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La réforme du droit d’auteur renvoyée à la case départ
Par Catherine Stupp | EURACTIV.com | translated by Marion Candau - 6 juil. 2018 (mis à jour: 6 juil. 2018)
La
directive controversée sur les droits d’auteur va être revue, ont
décidé les eurodéputés lors d’un vote en plénière, après d’intenses
semaines de lobbying de la part des GAFAM.
La
directive sur le droit d’auteur à l’ère du numérique n’a pas fini son
chemin législatif. Des acclamations ont résonné dans le Parlement
lorsque les députés européens ont rejeté la version le projet de loi
sur le droit d’auteur. Les législateurs vont maintenant retourner à la
case départ et introduire de nouveaux amendements avant un autre vote
en septembre.
Le projet de loi espérait « mettre fin à l’exploitation des artistes
européens sur Internet » en rééquilibrant la répartition des revenus
entre les ayants-droit et les plateformes en lignes, telles que
Youtube. Mais les craintes sur un risque de censure des contenus
protégés par le droit d’auteur se sont multipliés lors du débat.
Au total, 318 eurodéputés ont voté pour rejeter la décision de la
commission JURI et 278 ont choisi de maintenir le projet de loi et de
poursuivre les négociations avec la Commission européenne et les
gouvernements nationaux. Au total, 31 eurodéputés se sont abstenus lors
du vote.
Il a fallu une démonstration inhabituelle de manœuvres politiques pour
que le dossier du droit d’auteur figure à l’ordre du jour des votes du
jeudi 5 juillet. Normalement, le Parlement entame des négociations
juridiques avec les deux autres institutions de l’UE sur la base du
projet de la commission parlementaire. Mais plusieurs dizaines de
députés européens ont invoqué l’article 69c, rarement utilisé,
pour contester la décision de la commission.
Désormais, l’ensemble des 751 députés européens vont s’impliquer et
passer l’été à rédiger de nouveaux amendements au dossier. Ils voteront
à nouveau lors d’une autre séance plénière en septembre, ce qui
signifie que les négociations sur le dossier seront retardées.
Retard annoncé
C’est un coup dur pour la Commission, qui s’est engagée à conclure des
accords sur tous les projets de loi technologiques en suspens d’ici la
fin de l’année. Les négociations sur la réforme polémique du droit
d’auteur pourront donc commencer au plus tôt en septembre. Un accord
rapide entre les trois institutions après cette date semble toutefois
peu probable.
La Commission a proposé cette refonte juridique pour la première fois en septembre 2016.
Axel
Voss, eurodéputé allemand de centre droit qui a rédigé la version de la
commission JURI, est apparu troublé lorsque le résultat a été annoncé.
Avant le vote, il s’est adressé aux eurodéputés et les a exhortés à
voter en faveur de la poursuite des négociations. Pour lui, le projet
de loi marquerait « la fin de l’exploitation des artistes européens sur
Internet. »
« Nous parlons des principales plateformes américaines comme Google et
Facebook qui ont réalisé d’énormes profits au détriment des créateurs
européens. Nous devons empêcher cela », a déclaré Alex Voss.
L’une des deux mesures les plus controversées de la directive est
l’article 13, qui exige que les plateformes Internet mettent en
place des filtres pour détecter les violations du droit d’auteur. Les
défenseurs des libertés civiles et les sociétés Internet ont fait
valoir que cela pousserait les plateformes comme YouTube à censurer les
téléchargements et peut-être à supprimer une quantité excessive de
contenu qu’ils considèrent comme violant le droit d’auteur. YouTube
utilise déjà un outil appelé Content ID qui détecte automatiquement les
violations des droits d’auteur lorsque ses utilisateurs mettent du
contenu en ligne.
Une grande partie du débat politique a également porté sur
l’article 11 de la loi, qui introduit une licence d’éditeur d’une
durée de cinq ans pour les extraits d’articles indexés par les
agrégateurs de contenu tels que Google News. Cette mesure donnerait aux
éditeurs la possibilité d’exiger une rémunération lorsque les
plateformes Internet affichent des extraits d’articles protégés par le
droit d’auteur dans les résultats de recherche en ligne.
Dans les jours qui ont précédé la session plénière, le lobbying autour de la réforme du droit d’auteur s’est intensifié.
La légende des Beatles, Paul McCartney, a envoyé le 4 juillet une
lettre aux eurodéputés leur demandant de soutenir la loi parce que « la
musique et la culture sont importantes ».
D’autres célébrités se sont rangées du côté des eurodéputés opposés à
la loi, dont l’inventeur du World Wide Web, Tim Berners-Lee.
En début de semaine, une pétition de citoyens contre la directive du
droit d’auteur a rassemblé des centaines de milliers de signatures.
Les opposants au projet de loi ont notamment affirmé qu’il signerait
« la fin d’Internet ». Quant à Alex Voss et quatre autres députés
européens en faveur de la révision, ils ont reproché à leurs opposants
de diffuser « mensonges et fausses informations » lors d’une conférence
de presse le 4 juillet.
Andrus Ansip, vice-président de la Commission en charge des politiques
technologiques de l’UE, a tweeté après le vote : « Arrêtons
maintenant les slogans du lobbying et commençons à chercher des
solutions ».
Julia Reda, eurodéputée écologiste allemande qui a été la critique la
plus farouche du projet de loi, a déclaré que « la tentative du
rapporteur, Alex Voss, de rejeter les critiques fondées en les
qualifiant de fausses informations a échoué ».
« Nos protestations n’ont pas été vaines : Le Parlement européen
renvoie la loi sur le droit d’auteur à la case départ. Les eurodéputés
ont compris que les filtres de téléchargement proposés et la taxe sur
les liens limiteraient excessivement la façon dont les utilisateurs
peuvent participer et s’exprimer en ligne et ne serviraient que des
intérêts particuliers », a-t-elle ajouté.
La refonte de la directive a divisé tous les groupes politiques, sans
exception. Le vote en plénière de septembre sera probablement aussi
serré.
Les campagnes de lobbying devraient s’accélérer en juillet et août,
lorsque l’agenda politique bruxellois ralentit généralement à mesure
que le Parlement et la Commission s’enfoncent dans les vacances d’été.
Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des
consommateurs, a déclaré le 5 juillet que « les eurodéputés ont la
possibilité de corriger un rapport très déséquilibré et de faire en
sorte que le droit d’auteur fonctionne à la fois pour les consommateurs
et les créateurs ».
Elle qualifie le rejet par les députés européens du projet de loi de la
commission JURI de « décision importante pour empêcher que le filtrage
systématique et à grande échelle des contenus en ligne ne devienne la
norme ».
Les partisans de la loi n’ont pas tardé à exprimer leur déception.
Anders Lassen, président du GESAC, une association représentant les
auteurs et les compositeurs, a déclaré : « malheureusement des
campagnes manipulatrices orchestrées par des géants de la technologie
basées sur l’alarmisme ont prévalu cette fois-ci. »
« Nous sommes convaincus que le Parlement européen approuvera enfin ce
qui est bon pour l’avenir de l’économie européenne, la compétitivité et
les valeurs fondamentales contre ces forces mondiales », a-t-il assuré.
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