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L’acidification
des océans aura d’importantes conséquences pour la biodiversité
Par Stéphane Foucart
Le fait est encore relativement méconnu du
grand public : le changement climatique n’est pas la seule
conséquence des émissions humaines de dioxyde de carbone (CO2).
Celles-ci sont aussi responsables de l’acidification des océans,
phénomène qui aura des conséquences importantes sur la biodiversité
marine d’ici à la fin du siècle.
Une trentaine de spécialistes internationaux de biologie marine ont
conduit une synthèse des connaissances sur le sujet, rendue
publique mercredi 8 octobre à Pyeongchang (Corée du
Sud), au cours de la 12e Conférence des parties à la Convention
sur la diversité biologique.
Les auteurs rappellent d’abord que le phénomène ne se réduit pas à une
prévision pour l’avenir, mais qu’il est d’ores et
déjà mesurable. « Par rapport à la période préindustrielle,
l’acidité des océans a augmenté d’environ 26 % »,
écrivent-ils. Le lien entre ce phénomène, qui tend à rendre les eaux de
surface de plus en plus corrosives, et les émissions anthropiques de
CO2 est sans équivoque. « Au cours des deux derniers siècles,
l’océan a absorbé un quart du CO2 émis par les activités
humaines », estiment les scientifiques.
ACIDIFICATION
INÉDITE DEPUIS CINQUANTE-SIX MILLIONS D’ANNÉES
Si les émissions humaines se poursuivent au rythme actuel, préviennent
les chercheurs, les océans verront « leur acidité augmenter
d’environ 170 % par rapport aux niveaux préindustriels d’ici à
2100 ». Selon des travaux publiés en 2012 dans la revue Science,
le phénomène actuel est d’une amplitude inédite depuis cinquante-six
millions d’années et se produit à une rapidité jamais vue depuis trois
cents millions d’années.
« Il est désormais inévitable que dans les cinquante à cent
prochaines années, la poursuite des émissions portera cette acidité à
des niveaux qui auront des impacts à grande échelle, essentiellement
négatifs, sur les organismes et les écosystèmes marins, ainsi que sur
les biens et les services qu’ils prodiguent », annonce le rapport.
« Par rapport aux précédents travaux de synthèse conduits sur le sujet
qui traitent souvent des effets sur des organismes particuliers, nous
nous sommes cette fois intéressés aux effets plus larges sur la
biodiversité, ce qui est un exercice bien plus complexe », précise
Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche du Centre national de la
recherche scientifique (CNRS) au Laboratoire océanographique de
Villefranche-sur-mer et coauteur du rapport.
LES
MOLLUSQUES ET CORAUX TOUCHÉS
Les créatures les plus vulnérables à cette réduction rapide du pH des
eaux de surface de l’océan sont connues. Ce sont celles
constituées d’une structure calcaire ou d’une coquille — mollusques,
coraux, certains phytoplanctons, etc. Selon le rapport, les
foraminifères (organismes planctoniques) et les ptéropodes
(mollusques planctoniques) sont parmi les plus fragiles et
« verront probablement une calcification réduite, voire une
dissolution dans les conditions projetées pour le futur ». Au
contraire, même dans de telles conditions, « les phytoplanctons
non calcaires, comme les diatomées [microalgues unicellulaires],
peuvent montrer une capacité accrue à la photosynthèse ».
L’acidification des océans semble déjà avoir un impact sur
l’aquaculture dans le nord-ouest des Etats-Unis, selon le rapport, qui
relève notamment des « fortes mortalités » dans les
exploitations ostréicoles.
INCERTITUDES
POUR LA FIN DU SIÈCLE
Pour l’avenir et à l’horizon de la fin du siècle, les incertitudes sur
les conséquences du phénomène sont considérables, d’autant plus qu’il
n’existe aucune situation analogue dans le proche
passé. Les auteurs du rapport se sont donc penchés sur des
observations conduites dans de petites zones de l’océan où des
sources naturelles de carbone portent l’acidité des eaux à des niveaux
semblables à ceux attendus pour la fin du siècle.
« En Méditerranée, l’étude d’une zone proche du Vésuve soumise à un pH
comparable à celui attendu pour 2100 suggère une baisse de
70 % de la biodiversité des organismes calcaires, explique
M. Gattuso. Et une chute de quelque 30 % de la diversité des
autres organismes. » D’autres travaux menés en
Papouasie-Nouvelle-Guinée montrent, dans des conditions d’acidité
semblables une forte prolifération des algues non-calcaires et une
réduction d’environ 40 % de la biodiversité des coraux.
Or, comme le note le rapport, les récifs coralliens
sont actuellement une source de revenus indirecte pour
environ 400 millions de personnes, vivant majoritairement en zone
tropicale.
Ces travaux ne permettent toutefois pas de prévoir parfaitement
l’avenir. « En étudiant ces zones, on ne tient pas compte de
l’augmentation de la température attendue pour la fin du siècle,
prévient le chercheur. Si l’on tient compte du réchauffement en
plus de l’acidification, il est probable que les effets seront plus
importants encore, en particulier pour les coraux. » Impossible
d’avoir la moindre certitude quantifiée sur le devenir des écosystèmes
marins. « Il est clair que dans les prochaines décennies nous
allons sortir de ce que l’on nomme les planetary boundaries,
c’est-à-dire les bornes d’évolution naturelles de la planète »,
dit l’océanographe.
Comprendre le réchauffement climatique en 4... par lemondefr
8 octobre 2014
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