Algérie - Violence contre les femmes : la loi en cinq mots-clés
Par Hind Talha

Texte, détracteurs, partisans, limites, pionniers..., cinq mots-clés pour comprendre la nouvelle loi algérienne sur les violences contre les femmes.

Le texte

La loi veut défendre les femmes contre les violences de leur conjoint, et préserver leurs ressources financières des convoitises de celui-ci, perçu comme le chef de famille dans les sociétés traditionnelles. Ce texte, qui modifie et complète le Code pénal, introduit également la notion de harcèlement dans les lieux publics et celle de harcèlement moral conjugal. Il dispose que quiconque porte volontairement des coups à son conjoint, et en fonction des blessures, risque de 1 à 20 ans de prison avec la réclusion à perpétuité en cas de décès. Un autre article prévoit six mois à deux ans de prison pour "quiconque exerce sur son épouse des contraintes afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières".



Les détracteurs

Au sein de l'Assemblée nationale qui ne compte pourtant pas d'islamistes radicaux, des élus ont accusé le gouvernement de vouloir imposer des normes occidentales à une société musulmane. Le texte est "contraire aux préceptes coraniques et vise la dislocation de la famille", a estimé le député Naamane Belaouar de l'Alliance pour l'Algérie verte, une coalition de partis islamistes. Les députés d'une autre formation islamiste, El Adala, ont réclamé des lois mettant fin "au non-port du voile et à la nudité des femmes dans les lieux publics, cause principale des harcèlements", selon eux. Le député indépendant Ahmed Khelif estime, lui, que cette loi constitue une légitimation des relations extraconjugales. Selon lui, "il sera plus simple d'avoir une maîtresse que d'être marié et de courir le risque d'être poursuivi en justice pour n'importe quelle faute".

Les partisans

Face à ses détracteurs, le ministre de la Justice Tayeb Louh a affirmé que "les versets coraniques protègent l'honneur de la femme et ne permettent pas d'accepter ce phénomène" de violence contre elle. "La violence contre les femmes dans notre société existe et s'amplifie", a-t-il observé. Entre 100 et 200 femmes meurent chaque année de violences familiales, selon des statistiques parues dans la presse. Une situation alarmante pour Fouzia Sahnoun du Rassemblement national démocratique (RND) qui parle de "terrorisme familial". Plusieurs de ses consoeurs du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir) se sont félicitées de la nouvelle loi, saluant "une avancée" en termes de protection de la femme.



Les limites

En dépit des progrès enregistrés dans la législation, ses effets sont limités par l'introduction de la notion de pardon qui peut être obtenu avec des pressions familiales sur la victime. Dans le texte, le pardon de l'épouse met fin aux poursuites judiciaires dans les cas les moins graves, mais elles sont maintenues, bien qu'allégées, dans les plus graves. Soumia Salhi, féministe et syndicaliste, qui reconnaît une "avancée", souligne cependant que "la clause sur le pardon pose problème, car c'est une mise en échec de la parole des femmes et un message d'impunité aux auteurs des violences". "Dès lors que l'on introduit le pardon, la loi perd de sa substance", abonde Oujdane Hamouche du Front des forces socialistes (FFS). La juriste Nadia Aït Zai préconise de son côté le maintien de l'action publique contre les auteurs des violences même en cas de pardon de la victime. Enfin, Amnesty International estime que cette loi est "un pas en avant", mais s'"alarme" de "l'arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime".

Les pionniers

Avec cette loi, l'Algérie est le deuxième pays du Maghreb après la Tunisie à criminaliser les violences contre les femmes. Au Maroc, un projet de loi contre les violences faites aux femmes est à l'étude, mais fait l'objet de vifs débats. La ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social, Bassima Hakkaoui, du Parti de la justice et du développement (islamiste, au pouvoir) a dit espérer que cette loi verra le jour "d'ici la fin de cette année".



12 Mars 2015

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