Exit la technologie: il faut remettre l'humain au coeur de l'expérience
Par Louis-Félix Binette et Geneviève Dupuis, de f. & co.
La
conférence Boomerang fait état des dernières tendances dans le monde du
web et des affaires; Louis-Félix Binette et Geneviève Dupuis, de f
& co, livrent ici leur analyse.
Certains
ont sourcillé, le 3 avril dernier, quand le Grand Créa 2014 a été remis
à l'application Marche ta poutine, conçue par Lg2 pour la chaîne
de restauration rapide Valentine. Les échanges de la conférence
Boomerang semblent pourtant donner raison au jury du concours
des prix de la pub au Québec: la clé de la relation entre marques
et clients est plus que jamais dans les mains (et les poches!) du
consommateur.
Exit les coûteux messages télé! Les gens ne les écoutent plus, de
toutes façons, comme l'a habilement illustré Nick Parish, éditeur de
Contagious. Ils lèvent à peine les yeux de leurs appareils portables
pour voir ce qui s'y passe. Pourtant, souligne-t-il, les annonceurs
continuent de payer le plein prix, même pour une part minime de
l'attention. Les consommateurs sont plus préoccupés par les
conversations auxquelles ils participent, en temps réel, sur Twitter
comme ailleurs. Sylvain Carle, évangéliste techno pour le fameux réseau
social, insiste: le focus de Twitter reste sur l'utilisateur et sur ses
tweets, «c'est la version humaine des signaux qu'échangent les machines
entre elles». Faites-vous partie de la conversation?
Exit aussi l'obsession démesurée des interfaces. Les solutions d'avenir
ne se trouvent pas dans les prouesses technologiques ni
artistiques, mais dans la capacité des marques de s'intégrer le plus
naturellement possible dans la vie des consommateurs. Pour le designer
UX Golden Krishna, la meilleure interface utilisateur
reste l'absence totale d'interface. Sur Twitter
(https://twitter.com/thebrendans/status/461870482673778688), on
suggérait même de parler de HX: l'expérience humaine. La fièvre de
l'internet des objets dans les milieux geeks sera de bien courte durée
si l'on échoue à y intégrer efficacement l'humain.
Quelle est donc la place de l'utilisateur dans le design de cette
expérience? Lui imposer une navigation supplémentaire juste parce qu'on
veut cocher la case mobilité dans notre stratégie risque plus de
l'aliéner que de le fidéliser. Aucun consommateur n'a absolument besoin
de naviguer les fonctions d'une application mobile pour vivre, mais ils
auront toujours besoin de se déplacer, en voiture ou à pied, de
s'habiller et de manger. La technologie ne peut devenir une fin en soi,
un obstacle entre l'utilisateur et la satisfaction de ses besoins. Les
marques qui gagneront seront celles qui sauront s'intégrer le plus
simplement possible dans ces routines, les faciliter.
Même quand on parle de big data et de smart city, c'est à nos risques
et péril que l'on fait fi de l'humain à qui, ultimement, l'on souhaite
s'adresser. Malgré tous les efforts, l'application Montréal métropole
numérique, présentée par Lidia Divry, manquait à cet égard une sérieuse
dose d'humanité. Que ce soit dans l'amélioration des conditions de vie
dans la ville par la connectivité et l'intégration des services, ou
dans une tâche toute simple comme se procurer un livre ou un vêtement
en ligne, le designer doit se mettre dans la peau de l'utilisateur,
l'observer attentivement, avec empathie, jusque dans son emploi
des prototypes.
Les données numériques peuvent apporter un soutien à ce chapitre, mais
toujours faut-il qu'elles soient significatives. Catherine Bourbeau et
Marie-Nathalie Poirier, respectivement anthropologue et stratège
numérique de Telus, parlent d'une évolution plus humanisée de
l'analyse de big data, où l'on couplerait des méthodes de recherche
quantitatives et qualitatives afin d'atteindre un haut niveau de
validité. Elles nomment cette approche full data. Aucune analyse
déshumanisée de chiffres sans contexte, peu importe la complexité de
outils, ne battra une sélection judicieuse des données porteuses de
sens, qui facilitent un storytelling ancré dans la réalité ou, mieux,
la création d'expériences mémorables.
Dans le magasinage de l'avenir, où l'on cherche à développer des
expériences fluides entre le réel et le virtuel, le design et la
localisation des boutiques physiques constituent un élément
central de la stratégie, si mobile soit-elle! On ne peut plus, en cette
ère de la mobilité, envisager la communication-marketing en silo,
insistent Nicholas Rousseau, directeur du marketing de Valentine,
et Alexis Robin, directeur interactif de Lg2. Les moments les plus
importants de la stratégie mobile n'arrivent pas quand les gens
regardent leurs petits écrans, mais quand ils ont envie de nos
produits, en parlent, les consomment! Ces deux-là étaient d'ailleurs
surtout fiers des fonctionnalités qu'ils avaient retirées de
l'application pour préserver sa simplicité et laisser les consommateurs
se concentrer sur ce qu'il y a de plus important dans la vie: marcher
et savourer leur poutine en paix... avec Valentine en tête!»
3 Mai 2014
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