Reggae : Tiken Jah Fakoly lance son «dernier appel» pour l'Afrique
Propos recueillis par Marie Poussel
Nous
l'avons rencontré seulement quelques heures après qu'il a atterri de
Bamako, la ville qui l'a adopté. Tiken Jah Fakoly vient de rentrer en
France pour défendre son nouvel album, son «Dernier Appel». Toujours
aussi engagée, la star africaine part sur la route des festivals à la
rencontre de ses nombreux fans. Avec le même leitmotiv : exhorter les
pays africains à s'unir.
Sa
musique n'est qu'un énième moyen. A 45 ans, cet humaniste mélange
comme jamais ses influences musicales, à la fois reggae et africaines
dans un huitième opus qui pourrait bien être le plus abouti de sa
carrière.
Votre nouvel album «Dernier Appel» vient de sortir, pouvez-vous nous en dire plus sur vos inspirations ?
Tiken Jah Fakoly. C'est un appel urgent à l'union des pays
africains au moment ou l'Afrique est très sollicitée par la Chine, les
Etats-Unis, par l'Europe, par tout le monde. Si nous restons divisés,
nous ne pourrons pas profiter de tout çà. Dire aux Africains que si on
est unis, on peut gagner tous les combats. C'est important de lancer
maintenant ce mouvement, planter cette graine et l'arroser. Nos
enfants viendront cueillir les fruits. La Côte d'Ivoire est le premier
producteur de cacao. Tous les chocolats qui se trouvent dans les
supermarchés, il y a 40 % qui viennent de la Côte d'Ivoire.
La Ghana produit 20 % de production mondiale de cacao.
L'Afrique seule produit 80 % du chocolat consommé dans le
monde entier. Sans parler du café, du coton, l'or, le
diamant... L'Afrique a tout le potentiel. Les 54 pays
ensemble (avec le Soudan du Sud) pouvons poser nos conditions. Pas
si nous sommes divisés. Et les gens seront obligés de respecter nos
conditions. C'est tout ce que j'ai voulu mettre dans cet album.
Vous avez fait un pause
entre «African Revolution» et ce nouvel album pour cultiver la terre,
pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
J'ai consacré mon année 2013 à l'agriculture, le but était de
valoriser le métier d'agriculteur. Tous les jeunes qui cultivaient
partent aujourd'hui dans les grandes villes. Et ceux qui sont dans les
grandes villes partent dans les pays occidentaux. L'exode rural
nuit donc beaucoup au développement de l'Afrique. On doit être fier
d'être agriculteurs. Le but, c'était de faire passer ce message.
J'ai grandi dans un village de trois cents personnes, j'allais aux
champs tous les week-ends. Mon grand oncle qui était paysan, arrivait à
nourrir avec seulement deux francs (30 centimes d'euros, ndlr) il
nourrissait quinze personnes car il y avait tout à la
maison. Aujourd'hui, c'est impossible car le riz vient de la
Chine, il n'y a plus de piment...
Et vous revenez à la musique pour faire passer ce message...
Oui, cela toujours été un moyen. Il faut y croire. Martin Luther
King avait un rêve. Cinquante après on peut dire que ce rêve s'est
réalisé. A la Maison blanche, il y a un Noir d'origine africaine et la
Première dame est descendante d'esclave. Ceux qui ont combattu pour
obtenir la Sécurité Sociale en France n'en ont pas directement
bénéficié, ce sont leurs enfants et leurs petits-enfants qui en ont
profité. Si je reviens a la musique, c'est pour planter cette
graine de l'unité africaine.
Musicalement il y a une base reggae mais aussi des nouvelles influences...
Oui, il y a une touche de plus. Nous avons utilisé une dizaine
d'instruments traditionnels africains. On ne fera jamais mieux le
reggae que les Jamaïcains et que Bob Marley. Mais on peut donner
longue vie au reggae... S'il reste le même il peut être monotone, mais
en rajoutant tous ses instruments traditionnels, cela donne une
nouvelle couleur reggae et d'attirer un nouveau public. Les
Jamaïcains sont aujourd'hui arriver à la limite de ce style. Mais
les Jamaïcains ont été arrachés de l'Afrique historiquement. On
s'est toujours dit qu'ils ont eu le temps de prendre le reggae dans
leurs sacs (rires). Bob Marley a dit « un jour le reggae va retourner à
la source et à ce moment là, il prendra sa vraie place ». Aujourd'hui,
cette grande prophétie s'est concrétisée. Non seulement, il est
revenu à la source mais il a pris sa vraie place.
«Dernier Appel», Barclay, Universal. En concert à Barcelonnette au
festival des Enfants du Jazz, le 24 juillet ; à Bagnols-sur-Cèze
au Garance Reggae Festival, à Bordeaux au Reggae Sun Ska le 3 aout...
7 Juillet 2014
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