L'Afrique, l'arc-en-ciel et les miracles du football
Par AFP
Au moment du coup
d'envoi du premier match de la Coupe du monde de football 2010, le pays
organisateur, l'Afrique du Sud, peut déjà être crédité d'une
démonstration éclatante. Ses stades, qui avaient alimenté tant de
doutes, y compris ceux de la FIFA, ont été terminés à temps. L'ambiance
est brûlante, sur fond d'unanimité nationale. Toute l'Afrique du Sud,
noire, blanche, riche, pauvre, semble souffler dans la même vuvuzela,
la trompette en plastique qui, il y a quelques mois encore, était
l'objet de critiques si féroces.
Ces jours derniers, en Afrique du Sud, on a vu danser dans les rues
toute une nation portant le maillot canari de l'équipe nationale. Cette
marée jaune est déjà inscrite dans un registre historique par les
responsables sud-africains. Zwelinzima Vavi, le secrétaire général de
la Cosatu, la puissante centrale syndicale, affirme qu'est arrivé "le
plus beau jour, de loin, pour l'Afrique du Sud, depuis le 27 avril
1994". Ce jour-là, avaient eu lieu les premières élections
démocratiques multiraciales du pays, sacrant la fin de trois siècles de
ségrégation et de souffrances, et entérinant la fin de l'apartheid.
Une telle transition, pour s'effectuer, avait besoin d'inventer ses
propres mythes, et c'est ainsi que fut créé, notamment, celui de la
nation "arc-en-ciel".
Ce mythe a-t-il encore un sens ? L'Institut pour la justice et la
réconciliation (IJR) a établi qu'en 2009 seulement 49 % des habitants
du pays estimaient que les relations raciales s'étaient améliorées
depuis la fin de l'apartheid. La vie des Sud-Africains est loin d'être
faite seulement d'interrogations sur les relations entre les Blancs et
les Noirs. C'est même la grandeur de la période commencée en avril 1994
que d'ouvrir le pays à d'autres formes de préoccupations.
Pourtant, le pays de Nelson Mandela est en proie au doute. Les mythes
de la transition sont en voie d'essoufflement. Comment réinventer les
rêves nécessaires, tout en changeant la réalité ?
Le mois de compétitions qui s'annonce aura-t-il le pouvoir de raviver
par l'euphorie collective le sentiment d'appartenance à la nation,
cette communauté imaginée ? L'Afrique du Sud veut le croire, avec une
intensité qui force l'admiration. Ces espoirs vont à présent être
confrontés aux cahots, petits ou grands, qui accompagnent les grandes
manifestations sportives. Puis la fête prendra fin, et l'Afrique du Sud
devra regarder en face ses problèmes. Pauvreté. Chômage. Violence. Sans
parler de la difficile question du rapport avec les immigrés.
Ce sont les problèmes de l'Afrique en général. Et, pourtant, si cette
Coupe doit avoir un mérite autre que sportif, c'est celui de renouveler
le regard sur le continent africain. L'Afrique progresse. Elle est en
pleine croissance. Elle attire l'investissement international, souvent
du Sud émergent - de la Chine, de l'Inde, du Brésil. En ce début de
XXIe siècle, elle va mieux.
L'Afrique du Sud nous a appris à croire aux "miracles", même rêvés. La
leçon vaut pour tout le continent.
Juin
2010
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