Financer l’avenir de la planète
Par Tim Wall
Trouvera-t-on les milliards requis ?
Les Objectifs du Millénaire pour le développement arrivant à
échéance à la fin de cette année, les dirigeants mondiaux se réuniront
au siège des Nations Unies à New-York en septembre pour lancer le
programme de développement pour l’après-2015, qui repose sur des
Objectifs de développement durable (ODD). La mise en œuvre des ODD
devrait coûter des de milliards de dollars sur une période de 15 ans.
Pour tenter de résoudre ce problème, les dirigeants du monde vont se
réunir sur le financement du développement à Addis-Abeba en Éthiopie.
La troisième Conférence internationale sur le financement du
développement à Addis-Abeba débattra de la manière de financer
les objectifs de développement durable dont le coût a été estimé par la
Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
(CNUCED) à 2, 5 milliards de dollars par an sur les 15 prochaines
années. Aujourd’hui, parvenir à un niveau minimum de prospérité et de
bien-être tout en préservant la planète reste pour l’humanité le plus
grand défi à relever.
Les Objectifs de développement durable (ODD), établis par l’Assemblée
générale de l’ONU et qui doivent être approuvés en septembre, sont un
programme en 17 points sur 15 ans qui doit permettre de réaliser ce que
l'on pourrait qualifier d'Objectifs du Millénaire pour le développement
(OMD) auxquels viendraient s'ajouter la création de sociétés pacifiques
et ouvertes à tous , une capacité économique et l'apport
d'infrastructures . À ces besoins pressants s’ajoute la question
du changement climatique.
Ce n’est pas la première fois que les dirigeants de la planète
discutent du financement du développement (FdD) ni de la
manière de trouver des fonds pour financer des projets destinés à
améliorer la prospérité mondiale. Le premier sommet de l’ONU sur le
financement du développement s’est tenu à Monterrey au Mexique en 2002.
C’était à l’initiative des pays en développement dont la plupart
venaient de sortir de crises financières aiguës. En outre, les niveaux
de l’aide publique au développement (APD) avaient stagné après
avoir chuté brutalement à la fin de la guerre froide en
1992. Ces pays se demandaient d’où viendraient les
ressources pour financer leur développement étant donné la volatilité
extrême des flux financiers et la rareté de l’aide au développement.
La Conférence de Monterrey semble avoir apporté la réponse. Entre
2002 et 2015, l’APD a augmenté de deux tiers en valeur réelle à la
suite des engagements pris par les donateurs à Monterrey ; les
niveaux annuels de l’investissement direct étranger (IDE) ont
presque doublé, voire parfois quadruplé, les pays en développement en
recevant la majeure partie ; avec pour conséquence que la consolidation
de leurs finances les a mis à l’abri de sorte que la crise financière
mondiale suivante est venue des pays du nord et non du sud. Les
progrès en matière de réalisation des OMD se sont accélérés et le
taux de pauvreté extrême dans les pays en développement a pu être
réduit de moitié en 2010, cinq ans plus tôt que prévu, selon les
Nations Unies.
Cependant, la tâche qui attend la réunion d’Addis-Abeba est encore plus
ardue. À titre d'exemple, trois des huit OMD concernaient les besoins
de santé - enrayer la propagation du VIH/sida, du paludisme et autres
maladies mortelles, améliorer la santé maternelle et réduire la
mortalité infantile. Toutefois, le troisième ODD qui vise à permettre à
tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de
tous à tout âge dépasse à lui seul et de loin ces trois OMD
combinés. L’Objectif 3 se décline en 10 cibles dont une seule
concerne « l’accès à une assurance santé pour chacun, comprenant
une protection contre les risques financiers et donnant ’accès à des
services de santé essentiels de qualité et à des
médicaments et vaccins essentiels et d'un coût abordable.» Le
financement d’un tel but, à la différence d'efforts qui porteraient sur
la lutte contre une seule maladie ou le financement de campagnes de
vaccination, impliquerait très probablement la mise en œuvre de
systèmes d’assurance maladie financés par les assurés. Mais les revenus
et le pourcentage d’employés dans le secteur formel sont si faibles
dans les pays en développement qu’on ne devrait pas y arriver avant
d’avoir fait d’énormes progrès au niveau des ODD 1 (éradication de la
pauvreté) et 8 (croissance économique soutenue et partagée, et un
travail décent pour tous).
Pour atteindre cet objectif en matière de santé, il faudrait aussi
prendre en compte l’ampleur des infrastructures nécessaires, notamment
le nombre de cliniques, d’hôpitaux, de centres de formation, et
d’usines pharmaceutiques. Les financements de santé publics étant en
baisse après une série de réussites liées aux OMD, les grandes
entreprises du secteur de la santé devront considérablement accroître
leurs investissements. L’augmentation du revenu moyen permettra sans
doute d’augmenter les profits en favorisant l’établissement d’un marché
plus prospère.
Heureusement, de nombreuses entreprises du secteur médical,
soucieuses du développement durable (ce qui illustre bien le fait que
le bien-être social et environnemental a des répercussions positives en
matière d’opportunités et de stabilité commerciales), cherchent à
établir des partenariats entre secteur privé et secteur public.
Comme le montre l’exemple donné pour la santé, les efforts nécessaires
pour financer les ODD devront probablement être multiples. Il sera
indispensable d’établir des synergies entre les différents objectifs
car contrairement à la plupart des OMD, la réussite des ODD dépendra
explicitement des entreprises, de la société civile, des organisations
caritatives, des institutions scientifiques et universitaires, tout
autant que des gouvernements et de l’APD.
Plutôt que d’établir un budget chiffré des dépenses et de chercher à
l’équilibrer avec le même niveau de rentrées d’argent, « il est plus
utile de se demander quel genre de politiques aux niveaux national et
international peuvent générer des ressources pour le développement»
explique le directeur adjoint du Département de la stratégie et des
politiques du Fonds monétaire international (FMI), Sean Nolan, à
Afrique Renouveau.
Dans son rapport d’août 2014, le Comité intergouvernemental d’experts
sur le financement du développement durable de l’ONU a divisé
soigneusement les sources de financement en quatre catégories : fonds
publics d'origine intérieure, fonds privés d'origine intérieure,
capitaux publics internationaux et capitaux privés internationaux.
Voici les principales observations à noter sur ces quatre catégories :
Financement public intérieur :
Les impôts nationaux constituent un apport important pour le
développement. Mais les recettes fiscales des pays à faible revenu
représentent entre 10 à 14% du PIB, selon le rapport du Comité
d’experts, soit environ un tiers de moins que dans les pays à revenu
intermédiaire et beaucoup moins dans les deux cas que les 20 à 30% du
PIB obtenus dans les pays à revenu élevé.
Financement privé intérieur :
Les investisseurs institutionnels sont de plus en plus présents dans
les pays en développement et les fonds de pension dans les marchés
émergents gèrent 2 500 milliards de dollars d’actifs, d’après les
estimations citées dans le rapport. Lorsque ces fonds seront utilisés,
la difficulté sera de diriger les investissements aux bons endroits.
Financement international privé :
« On se rend compte que les entreprises multinationales procèdent à un
transfert de bénéfices», indique Sean Nolan du FMI. «Ces entreprises
essayent de profiter des tentatives que font certains pays pour attirer
l’investissement en rendant beaucoup plus attractif leurs régimes
fiscaux.» Les efforts faits par le G20 et d’autres pour s’attaquer aux
régimes d’imposition injustes pourraient permettre de récupérer des
ressources provenant des flux financiers illégaux.
Financement international public :
Le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement
économiques indique que l’APD a tourné autour de 130 à 135 milliards de
dollars entre 2010 et 2014, un niveau record. L’aide n’a pas plongé à
la suite de la crise économique mondiale comme on le redoutait. Mais
l’affaiblissement des économies et la résurgence de sentiments
nationalistes au sein du monde occidental pourraient signifier qu’une
limite a été atteinte. Il existe un risque que les pays en
développement se sentent trahis si les augmentations attendues ne se
concrétisent pas, ce qui pourrait compromettre les chances de
mise en œuvre des ODD.
Le rapport du comité d’experts et le projet de document pour le FdD
s’intéressent à un éventail de ressources, souvent sous-exploitées
alors qu’elles pourraient servir au développement, ainsi qu’à leurs
emplois possibles. Mais pour agir sur les bons facteurs il faudra
une ingénieuse coordination économique et politique. Ainsi les experts
s’inquiètent du fait que les ministres des finances et
participants officiels à la réunion de printemps des Institutions de
Bretton Woods aient demandé des informations sur les ODD à leur
arrivée, montrant qu’ils ignoraient presque tout de ces objectifs.
2 Juillet 2015
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