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L’urgence de concilier voyage et développement durable
Par LE MONDE | 31.08.2018 à 10h00 • Mis à jour le 31.08.2018 à 10h19 - Par Annie Kahn
L’impact
environnemental, social et sociétal du tourisme est au cœur des
Entretiens de Vixouze, consacrés au tourisme du futur, dans le Cantal,
les 6 et 7 septembre.
Les
messages incitant le voyageur à un comportement vertueux,
écologiquement parlant, pullulent désormais dans les établissements
touristiques. Dans les salles de bains d’hôtels, des affichettes
alertent le voyageur. « Pour ne pas gaspiller l’eau, seules les
serviettes déposées dans la douche seront remplacées », avertit
l’hôtelier. Tel autre organisateur se vante de « mettre tout en
œuvre pour réduire l’impact du client voyageur sur la planète ».
Mais que vaut cet affichage par rapport à l’impact global du tourisme
sur l’environnement ? Pas grand-chose. L’opérateur continuera de
proposer des vols multipliant par deux le nombre de kilomètres
parcourus, et donc les émanations de dioxyde de carbone, pour arriver à
destination, parce que, paradoxalement, c’est ainsi qu’il comprime
souvent le prix du trajet, et donc du voyage.
Si « 60 % des consommateurs se considèrent comme engagés dans
leur mode de vie et de consommation (…), les offres proposées par les
géants du tourisme en ligne ne traduisent que rarement leur quête de
sens », estime Laurent Bougras, directeur de la centrale de
réservation FairBooking dans Les Grandes Tendances du tourisme
d’aujourd’hui et de demain, du Cahier-tendances publié par le Welcome
City Lab, plate-forme d’innovation consacrée au tourisme urbain, la
Direction générale des entreprises (DGE), Paris & Co et la
Mairie de Paris. Les initiatives relevant du « tourisme équitable
et responsable » n’ont pas fait tache d’huile. Pour l’instant du
moins.
8 % des émissions de gaz à effet de serre
Or,
les dégâts provoqués par le tourisme jouent non seulement contre la
planète, mais aussi contre ce secteur économique même. Il est donc
vital de réconcilier les deux. Raison pour laquelle les Entretiens
internationaux du tourisme du futur, qui auront lieu du 5 au
7 septembre, au château de Vixouze (Cantal), et dont Le Monde est
partenaire, vont porter prioritairement sur les stratégies à définir et
les moyens à mobiliser pour un tourisme plus écologique à horizon
2030-2050.
Il y a urgence. L’empreinte carbone du tourisme a augmenté de 15 %
entre 2009 et 2013, pour atteindre 4,5 milliards de tonnes de CO2
émises, soit 8 % des émissions globales de gaz à effet de serre,
selon une étude réalisée par des chercheurs de l’université de Sydney
(Australie), publiée le 23 mai dans la revue Nature Climate
Change. Et les populations des pays les plus visités commencent à se
rebeller contre l’afflux de touristes perturbateurs.
Parallèlement, ce secteur pèse 10 % du PIB mondial et de l’emploi,
avec 292 millions de collaborateurs en 2017, selon le Conseil
mondial du voyage et du tourisme. Il est donc essentiel à l’économie,
et tant les responsables politiques que les entrepreneurs du secteur
souhaitent le promouvoir encore davantage. Les voyages internationaux
ont dégagé un chiffre d’affaires global de 1 137 milliards
d’euros en 2017, selon l’Organisation mondiale du tourisme. Et la
France reste le pays le plus visité au monde, avec une arrivée de
87 millions de touristes étrangers dans l’Hexagone en 2017,
selon la DGE. A ce chiffre, il faudrait ajouter les 120 millions
d’« excursionnistes », c’est-à-dire de personnes qui passent
une journée dans le pays, souligne Christian Mantei, directeur général
d’Atout France.
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« Tourismophobie »
Mais, les nuisances engendrées se retournent contre l’activité
elle-même. A terme, le réchauffement climatique ne pourrait-il pas
porter un coup fatal aux stations de montagne, tant l’hiver, quand les
canons à neige sont un pis-aller fort peu écologique, que l’été, quand
le réchauffement provoque chute de séracs et de pierres ? Que
deviendront les pays réputés pour leur ensoleillement quand les
températures atteindront des niveaux difficiles à supporter ?
Aux atteintes dues au dérèglement climatique s’ajoutent les
détériorations de sites et monuments, les déséquilibres sociaux et
sociétaux. Les habitants des régions visitées supportent de plus en
plus mal ces afflux de touristes pollueurs, bruyants, qui font monter
les prix des loyers au point que les résidents à l’année n’arrivent
plus à se loger dans la région qui les emploie.
Ce phénomène a désormais un nom : la « tourismophobie ».
Un mal qui sévit sur tous les continents : à Venise, à Barcelone,
en Grèce, mais aussi sur le site du Machu Picchu (Pérou) ou dans les
îles thaïlandaises, rappelle le cabinet de conseil McKinsey dans une
étude consacrée à la gestion de la surpopulation dans les destinations
touristiques. La tourismophobie a pour l’instant épargné la France,
observe M. Mantei. Mais, « d’ici à cinq ans, nous devrons la
gérer », ajoute-t-il.
Certains acteurs du secteur ont compris qu’il est nécessaire, voire
opportun, d’intégrer les impératifs de développement durable dans leur
stratégie. Des hôteliers utilisent les caractéristiques
pro-environnementales de leur établissement comme argument de vente.
Au Mob Hôtel de Saint-Ouen, en banlieue parisienne, le toit est ainsi
devenu un jardin potager entretenu par des habitants du quartier.
D’autres n’hésitent plus à mettre des dortoirs dans leur offre
d’hébergement, ce qui a pour avantage de réduire l’empreinte au sol par
lit proposé, tout en mettant sur le marché une offre à bas prix,
longtemps l’apanage des auberges de jeunesse. Quelques restaurateurs
surfent sur la vague bio, voire locavore. Mais ils restent très
minoritaires.
Il ne reste plus qu’à espérer du retour de bâton citoyen une incitation
à un développement durable du tourisme dont les acteurs œuvrent à faire
mieux connaître la planète Terre de ses habitants, où qu’ils soient.
Ce dossier a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec Les Entretiens internationaux du tourisme du futur.
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Août 2018
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