Robert Badinter : «Les terroristes nous tendent un piège politique»
Par Laure BRETTON
Après l'attentat, l'ancien garde des Sceaux de François Mitterrand en appelle à la justice..
Robert Badinter, ancien ministre socialiste de la Justice, réagit à l’attaque contre «Charlie Hebdo».
«Devant un tel crime, préparé et exécuté de sang-froid, c’est d’abord
aux victimes que pense chacun d’entre nous. Policiers assumant le
risque quotidien auquel les expose leur devoir, journalistes réunis
pour accomplir leur mission d’information, sans laquelle la démocratie
serait étouffée. Ces journalistes-là sont morts pour nous, pour nos
libertés qu’ils ont toujours défendues. Sachons nous en souvenir.
L’émotion nous saisit aussi à la pensée de leurs familles, de leurs
proches, que le crime frappe au cœur par ricochet et qui vivront
désormais comme des invalides, amputés de l’être humain qui était une
part d’eux-mêmes.
«Au-delà du chagrin et de la pitié s’inscrit le devoir de justice. Nous
sommes assurés que les pouvoirs publics mettront tout en œuvre pour
identifier et arrêter les auteurs de ces crimes. A la justice de
décider de leur sort, en toute indépendance et dans le respect de
l’Etat de Droit. Ce n’est pas par des lois et des juridictions
d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un
piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties. Celles qui y ont
cédé n’ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup perdu en
termes de liberté et parfois d’honneur.
«Enfin, pensons aussi en cette heure d’épreuve au piège politique que
nous tendent les terroristes. Ceux qui crient "allahou akbar" au moment
de tuer d’autres hommes, ceux-là trahissent par fanatisme l’idéal
religieux dont ils se réclament. Ils espèrent aussi que la colère et
l’indignation qui emportent la nation trouvera chez certains son
expression dans un rejet et une hostilité à l’égard de tous les
musulmans de France. Ainsi se creuserait le fossé qu’ils rêvent
d’ouvrir entre les musulmans et les autres citoyens. Allumer la haine
entre les Français, susciter par le crime la violence
intercommunautaire, voilà leur dessein, au-delà de la pulsion de mort
qui entraîne ces fanatiques qui tuent en invoquant Dieu. Refusons ce
qui serait leur victoire. Et gardons-nous des amalgames injustes et des
passions fratricides.».
9 Janvier 2014
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