d'un an de l'Eufor, qui est une mission militaire "de transition", par une force des Nations unies, est jugé "irréaliste" par certains experts, qui évoquent le risque d'"enlisement" de la force européenne. L'Eufor devra contribuer à la protection "des civils en danger", ce qui vise les quelque 241000 réfugiés soudanais du Darfour installés dans l'est du Tchad, et les 3000 autres concentrés dans la zone de Birao, en République centrafricaine, ainsi que les 179 000 Tchadiens et 20 000 Centrafricains "déplacés" dans leurs pays respectifs. Les soldats européens devront également faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire et protéger les 300 policiers de l'ONU chargés de former 850 policiers locaux pour la sécurité des camps de réfugiés et déplacés. Le "quartier général de force", commandé par le général français Jean-Philippe Ganascia, est situé à Abéché, alors que l'ensemble de l'opération est sous les ordres du général irlandais Patrick Nash, depuis un quartier général opérationnel établi au Mont Valérien. Février 2008 Abonnez-vous au Monde Retour aux Conflits Retour au Sommaire |