Ce
qui paraissait improbable il y a encore quelques mois est en train de
se concrétiser, sans qu’on puisse à ce stade identifier ce qui pourrait
ramener M. Trump à la raison. Pourtant, toute une série de voyants
commence à clignoter. Les marchés financiers sont de plus en plus
nerveux. Il y a quelques jours, le président de la banque centrale
américaine, Jerome Powell, a alerté sur le fait que les entreprises
envisagent de reporter investissements et embauches. Alors qu’un tiers
des terres cultivées aux Etats-Unis sont destinées à produire pour
l’exportation, les agriculteurs américains, qui ont pourtant voté en
masse pour M. Trump, craignent de devenir les victimes collatérales de
ses foucades protectionnistes.
Contrairement à ce que le président américain affirme, il n’y aura pas
de vainqueur dans cet affrontement, comme l’anticipe la note publiée le
3 juillet par le Conseil d’analyse économique, qui parle
d’« avis de tempête sur le commerce international ».
Plusieurs scénarios sont envisagés, dont celui d’une « guerre
commerciale totale », qui entraînerait pour les Etats-Unis, la
Chine et l’UE un recul de 3 à 4 points de leur PIB. Les échanges entre
la France et le reste du monde, hors UE, s’effondreraient de 42 %,
avec un impact qui serait comparable à celui de la crise de 2008.
La situation est d’autant plus grave qu’elle échappe à toute
rationalité. Comme le résume le Prix Nobel d’économie, l’Américain Paul
Krugman, « les gouvernements étrangers ne peuvent pas réellement
donner à Trump ce qu’il veut, parce qu‘il leur demande d’arrêter de
faire des choses qu’ils ne font pas vraiment ». En fait, le
constat du président américain, basé sur des calculs de politique
intérieure, est erroné. Si les Etats-Unis accusent un déficit avec la
plupart de leurs partenaires commerciaux, c’est parce que les
Américains n’épargnent pas assez et vivent au-dessus de leurs moyens.
De ce point de vue, la réforme fiscale récemment adoptée par le
Congrès, en creusant dangereusement le déficit budgétaire, ne peut
qu’amplifier le phénomène.
Dresser des herses aux frontières n’améliorera rien et risque au
contraire de provoquer une réaction en chaîne inéluctable.
L’augmentation des droits de douane va nourrir l’inflation, que la
Réserve fédérale sera obligée de juguler en accélérant le relèvement de
ses taux d’intérêt, ce qui aboutira à faire chuter l’investissement et
la consommation. De façon irresponsable, Washington met en danger
l’économie mondiale. Si le point de non-retour n’est pas encore
atteint, il n’a jamais été aussi proche. La mauvaise nouvelle est que
le seul qui puisse arrêter cette folie est le président des Etats-Unis
le plus imprévisible de l’Histoire.
5 Juillet 2018
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