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Bilan préoccupant pour les espèces protégées en France
Par Gaëlle Dupont
La
France dispose, pour la première fois, d'une photographie de l'état du
vivant sur son territoire. Non pas de toutes les espèces animales et
végétales présentes sur son sol - un tel inventaire serait impossible
-, mais de la part la plus remarquable et la plus rare de son riche
patrimoine naturel. "Il y a plus d'espèces végétales dans le
département des Alpes-Maritimes que dans tout le Royaume-Uni", relève
Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l'Union mondiale
pour la nature (UICN).
Les
résultats de cette étude, pilotée par le Muséum national d'histoire
naturelle (MNHN) pour le compte du ministère de l'écologie, ont été
transmis à la Commission européenne, jeudi 28 février. Car c'est pour
répondre à une obligation communautaire, fixée par la directive sur les
habitats naturels de 1992, que la France s'est livrée à cet exercice.
Environ
200 espèces animales et 100 espèces végétales protégées ont été
étudiées, ainsi que 132 habitats naturels (lagunes côtières, prés
salés, dunes, etc.) qui sont le support de la vie des espèces. Les
oiseaux, qui font l'objet d'une directive spécifique, n'étaient pas
concernés.
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Seul le loup, réapparu dans les Alpes au début des années 1990, se porte bien.. |
Les bilans ont été effectués par aire géographique : atlantique, continentale, alpine et méditerranéenne. Une
couleur a été attribuée à chaque espèce et habitat : verte quand l'état
de conservation est favorable, orange quand il est "défavorable
inadéquat" (situation inquiétante mais réversible), rouge quand il est
"défavorable mauvais" (viabilité compromise), gris quand son état n'est
pas connu. Quelque 200 experts ont été mobilisés, toutes les données
disponibles rassemblées : un travail ardu, car les informations sont
difficiles à collecter, éparses et hétérogènes.
A première vue,
les résultats sont alarmants. En moyenne, 36 % des habitats et des
espèces sont classés en rouge, 29 % en orange, le reste se répartissant
entre le vert (20 %) et le gris. Mais cette lecture doit être nuancée.
"Ce n'est pas un inventaire exhaustif, mais une évaluation des espèces
protégées dans le cadre de la directive habitats, qui sont par
définition rares ou menacées, affirme Jacques Trouvilliez, directeur du
service du patrimoine naturel au Muséum. Il est normal que les
résultats ne soient pas très bons."
En outre, le mode de
notation a tendance à "tirer les résultats vers le rouge", explique la
direction de la nature et des paysages (DNP) du ministère de
l'écologie. Pour chaque espèce, quatre critères sont pris en compte :
l'évolution de l'aire de répartition ; l'état des effectifs ; l'état
des habitats de l'espèce ; ses perspectives futures. Il suffit qu'un
seul de ces critères soit classé en rouge pour que l'espèce le soit
également. A l'inverse, il faut au moins trois verts pour que son état
soit jugé favorable.
Le résultat global est donc préoccupant, sans être catastrophique. "Il y a peu de cas désespérés", commente la DNP. Ce
sont les espèces et les habitats des régions montagneuses, les plus
préservés des activités humaines, qui sont les moins fragilisés. Le
loup, par exemple, réapparu dans les Alpes au début des années 1990, se
porte bien. En revanche, la biodiversité des régions atlantique et
continentale est en piètre état. Or ces régions couvrent la majeure
partie du territoire. Plus de la moitié des habitats et des espèces y
sont classés en rouge.
Globalement, les espèces liées à l'eau
sont les plus mal en point. Les habitats côtiers et marins, les dunes,
les tourbières et les habitats d'eau douce sont également dégradés. Ce
sont les activités agricoles et forestières qui contribuent le plus à
la perte de biodiversité, par la transformation de prairies en cultures
de céréales, la destruction des haies, le drainage des marais, la
pollution par les fertilisants et les pesticides, l'appauvrissement des
peuplements forestiers. L'urbanisation et la fragmentation des habitats
par les grandes infrastructures, qui détruisent les écosystèmes ou
empêchent leur bon fonctionnement, constituent la deuxième grande
menace.
Cet inventaire doit guider la politique de protection de
la nature. "Il nous aidera à déterminer les politiques prioritaires",
précise la DNP. Il servira également d'étalon, car cet exercice
d'évaluation sera renouvelé tous les six ans.L'enjeu est de préserver
un patrimoine pour sa valeur propre - comme l'est le patrimoine
historique -, mais aussi pour les services rendus à l'humanité par les
écosystèmes qui le composent : fourniture d'eau, d'alimentation, de
vêtements, d'énergie, de matériaux, de plantes utilisées en médecine ou
d'espaces de loisirs, épuration des pollutions ou protection contre les
crues. .
Avril 2009
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