Quelle politique africaine pour la France en 2012 ?
Par Thomas Mélonio
Thomas
Mélonio interroge les aspects les plus symboliques de la politique
africaine de la France : comment parler de nos histoires respectives ?
Faut-il conserver des bases militaires en Afrique ? Autant de sujets
épineux à trancher avant l’élection présidentielle de 2012.Cinq
décennies n’auront pas suffi à solder le passif, hérité de la
colonisation, des relations entre l’Afrique et la France. Dans un
étrange mouvement de flux et de reflux, la « Françafrique » souvent
donnée pour morte semble régulièrement renaître de ses cendres et la
France succomber épisodiquement aux attraits de prestige ou de
nécessité d’une politique d’influence pourtant dépassée. Alors que le
contexte international a profondément évolué depuis l’accession des
pays africains à l’indépendance, quelle vision des rapports entre la
France et l’Afrique la gauche peut-elle porter ?
Thomas Mélonio, responsable de l’Afrique au secteur international du
Parti socialiste, offre ici un examen de la politique africaine
actuelle de la France pour en tirer des leçons programmatiques dans
l’hypothèse d’un retour de la gauche au pouvoir en 2012. Loin de
rejeter en bloc les évolutions de cette politique, il l’examine avec
nuance mais s’attarde sur les points qui pourraient en être améliorés.
Pour reconstruire une relation partenariale équilibrée entre la France
et l’Afrique, il faut commencer par affirmer clairement un socle de
principes et de valeurs. C’est d’abord l’histoire qu’il faut interroger
: celle de l’Afrique est multiple et il faut savoir reconnaître la
diversité de ses destins, des espoirs qui peuvent y être cultivés comme
des maux qui viennent menacer le développement de certains de ses pays.
Mais aussi l’histoire d’une relation complexe qu’entretient la France
avec l’Afrique, marquée par les traumatismes de la décolonisation et
les indépendances. Cette relation renvoie en France à des enjeux de
politique intérieure sensibles : il faut donc définir un discours
susceptible d’en porter toutes les dimensions et qui évite le double
écueil de l’autoflagellation et de la glorification de la colonisation.
Sur le plan de la démocratie et des droits humains, la France doit être
capable de repenser son rôle d’accompagnement des mouvements de
démocratisation sans pour autant renouer avec les ingérences coupables
du passé. La France a trop souvent pris acte de coups d’Etat ou failli
à manifester ses réserves quant aux régimes en place. Le respect des
droits de l’Homme et l’existence d’un Etat de droit doivent devenir des
préalables indispensables à toute intervention. Pour continuer d’aider
les populations des pays dont nous questionnons la gouvernance, il
serait utile de développer la coopération avec les Organisations non
gouvernementales. Leur savoir-faire, leur connaissance du terrain et
leur réactivité méritent qu’on leur accorde un plus grand rôle dans les
dispositifs d’aide au développement dès lors que leur légitimité est
avérée. Les fondations politiques pourraient quant à elle se voir
apporter un soutien plus grand des pouvoirs publics français dans leur
démarche d’aide à la démocratisation.
Les politiques françaises développées en Afrique méritent également
d’être reconsidérées, notamment leur versant militaire : il est
nécessaire d’intégrer de plus en plus ces dispositifs dans les cadres
de l’Union européenne, non seulement pour mutualiser les coûts qu’ils
impliquent, mais aussi afin de diminuer le caractère sensible des
interventions militaires françaises dans d’anciennes colonies.
La coopération traditionnelle doit, enfin, laisser place à des formes
de partenariats plus modernes et plus lisibles. Les objectifs assignés
doivent être clarifiés et les canaux de l’aide plus transparents, la
relation de partenariat technique doit évoluer dans sa formulation et
répondre à une exigence de gestion plus collective des politiques de
coopération internationale.
L’ampleur du chantier que recouvre la rénovation de la relation de la
France à l’Afrique ne peut être épuisée dans un essai, mais les
quelques grands axes ici exposés permettent d’initier une réflexion
nécessaire, et qui devra être large et profonde en cas de victoire de
la gauche en 2012.
Octobre 2011 Retour au Développement
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