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Le Débat avec les intellectuels
Par France Culture - 15/03/2019 (MIS À JOUR LE 18/03/2019 À 23:50)
Le
président de la République Emmanuel Macron s'est confronté lundi 18
mars 2019 aux questions couvrant tous les domaines (climat, inégalités,
démocratie...) de plus de 64 intellectuels. Un débat animé par
Guillaume Erner dès 18h20 à la radio et en direct vidéo sur
franceculture.fr. Informations sans Frontières a décidé de résumer ce
débat essentiel grace au compte rendu qu'en a dressé France Culture.
Si vous avez manqué le début...
Emmanuel Macron face aux intellectuels : c'est l'affiche de ce
nouveau volet du Grand débat national, à suivre lundi sur France
Culture. A partir de 18h20, le président de la République s'est
confronté à l'Elysée aux visions et aux questions de plus de 65
intellectuels représentant les domaines des savoirs, de la recherche et
de la pensée contemporaine. La rencontre avec le chef d'Etat, en
partenariat exclusif avec France Culture, a été animée par Guillaume
Erner, le producteur des "Matins". Et l'intégralité du débat a été
diffusée en direct à l'antenne de France Culture, et la vidéo sur
franceculture.fr - vous retrouverez l'intégralité des échanges
ci-dessus, la vidéo débutant à 18h20.
02h31.
Emmanuel Macron affirme qu’il se nourrira de la réflexion de ce soir,
et invite les intellectuels, et “chacun dans sa condition”, à “cogiter”
pour rendre ce débat “régulier, fort et vivant”. Même s’il n’envisage
pas de l’institutionnaliser, au risque de lui donner une “forme morte”...
NDLR : "La souveraineté européenne
est plus grande et plus forte que la seule souveraineté nationale.
L’Europe est la clef. Or la frontière a été saturée de négativité. Il y
a quelque chose à reconstruire. La frontière européenne est
essentielle. On ne peut pas ouvrir une frontière si on ne peut pas la
fermer. La crise de l’autorité sera avant tout une crise de la
démocratie. Sinon une demande d’autoritarisme émergera.
Macron : Il y a nécessité d'un récit collectif, d’une relative forme
"d’idéologie", face à des idéologies concurrentes qui ont montré leur
force et leur cohérence… Il y a des gens qui ont des idées. Comme si
l’ouverture avait autorisé une absence de pensée. Accepter les
différences et quel type de bien commun on accepte et on défend. On est
à un carrefour. Entre l’universalisme et le multi-latéralisme, quelque
chose de l’ordre de la coopération élargie est à inventer.
Sur les Gafas :
L’algorithme est une chose qui doit être débattue démocratiquement.
Cette chose, initialement portée par des libertaires a donné lieu à des
leviers de concentrations et des trusts et donc elle est portée et
finalement confisquée… Des intellectuels et des journaliste portant ce
combat c'est la chose la plus légitime qui puisse advenir. Qu’est ce
qui fait qu’un journaliste est libre ou n'est pas libre ? Ou qu’une
information est reprise (ou pas) deux ans plus tard. Internet peut
aussi être la centrifugeuse des plus bas instincts. Les internautes
s'invitent à un bal masqué virtuel dans lequel ils se montrent, sous
couvert d'anonymat, violents dans leurs commentaires et cette attitude contamine la sphère réelle
où l'on garde l'anonymat sous une cagoule et où on détruit le bien
d'autrui considéré comme sans valeur. On est ainsi insensiblement
passés du like à la colère", comme dans les émojis réactionnels de
réseaux comme ceux de Facebook. C'est bien cette exacerbation qui est à
l'œuvre."
01h51.
Emmanuel Macron dit “voir un tableau se composer” à l'issue de cette
soirée : "Il y a des dépenses qu’il faut classifier comme de
l’investissement et il est pour moi très clair que le plan
d’investissement sur le savoir, les universités, est indispensable".
Selon lui, le "plan d’investissement compétences" a pour objectif
d’essayer de répondre à un premier défi qui semble très français :
“Nous sommes la seule économie européenne à avoir eu du chômage de
masse si longtemps”, ce qui crée des disqualifications. Il faut donc
accepter de réformer les personnes pour qu’elles puissent retrouver un
emploi.
Sur la jeunesse et les jeunes décrocheurs : "Il y a deux millions
de jeunes qu'il faut aider." Au niveau des formations il
rappelle "que c'était les salariés des grands groupes qui en
profitaient, alors que les gens en situation d’interim et les chômeurs
n’avaient pas accès". Emmanuel Macron considère que cela permettra
d’améliorer le fonctionnement du marché du travail.
Qu’est-ce qui crée la situation de tensions, de violences ? “Le
rapport à l’autre a profondément évolué, on a besoin de l’autre pour
évoluer”. Il y a une incivilité croissante attentatoire à la base de la
démocratie. “L’idée de dire qu’on a besoin de remettre de la
souveraineté, du contrôle, de la frontière, c’est une des réponses à
cette déconsolidation démocratique.”
Il dresse un bilan de la décentralisation au cours des 15 dernières années.
Sur les réseaux sociaux : "On est en train de voir dans le
mouvement social sous nos yeux se révéler une partie de la réaction
chimique en chaîne, anthropologique, qu’a créé les réseaux sociaux. Ce
que je peux faire sur les réseaux sociaux je peux le faire dans la rue,
je mets une cagoule, un masque, et l’anonymat permet le pire.” Selon
Emmanuel Macron, les réseaux sociaux confortent le sentiment que toutes
les paroles se valent, ils donnent la possibilité de construire un
espace de conscience avec des gens qui pensent de la même manière, ce
qui casse quelque chose du collectif : “Si cet espace n’est pas
régulé, qu’on n’y reconstruit pas de nouveau commun, de fait on ne
pourra pas réussir derrière à maintenir les gens dans l’espace réel,
car ils vivent dans ce continuum. Ça a créé un changement
anthropologique très profond.(...) On est détenteur d’une vérité
absolue parce qu’on pense pareil !”
Il appelle de ses voeux une politique d’apaisement, qui permet la
controverse, et l’ouverture à l’autre par “des tiers de confiance”. Il
faudrait s’ouvrir à des cercles qui pensent l’intérêt général
universel, réussir à briser les solitudes qui se sont bâties ainsi et
se translatent dans l’espace politique réel, comme celle des casseurs.
Il appelle à un “sursaut collectif”.
Pour lui, il faut redéfinir les mécanismes d’appropriation. Emmanuel
Macron fait un mea culpa en reconnaissant qu’il a lui même fait “trop
usage” de cette modernité (les réseaux sociaux), qui devient “non
directionnelle”.
“La représentation commune des valeurs a besoin, à un moment, d’être
rassemblée pour que la délégation puisse s’exercer pleinement”. Et
selon lui, la divergence rend la chose difficile.
Sur l’université, il dit partager ce qui a été dit, et reconnaît :
“On est au milieu du guet. Il faut aller au bout de l’autonomie.
Permettre, sur ce que la loi prévoit, sur l’immobilier, le recrutement
des enseignants, les étudiants étrangers, de sortir d’un système
totalement centralisé".
Il affirme également qu’il faut accepter “la différenciation”, afin que
les élites sortent aussi de l’université, et qu’il y ait davantage de
doctorats. “On ne peut pas garder le système en disant qu’il y aura les
mêmes universités partout, et le même modèle… qui empêchent cette
diversité.”
Sur le cumul des mandats : “Je n’ai pas le sentiment qu’on ait
construit un pays plus heureux avec des parlementaires cumulards”.
Il précise qu'il "y a une représentation beaucoup plus féminine
aujourd’hui". Pour lui, la vraie question est de dire comment on fait
pour que les parlementaires d’aujourd’hui deviennent aussi des notables
locaux, aient un ancrage sur leur territoire.
Il convoque le modèle des “voisins allemands” qui ont obligé qu’il y ait du temps en circonscription.
Sur le quinquennat et les irresponsabilités du président (comparaison
qu’avait faite Olivier Beaud avec De Gaulle) : il y a des
questions institutionnelles et des questions de pratique.
Sur la taxation du CO2 : "je suis assez d’accord sur le fait que
si on raté quelque chose avant la crise, c’était de pouvoir mieux
articuler la transparence d’un projet qui demande de changer de
comportement à nos citoyens les plus modestes et dire qu’il y a une
forme de retour."
A propos des référendums : il juge que le référendum d’initiative
partagée n’est pas suffisamment ouvert aujourd’hui, donc n’est pas
opérant. Comment traiter les pétitions, les propositions ? “Moi je
suis assez méfiant du référendum pour régler les sujets indécidables,
que le dirigeant ne sait pas régler lui même. (...) On a un peuple qui
a choisi quelque chose et il n’y a pas de majorité positive pour
l’appliquer”.
01h49. Emmanuelle Vargon, haute fonctionnaire, femme politique et
représentante d'intérêts française. Elle estime qu’il faut faire de
l’enjeu écologique un projet positif et collectif, et que c’est un défi
gagnable collectivement.
L'intervention des ministres
1h42. Franck Riester, ministre de la culture. Il trouve le temps de
réforme du parlement beaucoup trop long et évoque "un problème de mille
feuille administratif avec des compétences qui ne sont pas encore
clarifiées". La désinformation est pour lui un des grands défis
démocratiques. Il faudra trouver une réponse démocratique à cet enjeu
majeur, et une réponse de régulation. Il faut que les intellectuels se
saisissent de cette question, le gouvernement ne pouvant pas se
substituer aux acteurs de la société civile. Enfin, selon lui, par
rapport à la crise sociétale qui est la notre, la culture peut être une
réponse très pertinente, "qui fait du commun et qui rassemble".
01h40. Intervention de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement
supérieur, de la Recherche et de l'Innovation... "L’éducation, c’est
donner aux gens la liberté de comprendre et donc de choisir. C’est pour
ça que c’est au cœur du projet que porte ce gouvernement." Pour
lui, l’enseignement supérieur doit être dans la continuité de l’école
de la confiance évoquée par Jean-Michel Blanquer. Et la loi de
programmation de la recherche a pour vocation de redonner du temps long
et de la visibilité à la recherche. "On a un sujet de
reconnaissance social des intellectuels, ç'a été abordé sur la question
de la reconnaissance salariale mais c’est loin d’être la seule
question. Les enseignants-chercheurs doivent retrouver la fierté de ce
qui fait leur métier, s’affirmer et se revendiquer comme des
intellectuels, et tout ça passe aussi par notre capacité à voir le
verre à moitié plein et non pas à moitié vide, et donc à arrêter
l’auto-dénigrement de nos professions."
01h32. Intervention de Jean-Michel Blanquer pour défendre l'education et la mixité sociale.
"Il y a au travers de la politique des premières années de la vie une
politique de la confiance et de la participation qui est très
importante." Il explique qu’on a traditionnellement tendance à opposer
la transmission des savoirs et la participation de l’élève. Il dit
qu'il faut essayer de dépasser cette opposition. Pour lui, la relation
parent-école est une des réussites du système éducatif et est
aujourd’hui un des points faibles du système français. Il faut créer
une atmopshère de participation des parents.
01h27. Cédric Villani, mathématicien, lauréat de la médaille Fields en
2010 et député LREM de l’Essonne, rappelle d’anciens propos de
Macron : “Je crois dans la science”, qui avaient été salués par
seulement une moitié du Congrès. Il pose une question sur cette
organisation : "Comment faire en sorte d’organiser, sur le long
terme, structurellement, le bon contact entre les politiques et les
experts ? Quel est votre regard sur cette question, l’organisation
du conseil scientifique technique, expert, dans les meilleures
conditions politiques ?"
01h17. Marthe Fatin-Rouge Stefanini est une juriste spécialisée en
droit comparé sur les questions de justice constitutionnelle et de
référendum. Elle souhaite faire part d’un rêve à Emmanuel Macron :
que l’école publique en France soit la meilleure. “Meilleure que le
privé par exemple”, avec une réintroduction de la mixité sociale.
“L’école publique excellente, on l’a connue. C’est l’école de
l'ascenseur social, de l’égalité des chances, de la solidarité.”
Elle aborde un deuxième point : la volonté croissante des citoyens
de s’impliquer dans le contrôle des actions prises par les élus et de
bénéficier d’une plus grande transparence, notamment dans le rapport
aux lobbies. “Le référendum d’initiative partagé est un référendum
d’initiative parlementaire. Ce n’est pas un référendum citoyen”. Elle
prend l’exemple de la Suisse, où des avis sont donnés par le parlement,
qui sont souvent suivis par les citoyens, avec une possibilité de faire
des contre projets.
01h13. Philippe Martin est professeur à l’Institut d’études politiques
de Paris. Ses principaux travaux de recherches portent sur l’économie
internationale et la géographie économique.
Sur l’ISF : “Tant que nous n’avons pas les données individuelles
sur l’ISF, nous ne pouvons pas faire d’évaluation intelligente”. Il
évoque une note qui va paraître sur la taxation du CO2 : “je suis
favorable à un prix au niveau européen, à une taxe aux frontières, mais
on ne peut pas attendre que tous les Européens soient d’accord avec
cette question”. La France d’autant moins qu’elle a la responsabilité
des accords de Paris. Pour lui, si on veut avoir l’ambition de la
transition écologique, il faut une redistribution totale de la taxe au
ménage, en fonction du revenu et de la localisation des ménages, en
faveur des petites communes. Il regrette qu’un certain nombre de
secteurs soient exonérés de cette taxe.
01h08. Olivier Beaud est juriste et universitaire, spécialiste de droit
constitutionnel, professeur de droit à l'Université Paris 2. Il attaque
son intervention sur le sujet des universités, et de l’”université par
défaut”. Il regrette que ce soit “la voiture balai de l’enseignement
supérieur” et dénonce qu’on impose à l’université de régler un problème
qui n’est pas le sien : la question de l’insertion
professionnelle. Selon lui, reste pour seule solution, soit de ramener
le public vers l’université, soit de l’adapter. Lui plaide pour une
revalorisation des universités.
Il regrette la réforme sur le cumul des mandats. “On n’a plus de grands
notables au Parlement et je pense que c’est une perte". Il pointe aussi
du doigt le quinquennat. Il questionne le régime bicéphale de la
Ve : qu’est-ce que le gouvernement ? Le chef de l’Etat, ou le
gouvernement ? Depuis de Gaulle, c’est le président. Mais il
dénonce un problème, un talon d’Achille depuis le départ de De
Gaulle : le président décide, mais il a un pouvoir sans
responsabilité.
01h01. Jean-Claude Casanova est l'ex-président de la Fondation
nationale des sciences politiques. Il dirige la revue Commentaire. Veut
parler politique. Conception des sociétés démocratiques par Raymond
Aron. “La pression migratoire crée la crainte de la perte de l’identité
ou de l’hétérogénenité“ : la pression migratoire, les inégalités
ressenties, le vieillissement de la population, les dépenses publiques
qui donnent des prélèvements obligatoires élevés, la disparition de la
religion civile… “La démocratie exige soit la vertu patriotique soit la
religion civile. Si rien ne les lie entre eux la démocratie n’aboutit
qu’à la querelle.“
Il ajoute à cela deux phénomènes nouveaux assez graves qu’on mesure
dans tous les pays : la perte de confiance dans toutes les
démocraties à l’égard des autorités publiques, des médias
traditionnels, des magistrats… et les saccages de commerce, qu'il ne
connaissait qu'au XIXe siècle, pas au XXe.
Il estime qu’il faut redistribuer les pouvoirs aux communes,
départements, régions, universités, institutions… “confier à tout ce
qui peut être autonome davantage de responsabilité” pour “redonner au
pouvoir exécutif une liberté de manœuvre plus grande” et lui rendre la
confiance du peuple.
“Ce qui me frappe en France c’est que personne ne démissionne, personne
n’est révoqué, personne n’est sanctionné. (...) A celui qui est sévère
va nécessairement la confiance de ceux qui se sentent appauvris, ou
démunis”.
00h55. Olivier Mongin est écrivain, essayiste et éditeur. Il est
directeur de la publication de la revue Esprit. Il affirme que la crise
de la représentation politique est pour lui une crise de la
représentation historique, et que la crise des Gilets jaunes en est le
symptome. “Est-on capable de réinscrire dans une historicité
aujourd’hui le discours politique ? “ Il rappelle au
président qu’il a travaillé avec un philosophe (Ricoeur) sur la
mémoire, l’histoire, l’oubli : "on ne peut pas travailler en
opposant la tradition et la modernité. On n’est plus dans une logique
conservatiste/progressiste.”
Il dit son souci de réappropriation de la mémoire et affirme la
nécessité de travailler sur le langage, et le langage commun. Comment
s’orienter dans le temps, l’espace, avoir une conception de la
mondialisation qui ne soit pas qu’économiste ?
00h47. Denis Peschanski est historien et directeur de recherche au
CNRS. Il veut revenir sur la question des réseaux sociaux et sur
l’impact qu’ils peuvent avoir. Il fait référence à l’attention de
Christchurch, celui de Strasbourg et des rumeurs qui accusent Macron
d’être l’instigateur de l’attentat, et des théories du complot. “La
prééminence des réseaux sociaux a complètement changé la donne de la
communication individuelle et collective, avec la règle de la parole
désinhibée et un niveau de haine et de violence qu’on ne connaissait
pas et en relais une hystérisation inédite de la vie politique.” Pour
lui les réseaux sociaux donnent une illusion de l’horizontalité alors
qu’il existe une hiérarchie assez drastique. Il pose la question de la
responsabilité des portails et de la facilité des signalements
00h41. Dominique Reynié est professeur des Universités à Sciences Po et
directeur général de la Fondation pour l’innovation politique. Il
souhaite parler de l’idée de la déconsolidation démocratique à
l’échelle de l’Europe, qui se documente par la progression des votes
populistes : “Je voudrais vous dire que cette déconsolidation va
très vite, beaucoup plus vite que des solutions que nous imaginons. Il
y a un point sur lequel vous avez fait mouvement, et je pense que c’est
très important de pousser ce mouvement le plus loin possible :
avec le discours de la Sorbonne sur la souveraineté européenne [...] et
plus récemment dans la lettre que vous avez adressée aux Européens en
reprenant la notion de frontière et la notion de défense des valeurs
qu’elle permet. La frontière a été manière invraisemblable saturée de
négativité. (...) Il y a là quelque chose à reconstruire.”
Il craint une crise non pas de l'autorité mais de la démocratie, de laquelle pourrait émerger une "demande d’autoritarisme".
00h37. Bernard Gazier est un économiste français et membre de
l’Institut universitaire de France. Il est spécialiste des politiques
de l’emploi. Il veut faire entendre une voix divergente, à
l'intersection de l'économie et de la sociologie, à propos de la
croissance ralentie dans laquelle nous sommes installés. “Est-ce
souhaitable du point de vue écologique ? Il faut en tout cas
s’adapter à la croissance ralentie”. Il compare la situation économique
française à la situation suédoise : “Un livre parle de vous en
disant Macron le Suédois, jusqu’à quel point être vous Suédois ?”
La France "périphérique", les grands récits et la place de l'information
00h15. Emmanuel Macron dit croire à la notion de souveraineté et évoque la perte de contrôle face aux grandes transformations.
Il faut repenser la politique de concurrence au niveau européen, pensée
pour protéger le consommateur, estime-t-il. Or, pour lui “les vrais
trusts ne sont plus européens”. Comment construire une vraie politique
de la concurrence ? Et une politique de l’"anti trust",
économiquement, et politiquement ? Emmanuel Macron pense qu’il
faut réussir à faire "une conversion de notre logiciel". Pour lui,
l’Europe doit se repenser comme une puissance par rapport au reste du
monde.
Il parle de la France périphérique, et reconnaît qu’elle a été
empêchée, maintenue dans ses tensions profondes. Il souligne la
nécessité de penser des logiques de réappropriation : “Je suis
tout à fait d’accord avec cette idée de reprise de contrôle à l’échelon
local.”
Sur la capacité à reconstruire un récit collectif, il émet un
regret : “Ce qu’on avait réussi à universaliser s’est refracturé.
(...) Je pense qu’une des choses qu’on a perdues, c’est la capacité à
avoir un récit commun. Est-ce que nous ne sommes pas à un moment de
reconstruction des grands récits ? Je pense qu’un des problèmes de
notre société sur le plan anthropologique c’est le post modernisme.”
Il estime que d’autres grands récits émergent à une époque où l’Europe
a du mal à trouver les siens : “Il nous faut rentrer dans un
dialogue pour accepter les différences, pour dire quel type de bien
commun, d’humanisme on veut. On est à un moment de morcellement des
idéologies et de remorcellement du monde.” Il veut sortir de cela en
rebâtissant des logiques de coopération. Emmanuel Macron se dit
favorable à l’idée que la sociologie, l’anthropologie, doivent avoir
une place supplémentaire dans le débat public.
Sur la place de l’information enfin : “L’idée que l'algorithme ne
doit pas être aveugle ou commercial mais débattu démocratiquement est
une idée essentielle.” Il juge que la grande difficulté avec Internet
est que cette invention conduit à de telles ruptures décentralisées,
portée par un discours libertarien, est aujourd’hui le plus grand
levier à trust du monde, et donc à choix démocratique confisqué :
“Cette épidémie de crédulité dont vous avez parlé suppose que les tiers
de confiance dans la société s’expriment. (...) Que des intellectuels,
des journalistes, mènent ce combat, le portent, et décident de dire
qu’il y a un statut pour la vérité [...], est à mes yeux la chose la
plus efficace possible. Je veux mener ce combat parce que je pense que
la situation dans laquelle on vit est délétère mais je pense que c’est
un combat ou on a besoin de beaucoup plus d’engagement des
intellectuels et des journalistes. “
00h10. Luc Boltansky, sociologue, directeur d'études à l'EHESS. "Je
pense qu’il pourrait être utile que soit créé aujourd’hui, sur le
modèle du conseil d’analyse économique, qui s’était mis en place en
1997, un conseil d’analyse sociologique, qui dans un esprit pluraliste,
aurait pour mission l’étude du changement social. Composé de chercheurs
participant bénévolement à l’écriture de notes de synthèse [...], ce
conseil pourrait être saisi par le gouvernement ou s’auto-saisir de
problèmes cruciaux échappant à l’attention administrative, médiatique
ou politique."
00h06. Gérald Bronner est sociologue et professeur de sociologie à
l’université Paris-Diderot. Il souhaite défendre la recherche et la
science au nom de la rationalité, qui se retrouve menacée à
l’heure ”d’un tournant civilisationnel que nous avons tous le
sentiment de vivre”.
“Les récents attentats ont été inspiré par une théorie du complot dite
du grand remplacement et çà la lecture du manifeste qu’a laissé le
terroriste, on découvre que selon lui qu’il n’y a d’autre vérité que
celle qu’on trouve sur internet." Il dénonce “une épidémie de
crédulité” qui est en train de nous toucher. “En réalité une partie de
cette épidémie de crédulité est la conséquence de la dérégulation du
marché de l'information que permet notamment internet.“
"La France souhaite-t-elle ou peut-elle engager une négociation avec
les grands acteurs du net pour poser la question de l’ordre
d’apparition des informations, de la visibilité de l'information,
puisqu'il s’agit là d’une régulation non-liberticide du marché de
l’information. En avons nous le pouvoir, attendu que les grands acteurs
du net ne semblent pas toujours disposés ?"
00h01. Mireille Delmas-Marty poursuit : “L’humanisme des Lumières
ne suffit plus à guider notre boussole, il nous faut incorporer
d’autres visions de l’humanisme. [...] Si on pense à l’environnement,
au climat, il y a un humanisme de l’interdépendance, l’être humain
n’est pas séparé du reste du monde.”
Sur les débats sur les nouvelles technologies, elle appelle à un débat
sur l’humain à déterminer, pour la protection de la création. Elle
défend l’idée d’une communauté de destin pour l’humanité, qui se
construit par anticipation : “Pour concevoir une communauté de
destin pour l’humanité il faut des récits anticipateurs”.
23h56. Mireille Delmas-Marty est juriste et professeure au Collège de
France. “On a beaucoup parlé dans ce débat des valeurs, mais on n'a pas
évoqué ce qui fait le lien entre le droit et les valeurs, ce sont les
droits de l’Homme. Dans le débat actuel la Déclaration universelle des
droits de l’Homme aurait dû jouer un rôle, qu’elle n’a pas joué”. Il
faut surmonter, pour elle, les vents contraires. La logique économique
est une logique de compétition, de croissance alors même que la logique
climatique est une logique de coopération et de sobriété. Or on arrive
à les concilier, même si ce n’est pas évident.
A propos de la tension entre liberté et sécurité : “Sont-ils voués
à s’opposer ou est-il possible de les concilier ? On a peu parlé
également du désastre humanitaire des migrations également”.
23h54. Magali Talandier est une économiste et spécialiste de
l’aménagement du territoire. Elle est également professeure à
l’Université Grenoble Alpes. Elle pense qu’on a accordé trop de place à
la lecture géographique du mouvement des gilets jaunes, et qu’il s’agit
surtout d’une question de précarité. La géographie compte : le
local s’invite comme une réponse possible aux crises. “Il ne s’agit pas
de se replier sur soi-même, c’est reprendre possession de ses
ressources, c’est donner de la matérialité à nos modèles”. Il y a des
manifestations tout à fait positives qui partent des territoires, c’est
bien d’apporter un regard qui ne soit pas toujours stigmatisant sur ces
dynamiques qui ne sont pas toujours métropolitaines, estime-t-elle.
23h48. Hervé Le Bras est historien et démographe, spécialiste en
histoire sociale et démographique. Il est directeur d'études à
l'INED (Institut national d'études démographiques) et enseignant à
l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il rappelle
qu’à la base, l’origine de la crise était la question de l’éloignement
des services. “Le problème des zones éloignées ce n’est pas qu’elles
sont déshéritées mais qu’elles sont loin, pour ces zones-là la voiture
est indispensable. (...) Au départ c’est un problème de voiture”.
Il aborde une seconde question : comment remédier à cela, au
problème de l’éloignement ? C’est la question de la justice
spatiale. Comment, lorsqu’on prend une décision économique de
localisation d’une maternité, on tient compte de l’éloignement des
usagers ? Il explique qu’on a confondu cet éloignement des
services avec la périphérie, or elles sont très différentes les unes
des autres.
Si on ne peut pas résoudre toutes ces questions par “un trait de
plume”, il faut “en tenir compte”, notamment via la démocratie locale,
qui donne un pouvoir d’autonomie. Il demande enfin à ce qu’on puisse
accéder plus facilement aux données sur les revenus.
23h42. Intervention de Jean Viard, directeur de recherche associé au
Cevipof et au CNRS (Centre de recherches politiques de Sciences Po). Il
revient sur la question des Gilets jaunes : “On est sur une
société du bonheur privé et du malheur public (...) Ces gens avaient
réussi leur vie, ils étaient heureux, c’était la France du travail.
[...] Et ces gens là, d’un coup, on leur dit : 'Vous êtes nuls.'”
Selon lui, il faut définir une politique pour ces territoires, car il
n'en existe pas. "On leur dit 'Ressemblez à la métropole', mais ils ne
peuvent pas. [...] Leur mode de vie est périmé, mais c’est là qu’ils
ont investi leur vie, ils ont la haine…” Il défend la nécessaire
sacralisation des terres agricoles : “Vous devez faire un grand
pacte territorial.” Il estime qu’il faut déplacer la richesse par le
sol, qu’il faut donner un droit à la métropole, et que cette
sacralisation sera une garantie écologique.
23h40. Elie Cohen est directeur de recherche au CNRS. Ses recherches
portent sur les marché et sur les crises économiques. Il estime que le
terrain est prêt pour donner du concret à l’idée de souveraineté
industrielle européenne, qu’il oppose à la politique de la concurrence.
Sur les salaires, les inégalités de genre, la fonction présidentielle
23h15. Emmanuel Macron : “L’Europe a été pensée comme un projet de
paix, de prospérité, de liberté, où il y avait une idée de convergence,
mais les 15 dernières années ont coupé avec cette idée de convergence”.
Pour lui, la France en a moins souffert que ses voisins, puisqu’elle a
fait l’économie d’une politique d’austérité. Il revient sur son
désaccord idéologique avec le revenu universel d’existence.
Il affirme que le modèle luxembourgeois n’est pas soutenable à cause de
“l’incomplétude du projet européen” et les nécessités d’ajustement,
“qu’on fait peser sur la périphérie”. Une refondation européenne est
indispensable pour aller au bout de ce projet.
Il aborde la question de la réforme du chômage et de la précarité
organisée sur le marché du travail, avec les inégalités qu’elle suscite
en impactant d’abord les femmes et les jeunes peu qualifiés. Il affirme
que les inégalités de genre doivent être au cœur des échanges entre les
partenaires sociaux. “Il faut réinvestir ce champ qui n’est pas
seulement celui de la législation”. A ce sujet, il se félicite de la
loi de septembre 2018, qui demande une obligation de résultat, mais qui
suppose d’avoir des partenaires sociaux qui sont actifs.
Enfin, sur le sujet pauvres/ classes moyennes, il estime que le grand
impensé de la discussion est “qui finance” ? “On doit produire
davantage, faire des choix de redistribution, mais je considère que
nous nous sommes au maximum de deux critères : celui de la
fiscalité, et celui de la dette.”
Il se félicite de son plan pauvreté et notamment de l’accélération, amélioration de la prime d’activité.
Sur le mal français et l’Etat : “Je pense que vous êtes excessifs
dans les maux que vous attribuez à l’Etat, vous écrasez tous les maux
de la société sur l’Etat comme cause première. L’Etat a fait la nation.
Nous sommes le produit de ce fait historique. L’Etat a en effet en
France un rôle sans doute supérieur, plus important, plus écrasant que
dans beaucoup d’autres pays parce que c’est l’Etat qui a fait la
Nation. [...] Faut il moins d’Etat pour résoudre tout cela ? Moi
j’y suis ouvert. Mais il faut être lucide sur un point : nous
avons la passion de l’égalité qu’ont très peu d’autres Etats (...) Mais
il y a une demande de l’Etat arbitre permanente. (...) Donc quelque
part cette agilité, ont doit la composer avec cette passion de
l’égalité qui elle, demande plus d’Etat.”
A propos du revenu universel, il se dit favorable à l’expérimentation,
à condition qu’elle se fasse dans un cadre démocratique et pleinement
assumé. “J’accepte d’avoir plusieurs politiques sociales, c’est
exactement ce qu’on a fait sur le territoire 0 chômeur. [...] Ça n’est
pas une alternative politique qui a été débattu mais un complément.” Il
insiste sur le rôle de l’évaluation : il s’agit de “se donner les
moyens de le faire scientifiquement et de manière transparente”.
Sur les inégalités : "j'assume ce que nous sommes". Pour lui, la
question des droits de succession est une question d'ordre mondiale qui
est une des défaillances du capitalisme à l'échelle mondiale.
Sur l'excessive concentration des pouvoirs de la fonction
présidentielle : par rapport à nos voisins européens, il estime
qu'elle donne beaucoup de capacités à décider. Ceux qui dénoncent la
concentration des pouvoirs, "n'aiment plus la décision du tout". "Je
trouve que la pire des choses dans nos démocraties contemporaines c'est
d'être impuissanté, le problème que nous avons dans beaucoup de nos
régimes c'est la lenteur et la difficulté à faire".
23h12. Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation
Jean-Jaurès. Il évoque le thème de l’Europe, et celui de la fonction
présidentielle et la question qui lui est associée de l'excessive
concentration des pouvoirs… Il évoque aussi l’évolution des inégalités
et notamment la réforme des successions à laquelle il s’oppose alors
qu’elle devrait être en phase avec le projet du président d’égalité des
chances.
23h08. Laetitia Strauch-Bonart,essayiste et journaliste. De la part des
expatriés français, elle entend souvent dire qu’en France on ne donne
pas sa chance aux gens. Elle juge que l’Etat n’est plus considéré comme
une entité régalienne : “notre Etat pour acheter la paix sociale a
instauré le corporatisme”. Elle pose la question de l’Etatisme et de sa
perception par les citoyens français. Elle y voit trois
conséquences : le ressentiment social, un fort élitisme et un
manque de reconnaissance.
23h06. Julien Damon est sociologue et professeur associé à Sciences Po.
Il est spécialiste des questions sociales et urbaines. Il estime que
les invités font ce soir de la “giletjaunologie”.
23h. Réjane Sénac est politologue. Docteure en science politiques, elle
a beaucoup travaillé sur la question des rapports homme/femme. Elle
rappelle que l’égalité, dans l’ordre républicain, est le principe
premier. Elle souligne la difficulté de “faire le procès de nos
principes, pour en être à la hauteur” pour parvenir à “porter fièrement
une République cohérente”. Elle précise que les femmes sont
majoritaires au sein des travailleurs pauvres. Il n'existe pas de
consensus sur ce que doit être la République, comme l’ont prouvé les
débats autour du mariage pour tous. “On passe d’une conception
individuelle du sentiment d’injustice, au “nous” solidaire et collectif
vers l’action.”
Elle convoque le rôle du droit, jusque là peu abordé, et pourtant
essentiel.”A travail égal, salaire égal depuis 1972…” Car le droit est
ce qui donne la possibilité d’appliquer la norme par la sanction. “On
n’est pas nombreuses alors on tient un peu la parole”, rétorque-t-elle
à Guillaume Erner qui tente d’abréger son intervention. Elle conclue
sur le besoin de moyens contre les violences faites aux femmes.
22h54. Christine Erhel, directrice du Centre d’Études de l'Emploi et du
Travail, au CNAM. On a observé en France “une croissance de formes
d’emplois précaires, notamment des contrats de durées très courtes”,
qui ne permettent pas aux gens d’avoir une projection dans l’avenir. A
laquelle s’ajoute un usage des nouvelles technologies allant vers un
nouveau taylorisme destiné à contrôler, surveiller les tâches… le
salarié s’apparente alors, pour l’employeur, à “un robot”. Il y a, pour
elle, nécessité d’un accompagnement vers une meilleure qualité de
l’emploi et du travail.
Elle souligne les fortes inégalités d’accès à la formation
professionnelle : “il y a beaucoup de barrières à la formation. Le
fait d’avoir accès à des services de garde d’enfants, de prendre les
transports avec un coût relativement faibles pour pouvoir suivre ces
formations”. Enfin, elle aborde les questions de l’inégalité de
genre : 57% des Français pensent que les inégalités salariales
dans les entreprises ne disparaîtront jamais… Une question fondamentale
aujourd’hui, qui concerne bien des femmes qui grossissent les rangs des
gilets jaunes.
22h49. Louis Chauvel, professeur à l'Université du Luxembourg,
chercheur à Sciences Po Paris. Il est membre de l’Institut
Universitaire de France. Il pointe du doigt l’intensification des
frustrations collectives, qui a été surestimée, et dénonce le “biais
d’optimisme” des gouvernants. “Par un manque de précision dans les
diagnostics sociaux que nous faisons aujourd’hui, nous risquons encore
d’avoir 15 ans de retard sur les questions sociales.”
Stagnation des salaires médians, déclassement social par rapport au
logement, situation de paupérisation de l’intégralité du système… selon
lui, même les retraités se rebellent, preuve qu’il y a urgence à
prendre conscience de toutes ces frustrations extrêmes. “Nous sommes
dans une situation où de nombreux jeunes aujourd’hui constatent
l’existence de l’invention du travail gratuit”. Il alerte sur le besoin
de réorientation économique, et de valeurs.
La crise de la recherche
22h39. Pour Emmanuel Macron, la formation des chercheurs est
essentielle. Il se dit conscient du besoin d’attractivité et de
valorisation dans la société et affirme être prêt à avancer sur ce
sujet “de manière non dogmatique”, disant à Aurélie Jean avoir aimé son
approche des “bénéfices”. “C’est une intégralité, je ne voudrais pas
qu’on regarde simplement le salaire.” Il estime également nécessaire de
“réussir à faire une mobilisation du secteur privé” et reconnaît qu’il
est nécessaire de favoriser aussi les “recherches au long cours” :
“on ne fera pas l’économie d’un réinvestissement massif, public et
privé.”
22h36. Aurélie Jean, docteure en sciences et experte en mathématiques
appliquées. Elle évoque la nécessité de collaborer avec des
scientifiques de pointe, des chercheurs du monde entier. Elle aborde la
question de la réintégration des chercheurs français partis étudier à
l’étranger. Comment attirer les chercheurs étrangers en France, en
parlant de “bénéfices” (par exemple, en France, le chercheur peut
obtenir des fonds français, mais européens… le coût de la vie à Paris
est inférieur à celui des grandes villes américaines, etc.) ? Elle
invoque cette même logique des “benefits” pour encourager les
entreprises technologiques américaines à s’installer en France.
22h31. Claude Cohen-Tannoudji, physicien et prix Nobel de physique. Il
témoigne de son parcours de chercheur et déplore rencontrer de
plus en plus de jeunes gens, attirés par la recherche, mais très vite
découragés à cause de l’absence de postes et de crédits. Pour lui, les
soutenir serait le meilleur investissement que pourrait faire le pays.
Il estime aussi que ce serait une solution pour pallier les menaces
pesant sur l’avenir de la planète. “Si tous les pays du monde étaient
capables de réduire leur nombre de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, la
situation pour le climat serait beaucoup plus favorable.” Il prend
l’exemple de la construction de réacteurs nucléaires, qui ont permis
ces dernières décennies la diminution des émissions de CO2. “Nous avons
tous apprécié la marche des jeunes il y a deux jours, soucieux de
l’avenir de notre planète. Ce sont eux qu’il faut encourager à faire de
la recherche”.
22h25. Serge Haroche, physicien, prix Nobel de physique 2012 et
professeur honoraire au Collège de France, titulaire de la chaire de
physique quantique. Il déplore qu’on puisse penser que, dans le
contexte actuel, la question de la recherche soit un luxe, à traiter
plus tard. Il rappelle le rôle utilitaire de la science, la curiosité
innée qui est à la base même de la civilisation. Pour lui, promouvoir
la recherche est l’un des moyens de lutter contre les “dévoiements”
qu’incarnent les théories du complot. Il souligne le décrochage
important de la France dans la compétition internationale. Il dénonce
le sort réservé aux jeunes chercheurs (salaire, mobilité…) et le manque
d’attractivité des carrières scientifiques ; le fait que le risque
d’échec ne soit plus accepté, qu’il faille aujourd’hui promettre des
résultats. A l’étranger, les jeunes chercheurs sont bien mieux payés,
ont plus de débouchés. Aujourd’hui, les jeunes esprits brillants,
désabusés, choisissent une autre voie.
Pour lui, la France est loin de consacrer 3% de son PIB à la recherche, comme elle s’y était engagée.
22h20. Xavier Darcos, latiniste et ancien ministre de l'Education de
Nicolas Sarkozy.Il se demande comment repenser de manière collective et
redonner du sens à ce qui se transmet, ce qui se vit en collectivité.
Selon lui, les jeunes ne voient pas la différence entre le temps de
leur désir, et celui de la réalisation des choses, “or tous les sujets
que la politique doit traiter sont des sujets de long terme”. Il juge
que derrière la dépréciation du global qui s’exprime aujourd’hui, “il y
a une vie cachée intense, d’une richesse incroyable, de la générosité
collective” et salue “l’engagement incroyable des jeunes dans le
domaine social, culturel, du savoir”. Xavier Darcos assure qu'il y a
une nécessité de tendre la main à ces jeunes, “ces viviers, ces
pépinières de passion”.
22h15. Catherine Bréchignac, physicienne, spécialiste des nanosciences,
secrétaire perpétuelle de l’Académie des Sciences. Ancienne présidente
du CNRS de 2006 à 2010, elle aborde le sujet des fake news, et la
responsabilité des scientifiques d’apprendre à “savoir distinguer
coïncidence et causalité”. Le numérique a profondément modifié la
relation au temps : “Tout est stocké, et on a oublié ce qu’était
l’oubli, ce qui cause problème”. E::e ajoute qu'il est nécessaire de
revaloriser les carrières d’enseignants, et de trouver des lieux forts
et attractifs pour attirer les chercheurs étrangers.
Bioéthique, recherche scientifique, et santé mentale
21h51. Emmanuel Macron revient sur les propos de Boris Cyrulnik :
"On sait que beaucoup se forgent dès le plus jeune âge, par les
conditions affectives, l’alimentation, le contexte… On a un début de
réponse qu’il faut accélérer et intensifier. Les enfants sont les
absents de ce grand débat et seuls les chercheurs peuvent les
défendre.” Il estime qu’il faut investir d’avantage dans ce domaine
précis de la très petite enfance : “Le projet éducatif doit être
un pilier”.
Sur la psychiatrie il admet qu’il s’agit d’une ambition que l’on doit conduire en France.
Sur l’investissement dans la recherche, il reconnaît qu'il s’agit “d’un
levier” et que l’on doit “garder l’excellence scientifique dans notre
pays”; il rappelle que la ministre de la Recherche doit proposer un
projet de loi d’ici à la fin de l’année. A propos de la santé et du
territoire, Emmanuel Macron trouve “souhaitable un temps de
décentralisation".
21h47. Intervention d'Irène Théry, spécialisée dans la sociologie du
droit, de la famille et de la vie privée, qui travaille sur les
transformations contemporaines des liens entre les sexes et les
générations. En matière de mœurs et de bioéthique, elle souligne le
fait que l’ancienne règle du jeu devient de plus en plus obsolète, tout
en affirmant la nécessité d'interroger les valeurs fondamentales des
nouvelles règles du jeu : "Ce désarroi crée des mouvement
contre-révolutionnaires et des crispations identitaires qui font que
ces questions peuvent embraser la planète, comme la France il y a
quelques années."
Elle évoque le devoir de passer d’une approche comparative à une
approche relationnelle de l’égalité des sexes, et celui d'expliquer aux
concitoyens pourquoi "ce qui était impensable autrefois, pouvait
devenir pensable aujourd’hui." Elle affirme qu’il est nécessaire
d’avoir un discours positif sur les valeurs communes, qui transcendent
les différences. "Il s’agit d’accompagner fièrement cette
évolution. Nous avons des valeurs fortes à défendre. Nous devons
changer par rapport à notre système habituel de mensonges. Défendre que
les familles issues de dons, sont des familles dignes.”
21h40. René Frydman est médecin, obstétricien, et producteur de
l'émission "Matière à penser" sur France Culture. “Nous sommes au
moment où un projet de loi sur la santé en 2022 est discuté. [...] Il
me semble que la démocratie sanitaire pourrait être un exemple de cette
transition vers le futur.“ Il interroge la possible subdivisions
des régions en "territoires de santé" qui tiendraient compte des
transports, de la population...
Il estime qu’il y a une nécessité de rediscuter de la PMA, mais qu’on
ne peut pas l’étendre sans un procédé à la hauteur des
espérances, ce qui nécessite de prendre en compte la prévention,
l’information, la recherche et une vigilance éthique. Il aimerait aussi
un plan de lutte contre l’infertilité.
21h38. Intervention de Jules Hoffman, prix Nobel de médecine en 2011,
biologiste, spécialiste du système immunitaire des insectes, médaille
d’or du CNRS en 2011 et sociétaire de l’Académie française, membre de
l’Académie des sciences. Il souligne que le progrès en sciences du
vivant a été plus important entre 1950 et aujourd'hui, qu’entre
l’Antiquité et 1950, notamment grâce à la biologie moléculaire. Il
tient à rappeler que les choses avancent très rapidement. “Nous sommes
dans une période d’explosion, qui mérite d’être accompagnée par nos
dirigeants. Face à la concurrence, il faut que les carrières de la
recherche soient plus attractives. La situation des jeunes chercheurs
est honteuse pour notre pays”.
21h29. Intervention de Boris Cyrulnik, neurologue et psychiatre, qui
enseigne l'éthologie humaine à l'université du Var. Il dénonce le coût
social faramineux des souffrances psychiatriques. “C’est la première
fois dans l’histoire de la psychiatrie qu’on peut aborder et évaluer
scientifiquement les problèmes neurodéveloppementaux”. Il précise qu’on
peut prendre des décisions politiques qui vont avoir une influence
positive sur les premiers mois de la vie d’un enfant. A chaque
bouleversement socio-culturel il y a un “pic psychiatrique”,
prévient-il, or notre société connaît constamment des bouleversements
psychiatriques... Il juge possible la prévention des souffrances
psychiatriques par l’augmentation du congé parental, la stabilité de la
niche affective, l’amélioration des maternelles, le plaisir d’apprendre
plutôt que la contrainte à apprendre… Il met également en avant les
progrès dans les autres pays européens, et rappelle que la part du
budget de la santé consacré à la psychiatrie n’est que de 4 % en
France. Il demande au président d’envisager une nouvelle politique de
la santé mentale, par l’éducation et par une meilleure prise en charge
des soins. Il estime urgent de moderniser la psychiatrie française, qui
n’a jamais été aussi délabrée qu’aujourd’hui selon lui.
L'immigration. La démocratie en Algérie
21h21. Emmanuel Macron estime que “ce n’est pas la France de
l’exclusion sociale qui est sortie dans la rue. Il n’y a pas eu la
France des quartiers les plus populaires, la France issue de
l'immigration qui est la victime principale de discrimination”, mais
qu'il s'agissait d'“une partie de la France qui est majoritaire et ne
va pas plus aux urnes”. Pour lui, il s’agit de quelque chose de
différent, d’un problème d’inclusion sociale.
Sur le sujet institutionnel, Emmanuel Macron rappelle qu’il avait pris
l’engagement de donner plus de proportionnalité dans les votes. “Je
pense qu’il faut dans le temps parlementaire qu’il y ait un temps
dévolu à la présence locale, ça veut dire qu’être parlementaire ne veut
pas dire passer son temps dans l’hémicycle.” Il pense que le processus
de décision s’est trop écarté du citoyen et qu’il lui manque donc le
sentiment d’appropriation et de compréhension de la décision.
21h20. Benjamin Stora, affirme qu’il est "du devoir des intellectuels
aujourd’hui d’être au côté de ceux qui combattent pour la démocratie en
Algérie”.
21h16. Emmanuel Macron se dit choqué de voir que pendant trop
longtemps, on a dit que “l’avenir d’un jeune Algérien c’était de venir
étudier en France”. Il dit avoir pris la décision, pour le mois de
juin, de faire un “sommet des deux rives”, pour organiser une politique
méditerranéenne, un “sommet 5 + 5, pas seulement la France et les cinq
pays de l’autre rive", avec une volonté d'également y "associer les
partenaires européens intéressés par le sujet”. Emmanuel Macron veut
“reconstruire un vrai dialogue au sein du Maghreb”.
21h11. Gilles Kepel, directeur de la chaire Moyen-Orient-Méditerranée à
l’Ecole normale supérieure et professeur à Sciences Po, établit un lien
entre les gilets jaunes et la Commune et évoque une "haine de la
démocratie représentative” : “J’ai été frappé de voir des attaques
contre les députés." Il estime qu'il existe un problème
d’inclusion "à la fois social et politique de toute une partie de
nos populations qui ne s’identifient plus, ou de plus en plus
difficilement, aux institutions de la République”.
Il compare le phénomène des gilets jaunes et des territoires avec, de
l’autre côté, les “quartiers périurbains” où vivent les “enfants de
l’immigration”. Il pose la question d'un éventuel problème
institutionnel avec un quinquennat qui voit les députés élus juste
après le Président de la République : "Par conséquent peu de
choses remontent par la représentation parlementaire". Il fait
également remarquer que le non cumul des mandats s’est traduit par un
bon nombre de “députés qui sont un peu hors sol aujourd’hui”.
Islam, laïcité et éducation
21h09. Intervention de Benjamin Stora, professeur des Universités,
président du conseil d'orientation du Musée de l'histoire de
l'immigration. “Dans le flot des images négatives concernant l’Islam et
les pays arabes, il y a une éclaircie, c’est l’Algérie d’aujourd’hui,
où des millions de personnes manifestent pour la démocratie politique”.
Comment faire en sorte que la France puisse intervenir pour soutenir
les démocrates algériens ?, se demande-t-il.
21h03. Hakim El Karoui, normalien et agrégé en géographie,essayiste et
consultant, veut donner une “bonne nouvelle sur le sujet de
l’Islam” : “Il faut arrêter d’essentialiser l’Islam, d’une
certaine manière il n’existe pas, l’Islam c’est ce qu’en font les
muslmans”. Il estime qu’il existe un islamisme français, qui n’est pas
l’islamisme maghrébin ou du Moyen-Orient, mais une “invention qui est
un projet politique et idéologique qui se nourrit et est né de la
situation française, pas du monde arabe”. C’est selon lui une source
d’inquiétude, mais il existe une autre dynamique, impulsée par tous les
Français de confession musulmane qui ont le même système de valeur que
les autres Français. “Il faut partir de cette divergence, qui montre
que le combat est entre les musulmans, plutôt qu’entre la République et
l’Islam”. Le sujet étant de savoir s’il y avait des Français de
confession musulmane prêts à s’engager pour cette réforme de l'Islam de
France.
20h50. Emmanuel Macron juge que la “crise de la représentativité” est
une “crise de l’Etat de droit”, dont la “laïcité est une part”. Pour
lui, il faut “reconquérir des principes, des actes, une éducation et
faire respecter cette part d’ordre sans laquelle la liberté ne peut pas
s’exercer” : “La laïcité n’a pas d’adjectif qu’on doit lui
accoler, mais on ne doit pas en faire une religion de la République
contre une autre.” Il regrette qu’on mette derrière ce principe la peur
de l’immigration, la peur de l’autre. “Je ne souhaite pas qu’on change
la loi de 1905, ce qu’elle représente et ce qu’elle permet de
préserver”. Il explique que nous devons réussir, dans notre société, à
faire une place à l’Islam, “une religion quasi pas présente au moment
de la loi de 1905” : "Notre défi est au carré parce qu’on le fait
au moment où l’Islam vit une crise, qui est mondiale. (...) Quand on
regarde l’Islam on peut voir qu’on a un vrai problème d’organisation.
C’est lié au fait que l’Islam ne s’est pas pensé de la même manière que
les autres religions, [...] ce qui existe sous d’autres formes ailleurs
aussi.”
Il faut selon lui clarifier les questions de financement de la religion, ce que permet déjà la loi de 1905.
20h46. Olivier Galland, sociologue et directeur de recherche au CNRS,
trouve que la participation des jeunes à la vie citoyenne est faible et
estime que les jeunes sont en plus peu écoutés. “Plus inquiétant, on
voit monter des signes de radicalité religieuse, mais aussi de
radicalité politique, et un certain attrait pour la violence”. Il
évoque un sondage Ipsos qui montrait que 35 % des jeunes étaient
d’accord avec l’affirmation “certaines personnes usent de la violence
pour défendre leurs intérêts”. Pour lutter contre ce "déficit de
citoyenneté", il estime que l’école française a un rôle à jouer.
20h39. Souad Ayada, présidente du Conseil supérieur des programmes,
philosophe, spécialiste de philosophie et de spiritualité islamiques.
Elle estime que Macron veut organiser l’Islam de France. Elle se
demande si le projet d’Emmanuel Macron peut entrer dans le cadre
juridique actuel : “L’Islam ne s’est pas pensé, ne s’est pas
constitué historiquement dans la forme d’une Eglise”.
20h36. Valentine Zuber, historienne, spécialiste de la liberté
religieuse et des droits de l’homme, directrice d’études à l’Ecole
Pratique des Hautes Etudes, demande comment lier l'exigence de
neutralité du bon gouvernement démocratique, qui doit être équitable et
juste envers tous, avec une pluralisation croissante des expressions
identitaires et des convictions religieuses. "Comment faire droit à un
projet de société commun, si ce sont toujours les mêmes, aux croyants
en général, qui se trouvent pointés du doigt et assignés à rentrer dans
le moule commun ? "
Elle dit trouver dangereux le durcissement du débat autour de la
laïcité, qui n’est pas adapté à la réalité de notre société et risque
de catégoriser les citoyens, et donc de permettre des discriminations.
20h34. Intervention de Rachid Benzine,islamologue et historien, qui
revient sur les propos de Macron concernant un amendement de la loi de
1905. Il interroge les relations entre la République et les religions,
et demande comment la République compte faire une place à l’Islam, et
avec quels interlocuteurs. Dans un second temps, il estime que tous les
enfants de djihadistes doivent pouvoir revenir, que les valeurs de la
France voudraient que l’on n’abandonne aucun de ces enfants, et qu’on
puisse affirmer le principe de retour de tous les enfants.
20h27. Dominique Schnapper, sociologue, dirige le Conseil des sages de
la laïcité. Elle revient sur l’actualité “Gilets jaunes” et regrette la
remise en question de toute forme de délégation et une crise de la
représentation, et par extension une crise de la démocratie et de ses
institutions. Elle estime que sont arrivés les mythes de la démocratie
totale, directe et absolue. “Si nous estimons qu’il faut défendre les
principes de la citoyenneté, il faut travailler auprès des jeunes
générations”. Elle met en avant le principe de la laïcité. Il est de
“votre responsabilité de rappeler ces principes essentiels, parce
qu’ils assurent la liberté et la protection de de tous, qu’ils soient
religieux ou non”, fait-elle remarquer à Emmanuel Macron. Dans un
dernier mot elle rappelle que les libertés permises par notre
démocratie sont exceptionnelles : "C’est un honneur de la
démocratie de nous laisser libres de donner à notre vie le sens que
nous voulons."
Le rôle de médiation des intellectuels
19h59. Emmanuel Macron reconnaît n’avoir pas réussi à donner à une
partie de la population des perspectives sur des vies “empêchées”. Il
analyse “la tension entre les libertés individuelles et l’idée qu’on se
fait du collectif, visible au cœur des débats bioéthiques actuels”. Il
estime qu'il y a une nécessité à redéfinir la “part de commun” entre
les citoyens. Pour répondre à ces enjeux, le président de la République
dit croire à la médiation, aux “passeurs envisagés comme des
références”. Il dénonce au passage la négation de toute forme
d’autorité par les gilets jaunes : “C’est l’individu qui ne se
reconnaît plus en rien”.
Emmanuel Macron considère qu’il s’agit de rétablir des “échelles de
valeur”, de rappeler que “tout ne se vaut pas”, que toutes les paroles
ne se valent pas sur certains sujets, d’où la responsabilité, selon
lui, des intellectuels.
Il revient sur les points soulevés par Monique Canto-Sperber, évoquant
les “dirigeants impuissantés” en Europe, “alors même que partout dans
le reste du monde émergent des systèmes libéraux qui vont beaucoup plus
vite, et où la part d’autorité est installée”. Pour lui, la démocratie
n’est pas un “débat permanent entre toutes paroles qui se valent”, et
souhaite bâtir des formes de consensus démocratiques, hors des temps de
l’élection, une “forme de démocratie délibérative, mais où, lorsque le
consensus est exprimé, on prend la décision”.
19h53. Monique Canto-Sperber, philosophe, ancienne directrice de
l'Ecole normale supérieure de 2005 à 2012 et membre du Centre de
recherches politiques Raymond-Aron de l’EHESS. Elle fait remarquer que
les pratiques actuelles du pouvoir laissent peu de place à la
participation politique et à l'engagement civique.
Elle évoque le besoin de participation qui va à contre courant de
pratiques gouvernementales : “La participation des citoyens est
une façon d’améliorer la décision politique, pour créer les conditions
favorables à l’acceptabilité des réformes”. Elle demande au président
quelles sont ses pistes pour répondre à cet enjeu de mise en dialogue
et préserver les valeurs de la démocratie.
19h49. Michel Wieviorka, sociologue, auteur de “Face au mal : le
conflit sans la violence”, publié aux éditions Textuel en février 2018.
Il aborde la question des médias sociaux, qui, selon lui, “enfermement
plus qu’ils n’ouvre les discussions”, et auxquels peine à répondre, en
face, un “système politique décomposé”, souvent critiqué pour sa
verticalité descendante “comme si entre l’exécutif et la population, il
n’y avait rien”. Il demande à Emmanuel Macron s’il est selon lui
nécessaire de revitaliser les univers politiques, ou bien si le seul
modèle possible est celui avec un pouvoir exécutif fort, suivi par son
parlement.
19h44. Frédéric Worms,professeur de philosophie contemporaine à l’ENS,
directeur adjoint du département des Lettres et membre du Comité
consultatif national d’éthique. Il aborde la question des conditions du
débat lui-même aujourd’hui, et du rôle des intellectuels dont la
responsabilité est de faire progresser les sujets de société. “Les
intellectuels ont toujours été ceux qui plaident pour l’universel, les
limites aux inégalités…” Frédéric Worms mentionne l’existence
d’une “inquiétude sur les intellectuels”. “Entre les ronds points et
l’Elysée, il doit y avoir des institutions qui nous permettent de
discuter : l’école, les universités… comment faire pour que ces
sujets soient pris en charge de manière critique ?”
19h39. Perrine Simon-Nahum, philosophe, directrice de recherches au
CNRS et professeur attachée à l’Ecole Normale Supérieure. Elle aborde
le thème d’une réflexion sur l’histoire, et la nécessité de réinventer
le récit. “Celle qu’on nous raconte depuis 30 ans, c’est une histoire
dont on nous dépossède”. Elle se dit inquiète par le refus des jeunes,
du monde tel qu’il est. Perrine Simon-Nahum évoque également la place
de l’individu, au point de croisement entre la liberté et la
détermination, estimant qu’il faut lui expliquer qu’il a toujours le
choix d’agir en fonction des valeurs en lesquelles il croit. A ce
sujet, elle aborde la question de la fin de vie, combat commun entre
les acteurs politiques et les intellectuels.
Sur l'écologie et le changement climatique
19h30. Réponse d’Emmanuel Macron, qui reconnaît le délitement du lien
entre politique et social. Solitude sociale, territoriale… plusieurs
strates de réponse, selon lui, pour y répondre.
Il affirme assumer la part d'indétermination du projet. “Le fait de ne
pas comprendre où on va collectivement, de se dire “demain ce sera
moins bien qu’aujourd’hui, pour moi même et mes enfants”, nourrit ce
malheur”. Il dit une volonté de construire la philosophie qui “emmène
tout le monde”, et de tenir un discours positif concernant les
évolutions climatiques. Il dit penser que le cœur de cette bataille est
européen, ainsi que son système bancaire, affirmant que c’est un débat
nécessaire. Emmanuel Macron se dit également favorable à l’augmentation
du prix du carbone.
Il mentionne également la nécessité d’une ré-articulation du système productif au niveau mondial.
19h28. Claudia Senik. Professeur à l'Université Paris-Sorbonne (Paris
IV) et à l'Ecole d'économie de Paris, membre de l'Institut
universitaire de France. Dirige l’Observatoire du bien-être. Elle
est « la » spécialiste française de l’économie du bonheur.
Elle pointe du doigt l’absence d’appartenance à une collectivité
(séparation peuple/élite) qui nourrit les populismes.
19h26. Jean Jouzel, climatologue et glaciologue, membre du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Il
rappelle que sur le réchauffement climatique, les quatre dernières
années ont été des années record. “Les investissements qu’on fait pour
la transition énergétique peuvent rendre toute de suite, en matièr
d'activité économique”. Quel pourrait être les prochaines étapes pour
la création d’une banque européenne pour le climat ? Et quelles
seront les façons de lutter au niveau européen et mondial ?
19h14. Gilbert Cette, professeur d'économie associé à l'Université
d'Aix-Marseille, président du groupe d’Experts sur le SMIC. Il
interroge le président sur l’absence des mots “emploi” et chômage” dans
le récent mouvement social. Pour lui le pays souffre d'un problème
structurel de compétitivité : “2018, c’est la douzième année
consécutive dans laquelle la France, pour faire simple, vit à crédit,
et dans le contexte de préoccupations environnementales qui nous
amènent à envisager des dépenses importantes". Si les retours sont très
décalés dans le temps, "comment tenir cette équation miracle ?"
Sur l'économie et l'ISF
19h06. Le président répond aux différentes interventions précédentes.
Sur la modernisation du système fiscal : “A la fin, l’économie
politique de ces réformes, c’est qu’il y a des gagnants et des
perdants. Les gagants prennent l'argent et ne le disent pas, et les
perdants hurlent. [...] Une bonne réforme est une réforme qui coûte de
l’argent public”. Il reconnaît que sur les 15 dernières années, les
principales victimes des augmentations étaient les classes moyennes.
Il affirme qu’il faut essayer de baisser les dépenses en totalité, mais
que le sujet du système fiscal n’est pas prioritaire, par rapport aux
questions sur la transition écologique.
Sur l'ISF, Emmanuel Macron met en avant "l'effet redistributif de la réforme de la taxation du capital" :
Un des points qu'on a pas bien expliqué sur ce sujet là, le cœur de la
réforme de la fiscalité du capital c'était de ré-attirer du capital
productif ou de le garder en France. Il faut évaluer l'impact que ça a
en terme de redistribution et regarder l'efficacité de la mesure. Je
vais être très clair, si il est observé qu'elle n'est pas efficace, il
faut la corriger. Et il faut peut-être conditionner d'avantage, sur la
partie ISF qui a été totalement supprimée, la part de réinvestissement.
Là-dessus je suis extrêmement pragmatique.
19h04. Agathe Cagé, ancienne directrice adjointe du cabinet des
ministres de l’éducation nationale, politiste et présidente de l’agence
de conseil "Compass Label". Elle aborde les enjeux de
l’approfondissement démocratique, évoquant la nécessité des réductions
des inégalités sur l’accès à l’emploi, dont les causes sont plus
profondes : “Comparer notre niveau de dépense publique à celui de
nos voisins c’est une technique qui ne fonctionne plus. Il faut
s’interroger aujourd’hui sur la taxation du patrimoine, je ne pense pas
que nous sommes en train d’agiter le joujou de la fiscalité, on en
train de dire, vous disiez monsieur le président, “il faut
travailler sur les inégalités primaires”. La plus forte des inégalités
primaires aujourd’hui est en train de devenir la possession ou non de
patrimoine".
19h02. Yann Algan, doyen de l'École d'Affaires Publiques (EAP) et
Professeur d'économie à Sciences Po. Il évoque une crise
civilisationnelle. Le mouvement des gilets jaunes évoque pour lui une
“solitude sociale dans les formes de travail, territoriale, d’un
rapport dégradé aux autres, aux institutions”. Comment reconstruit-on
des politiques lorsque l’on passe d’une société de classes sociales à
une société de masse, d’individus ?
18h58. Intervention de Jean Pisani-Ferry, économiste et directeur du
think-tank BRUEGEL (Brussels European and Global Economic Laboratory),
qui rebondit au sujet de la fiscalité écologique. Il remet en cause le
vieillissement du système fiscal, et des divers impôts sur le revenu et
évoque la nécessité de le réformer. Il interroge aussi l'efficacité de
la taxe GAFA.
18h53. Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard, membre du
Conseil d'analyse économique. Il interroge les possibilités de créer
les moyens d’une économie qui incite à l’innovation, qui soit
inclusive, et incite à prendre en compte les problématiques
environnementales : “comment pousser au vert, à l’innovation
verte, avec toute une série d’instruments auxquels on n’avait pas pensé
avant ?” Il propose de “combiner la concurrence et le fait que les
citoyens sont conscients du danger climatique. La combinaison des deux
poussent à l’innovation verte”.
Il aborde le thème des 450 niches fiscales existant en France, à ses yeux complément indispensable du passage à la flat tax.
18h40. Daniel Cohen, économiste, professeur à l’Ecole Normale
Supérieure et à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, évoque le
sentiment d’insécurité économique qui explique les tentations
populistes. Il demande au président s’il est aujourd’hui possible de
"faire l’économie d’une réflexion sur la fiscalité du patrimoine".
Réponse du président : “On a insuffisamment attiré ou gardé le
capital productif en France. (...) Moi je trouve qu’aujourd’hui, ouvrir
un débat sur la fiscalité du capital n’est pas la bonne réponse.” Pour
lui, ce serait réduire l’attractivité du capital productif dans le
pays : “On est rentré dans le débat sur une taxe que payaient trop
certains. Je ne pense pas que la solution serait d’en taxer d’autres”.
Il mentionne le “revenu universel de base” et ses “conditionnalités”,
et la “tension qui existe entre les actifs pauvres et les non actifs”.
Sur la crise des gilets jaunes
18h35. Dominique Méda, professeure de sociologie à Paris-Dauphine,
directrice de l'Institut de Recherche Interdisciplinaire en sciences
sociales (IRISSO). Elle demande au président si la manière de sortir de
la crise, face à cette demande de "justice sociale", ne serait pas de
faire un grand plan d’investissement dans la transition sociale et
écologique, d’au moins 20 milliards d'euros par an. "Etes-vous prêt à
mettre cette somme sur la table, y compris en augmentant les impôts des
plus aisés, y compris en creusant le déficit ?"
Le président estime que la crise actuelle “vient de loin” et ne pense
pas que l’avenir de la France serait dans l’adaptation d’un modèle
néo-libéral, ni dans l’établissement d’un grand plan
d’investissement : "On l'a essayé, ça a été la réponse française
de Nicolas Sarkozy à la crise de 2010. [...] On a plus de chômage que
ceux qui ne l'ont pas fait, on a plus de déficit public."
Sur le sujet climatique : "Nous avons accumulé une dette que nous
commençons à payer et allons léguer à nos enfants. Si la réponse à
cette dette est d'en accumuler une sur le plan budgétaire [...], je ne
comprends pas la logique morale ou politique de cette approche. Je ne
pense pas que la réponse soit encore plus de dépenses
publiques." Il faut, selon le Président, une "organisation de
notre mode productif et du capitalisme qui internalise beaucoup plus le
fait environnemental et donc, dans le choix d'investissement, favorise
la rentabilité de ces derniers beaucoup plus fortement".
18h27. Pascal Bruckner, écrivain, essayiste, inaugure les questions,
disant avoir le sentiment d’assister depuis quelques mois en France à
un “coup d’Etat au ralenti”.
“A ces manifestations répétées du samedi, s’ajoutent maintenant les
manifestations pour le climat qui ont réuni des adultes, des jeunes, et
pour l’instant, cette manifestation pour le climat est bienveillante
mais rien ne dit qu’un certain nombre d’activistes ne vont pas se
lancer à leur tour dans la destruction.” Il interroge le président sur
l’impuissance manifeste du pouvoir et lui demande si les manifestations
du samedi seront bientôt interdites. “Comment répondre à cette anarchie
croissante ?”
Emmanuel Macron répond en invoquant une “réponse d’ordre public” à la
stricte réalité d’une “émeute de casseur”, qu’il distingue de “la
manifestation de citoyens libres” : “On risque de confondre ce qui
est de l’extrême violence politique, [...] avec ce que peuvent être les
mouvements sociaux dans toute démocratie, ce qui est pour moi
profondément différent”.
18h25. Emmanuel Macron explique qu’il souhaite avoir le regard des
intellectuels, afin qu’ils caractérisent ce que vit la France en ce
moment, et définissent “comment tirer les fils”. Il revient sur les
“terribles événements” survenus sur les Champs Elysées ce week-end,
affirmant que les responsables sont des gens voulant “détruire les
institutions” : “Ceux sur le champ disent une part de ce mal, mais
ne disent pas ce qui a initié cette crise. Ce sont des gens qui veulent
détruire les institutions, pas des manifestants. [...]“J’assume
totalement le caractère, non pas intempestif de la discussion que l’on
va avoir aujourd’hui, mais profondément essentiel, précisément parce
que je ne veux pas réduire la vie de notre société, de notre nation, a
une simple réponse d’ordre public.”
18h20. C’est le début de ce Grand Débat animé par Guillaume Erner,
producteur de l’émission “Les Matins”, sur France Culture. Le président
de la République Emmanuel Macron explique pourquoi il a souhaité cet
exercice “un peu inédit au vu de la situation que nous vivons,
conscient du fait que cette situation n’est que le symptôme de quelque
chose de plus profond”. Il affirme que l’ambition de cet échange est de
redéfinir un projet national et européen.
14h00. La liste des intellectuel(le)s présents à l'Elysée est rendue
publique. Parmi les personnalités attendues, l'Elysée a mentionné les
philosophes Marcel Gauchet, Souad Ayada et Monique Canto-Sperber, les
sociologues Jean Viard et Michel Wieviorka, le psychiatre Boris
Cyrulnik, le climatologue Jean Jouzel, les économistes Philippe Aghion
et Jean Pisani-Ferry, ainsi que les prix Nobel Serge Haroche et Jules
Hoffmann. Annoncés aussi : la sociologue Dominique Méda ou le
philosophe Rémi Brague. Certains ont fait savoir qu'ils avaient refusé,
comme l'économiste Frédéric Lordon, très critique de la politique
d'Emmanuel Macron, qui a publiquement expliqué sa décision de ne pas
s'y rendre lors d'un rassemblement à la Bourse du travail à Paris. Cet
événement est organisé trois jours après la fin ce vendredi de la
première phase du Grand débat, lancé le 15 janvier en réaction au
mouvement des "gilets jaunes".
9h30. Sur France Culture, Stéphane Robert raconte la genèse de
l'événement. Le président de la République souhaitait organiser un
débat avec des intellectuels depuis plusieurs semaines, selon l'Elysée.
Mais il ne savait pas trop quand, comment, avec qui... Finalement,
l'invitation a été envoyée à un peu plus d'une centaine de personnes,
des philosophes, des économistes, des sociologues, des historiens. Et
ils sont un peu plus d'une soixantaine à y avoir répondu favorablement.
Un débat animé par Guillaume Erner, en direct sur France Culture
Vendredi 15. Les conditions d'un échange entre Emmanuel Macron et une
soixantaine d'intellectuels sont rendues publiques : le débat, qui
a eu lieu à l'Elysée, était modéré par Guillaume Erner, producteur des
"Matins" de France Culture. Il a débuté à 18h20 pour se terminer.... à
une heure indéterminée. (2H40 NDLR) Le débat était organisé autour de
grandes questions fondamentales telles que le climat, les inégalités,
les nouvelles formes de démocratie, l’Europe…
Interrogé sur France Info ce vendredi matin, Guillaume Erner a détaillé
la manière dont l'événement avait été organisé. Sur les invités,
choisis par l'Elysée, il a estimé "qu'ils représentent un très large
spectre des intellectuels français, qui a permis je l'espère un
dialogue intéressant sur l'état de la France".
19 Mars 2019
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