Une fondation scientifique à la rescousse de la biodiversité |
Par Eliane Patriarca
Dans la foulée du Grenelle de l'environnement, le gouvernement lance une instance pour coordonner la recherche scientifique sur la préservation du vivant. Elle associera chercheurs, ONG et entreprises.
Le réchauffement climatique et les menaces qu'il fait peser sur notre planète sont aujourd'hui bien connus du grand public. En revanche, l'autre grande menace environnementale majeure, la perte de biodiversité, reste négligée. Un retard que la fondation de coopération pour la recherche sur la biodiversité, lancée ce matin à Paris par Jean-Louis Borloo, ministre de l'Environnement, et Valérie Pécresse, ministre de la Recherche, doit combler.
Présentée au muséum national d'Histoire naturelle comme le «premier outil opérationnel du Grenelle de l'environnement», cette fondation réunit les huit grands organismes publics de recherche français (Cemagref, Cirad, CNRS, Ifremer, Inra, IRD, MNHN et BRGM), les grandes ONG environnementales et les entreprises. |
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Objectif: fédérer les forces dispersées par l'ampleur des champs scientifiques concernés par la biodiversité, mobiliser sur les enjeux de la préservation du vivant, «cruciaux et pourtant probablement parmi les plus difficiles à transmettre», a souligné Jean-Louis Borloo.
La fondation devra renforcer la coopération entre opérateurs de recherche, favoriser l'émergence d'une «écologie prédictive» sur les résultats de laquelle la décision politique pourra s'appuyer et «offrir un portail unique» à tous les acteurs concernés: ONG, collectivités locales ou entreprises.
Accélération
Il y a urgence. Selon le rapport de l'évaluation des écosystèmes pour le millénaire publié en 2000 par les Nations unies, 60% des services vitaux fournis à l'homme par les écosystèmes sont en déclin. Le rythme des disparitions d'espèces dans cette sixième grande phase d'extinction, imputable pour la première fois à l'activité humaine, est mille fois plus rapide qu'en situation naturelle. Ainsi, une espèce de mammifère sur quatre dans le monde est menacée, une surface de forêt équivalente à l'Angleterre disparaît chaque année...
En 2004, la France a adopté une stratégie nationale pour la biodiversité, avec l'objectif de stopper d'ici à 2010 l'érosion de la dioversité. Un objectif qui, selon Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux ( LPO), paraît inatteignable: «L'Arche du vivant prend l'eau, et on continue à écoper», a-t-il regretté, tout en se félicitant que les ONG n'aient pas été oubliées dans la composition de la fondation. «Sans les bénévoles, beaucoup de projets de recherche n'auraient pas été initiés», a souligné Allain Bougrain-Dubourg.
Astrophysicien et président de la ligue Roc pour la préservation de la faune sauvage, Hubert Reeves a de son côté insisté sur la nécessité de cette fondation: «Notre planète est unique, la seule habitable. Sa formation est une espèce de miracle qu'on n'explique pas encore, mais qu'il faut préserver. L'un des buts de cette fondation est de créer un lien entre les scientifiques dans leurs labos et le simple citoyen, parce que la disparition des insectes pollinisateurs est aussi grave que le réchauffement climatique. Mais, a-t-il prévenu en présence des ministres, il faut un financement raisonnable de l'Etat» pour que les objectifs de la fondation deviennent réalité.
6 millions d'euros
Hubert Reeves et les ONG, comme France nature environnement, qui réclamait aussi des moyens adéquats, ont-ils été convaincus par la présentation du plan de financement? Sur quatre ans, la fondation sera dotée d'un capital de 2,7 millions d'euros des huit organismes de recherche fondateurs, plus 3,3 millions d'euros apportés par les ministères de tutelle. Une équipe de 20 personnes issues de ces huit organismes sera mobilisée à plein temps pour la fondation. Ce qui ne correspond pas aux objectifs affichés lors du Grenelle: doubler les crédits alloués à la recherche sur la biodiversité.
Mais le gouvernement table aussi beaucoup sur les entreprises pour soutenir cette fondation. Jean-Louis Borloo a annoncé la création d'une équipe de «dix personnes dédiées au mécénat biodiversité» chargée de motiver les grandes entreprises.
Février 2008
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