L'Europe
répand sa manne culturelle à bon escient
Deuxième ville de la République
d'Irlande après Dublin, Cork, située dans le
sud, est depuis janvier capitale européenne de la culture.
En 2004, Lille et Gênes s'étaient partagé
ce label. En 2006, ce sera le tour de Patras (Grèce),
en 2007 de Luxembourg et de Sibiu (Roumanie), en 2008 de Liverpool
et de Stavanger (Norvège). Cette désignation
symbolique, accompagnée d'un financement modeste de
500 000 euros, est une manière de rappeler la dimension
culturelle de la construction européenne, au-delà
de sa dimension économique et politique.
Il est demandé à chaque ville candidate de présenter
"un projet culturel de dimension européenne et
principalement fondé sur la coopération culturelle"
, qui mette en avant "les courants culturels communs
aux Européens qu'elle a inspirés ou auxquels
elle a apporté une contribution significative".
Il s'agit de montrer que l'Europe est porteuse d'une culture
qui se distingue de ce que l'ancien commissaire européen
Michel Barnier, aujourd'hui ministre français des affaires
étrangères, appelle, dans un petit livre intitulé
Sortir l'Europe des idées reçues (Perrin, 2005),
la "culture McDo".
L'Union ne joue dans le développement culturel qu'un
rôle d'appoint, plus ou moins important selon les domaines.
D'après le texte des traités, repris tel quel
dans le projet de Constitution, elle "contribue à
l'épanouissement des cultures des Etats membres dans
le respect de leur diversité nationale et régionale,
tout en mettant en évidence l'héritage culturel
commun" . Un double appui - aux cultures nationales,
à la culture européenne - qui passe à
la fois par des aides financières et par des dispositions
réglementaires ou législatives. Les aides financières
relèvent de plusieurs programmes communautaires. Les
plus généreuses proviennent des fonds structurels,
en particulier le Fonds européen de développement
régional (Feder), qui vise à réduire
les disparités entre les régions d'Europe et
cofinance des projets dont certains sont de nature culturelle,
comme la rénovation de salles de théâtre
ou de cinéma ou la restauration de monuments historiques.
LE QUARTIER DE TEMPLE
BAR
Le sénateur français Maurice
Blin, dans un rapport présenté en 2001 au nom
de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne, donnait l'exemple des quartiers de Temple
Bar à Dublin et de La Forge à Volklingen (Sarre)
ou celui du parc archéologique d'Athènes. M.
Blin évaluait à environ 400 millions d'euros
par an la part des fonds structurels consacrés à
la culture.
En France, le Pôle de l'image d'Angoulême, le
Musée d'art et d'industrie de Roubaix, la citadelle
Vauban de Belle-Ile-en-Mer, l'Hospice du Petit-Saint Bernard
ou le pont du Gard, parmi beaucoup d'autres sites ou équipements,
ont bénéficié des subsides de Bruxelles.
C'est la commissaire polonaise Danuta Hübner qui assure
la tutelle de ces fonds.
Les deux autres sources de subventions européennes
sont, pour l'essentiel, les programmes Media, pour l'audiovisuel,
et Culture 2000, pour les autres arts. Le premier est géré
par la commissaire luxembourgeoise Viviane Reding, chargée
de la société de l'information et des médias.
Nombre de films ont ainsi bénéficié du
soutien de Bruxelles, soit pour la préproduction, soit
pour la distribution. Pour la période 2001-2006, le
budget du programme Media est de 513 millions d'euros. La
Commission souhaite le doubler pour la période 2007-2013.
Elle affirme que 90 % des films européens distribués
hors de leur pays d'origine bénéficient de son
aide. Il s'agit d' "assurer la plus large diffusion possible
des oeuvres européennes" et de "contribuer
tant à la création d'une identité culturelle
partagée qu'à un renforcement de la compétitivité
de l'industrie européenne du cinéma" .
Le second, géré par le commissaire slovaque
Jan Figel, chargé de l'éducation et de la culture,
est doté d'un budget de 236 millions d'euros pour les
années 2000-2006. Il a servi à financer, en
2004, 233 projets, dont la moitié concerne le patrimoine
culturel, les autres portant sur la traduction, les arts du
spectacle, les arts visuels, le livre et la lecture. Son objectif
: contribuer à "la mise en valeur d'un espace
culturel commun aux peuples de l'Europe" .
HOUELLEBECQ EN ESTONIEN
Parmi les écrivains français traduits, on relève
les noms de Patrick Modiano et Michel Braudeau (en grec),
Daniel Pennac et Pierre Péju (en néerlandais),
Philippe Besson (en tchèque et lituanien), Philippe
Sollers (en roumain), Michel Houellebecq (en estonien et lituanien),
Jean Echenoz (en bulgare), Laurent Gaudé et Christian
Gailly (en norvégien), Marie Darrieussecq (en danois),
Eric-Emmanuel Schmitt (en islandais).
Le Parlement européen accorde aussi des subventions
à des organisations "d'intérêt culturel
européen" , telles que l'Orchestre des jeunes
de l'Union européenne, l'Orchestre de chambre européen
ou la Fondation Yehudi-Menuhin.
Le Conseil de l'Europe, organisation parallèle à
l'Union européenne, joue aussi un rôle important,
dans le cadre de la Convention culturelle européenne.
Il apporte notamment son concours à de grandes expositions,
dont la prochaine sera consacrée, en 2006, à
Léonard de Vinci, et, par le biais du Fonds Eurimages,
à la coproduction, la distribution et l'exploitation
de films européens.
Au-delà des financements communautaires, l'Union européenne
entend protéger les politiques culturelles de chacun
des Etats membres quand celles-ci sont menacées par
les mesures de libéralisation. La France est particulièrement
active dans la défense de l' "exception culturelle"
, au nom de la diversité reconnue par les traités.
Principaux instruments de cette défense, l'obligation
faite aux chaînes de télévision, en application
de la directive Télévision sans frontières,
de diffuser une proportion majoritaire d'oeuvres européennes,
le maintien des aides nationales au cinéma ou encore
la garantie que les accords commerciaux dans le domaine des
services culturels et audiovisuels ne peuvent être conclus
par l'Union européenne qu'à l'unanimité
des Etats membres. La France demande aussi l'application de
la TVA à taux réduit sur les disques et les
cassettes, mais elle n'a pas encore réussi à
en convaincre ses partenaires.
Thomas Ferenczi
Mai 2005
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