Quand la musique change le monde
Par Dana Da Silva
Vous
arrive-t-il d’écouter une chanson et de vous sentir ému jusqu’aux
larmes ? Avez-vous jamais été à un concert qui a fait d’une misérable
journée le plus beau jour de votre vie ? Avez-vous jamais entendu une
chanson qui vous ait inspiré ? La musique a le pouvoir de nous émouvoir
et de nous transformer. Pourtant, la musique actuelle semble, pour une
large part, ne plus avoir les mêmes effets mobilisateurs, la même
influence sur les sociétés que par le passé.
Les
sentiments pacifistes de compositeurs comme l’Américain Bob Dylan sont
devenus aujourd’hui beaucoup plus rares. Les textes anti-apartheid et
provocateurs d’artistes comme la Sud-africaine Miriam Makeba ou le
Nigérian Fela Kuti ont laissé la place à des textes qui prônent une vie
facile d’opulence et de plaisirs.
Avec les nouvelles technologies, la musique a pris une part encore plus
grande dans nos vies. Cependant on voit de moins en moins de gens
descendre dans la rue avec des pancartes pour protester en réaction aux
messages qu’elle diffuse. Il existe toutefois des musiciens qui
continuent d’espérer que leurs paroles inspirent des changements.
Connu dans le monde entier, Youssou N’Dour n’a cessé de défendre la
paix dans son pays, le Sénégal. Sa musique a accompagné d’importantes
campagnes de mobilisation, notamment les programmes de prévention du
paludisme. La musique d’Oliver Mtukudzi a permis d’initier un dialogue
et une prise de conscience autour du VIH/sida dans son pays, le
Zimbabwe. Au Bénin, l’ambassadrice de l’UNICEF, Angélique Kidjo, fait
une large part aux questions sociales dans les textes qu’elle écrit,
sur la faim, les sans-abris, le sida et l’injustice.
Une musique porteuse de message
La musique est un partenaire idéal pour le progrès social. En Afrique,
plusieurs ONG, groupes musicaux et activistes politiques s’efforcent de
faire bouger les choses grâce à la musique.
Le Sigauque Project est un groupe installé à Maputo, au Mozambique,
dont les compositions cherchent à faire prendre conscience des
problèmes et à provoquer des changements dans le pays. Il est influencé
musicalement par le mbalack sénégalais, l’Afrobeat nigérian et la
marrabenta du Mozambique. L’usage de musiques enregistrées initialement
à travers toute l’Afrique et interprétées, par le groupe, lui donne une
identité panafricaine unique. Les deux chanteurs du groupe, accompagnés
par une section de cuivres, une basse vibrante et des percussions très
rythmées, produisent des morceaux inspirés du jazz notamment, qui font
danser le public toute la nuit et leur permettent de bien faire passer
leurs messages.
« Aujourd’hui, certaines chansons parlent de filles, d’argent et de
grosses voitures. Il n’y a pas si longtemps, l’Afrique chantait de la
musique engagée qui prenait position sur les agissements des
gouvernement, sur la corruption, sur des questions importantes »,
déclare le leader de Sigauque Project, le trompettiste Daniel Walter. «
Notre musique parle du VIH, des droits des femmes, de la survie après
une catastrophe, de la xénophobie et de beaucoup plus. Ce n’est pas
seulement de la très bonne musique, nous avons quelque chose à dire. »
La musique en faveur de l’évolution sociale
La plupart des morceaux interprétés par le Sigauque Project ont été
produits par les productions CMFD (Community Media for Development),
qui enregistrent des musiques et des projets radio en faveur de
l’évolution sociale. Le projet Musiciens contre la xénophobie a
rassemblé des musiciens du Mozambique, de l’Afrique du Sud et du
Zimbabwe dans le but de produire quatre chansons contrela
discrimination.
En Afrique du Sud, les immigrés qui constituent une part importante de
la population, se heurtent à la discrimination et au harcèlement.
« Bien des gens ignorent que ces choses se passent », explique
Machotte, un saxophoniste du Mozambique. « Grâce à cette musique, nous
pourrons peut-être faire en sorte que les gens soient au courant et
réfléchissent au problème.»
Le CMFD produit aussi d’autres chansons pour des programmes radio. La
plus récente, « Ville affamée », accompagne un documentaire et un
feuilleton radiophonique sur la crise de la sécurité alimentaire dans
les villes d’Afrique australe. Une autre chanson évoque les inondations
au Mozambique et accompagne un feuilleton radiophonique sur la
reconstruction du pays après les inondations de 2013.
La musique comme plateforme
La musique tient une place importante dans la culture populaire. Elle
divertit et constitue une excellente plateforme de discussion sur
l’évolution sociale. Les concerts ont un impact particulier, étant
donné que les artistes ont la possibilité de s’adresser directement à
un large public. Les messages sociaux ne peuvent s’incruster que s’ils
sont acceptés par un grand nombre de personnes qui sont plus
susceptibles d’accepter ces messages si leurs camarades font de
même.
La musique est un moyen de transmettre des messages et des idéaux
importants dans l’espoir qu’ils seront vraiment entendus et que le
public tentera de provoquer des changements sociaux, politiques et
économiques.
Lorsqu’on lui demande quels pourraient être les futurs emplois de la
musique, Daniel Walter est plein d’enthousiasme. « Dans de nombreux
pays africains aujourd’hui, la démocratie n’est qu’un mot : critiquer
le gouvernement peut réduire vos chances d’avenir. La musique aura, à
mon avis, un rôle important dans les prochaines années, avec beaucoup
de messages populaires. »
Alors, la prochaine fois que vous aurez envie de changer les choses, pourquoi ne pas écrire une chanson ?
5 Février 2014
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