La
concentration des richesses entre quelques mains, en hausse
depuis 2009, a continué à augmenter l’an passé. Désormais,
26 personnes possèdent autant de richesses que la moitié la plus
pauvre de l’humanité, soit 3,8 milliards de personnes. Ils
étaient 43 en 2017. La fortune des milliardaires a augmenté
de 900 milliards de dollars en 2018, l’équivalent de
2,5 milliards par jour. Un enrichissement qui s’est fait aux
dépens des plus pauvres. La réduction de la pauvreté ralentit
depuis 2013, et l’extrême pauvreté s’intensifie même en Afrique
subsaharienne.
Choix politiques
«Ces inégalités ne sont pas une fatalité mais le résultat de choix
politiques», martèle Oxfam. Une fiscalité progressive, destinée à
financer des services publics universels et gratuits serait tout à fait
apte à réduire les écarts de richesses et leurs conséquences. «Dans les
années 2000, les inégalités de revenus ont connu un recul
phénoménal en Amérique latine, grâce à des Etats qui ont augmenté les
impôts pour les plus riches, relevé les salaires minimum et investi
dans la santé et l’éducation», rappelle le rapport. Aujourd’hui, «le
Danemark est le pays qui fait le plus pour réduire les inégalités, avec
des dépenses sociales, une fiscalité progressive, et un droit du
travail protecteur», explique Cécile Duflot, directrice d’Oxfam France.
Des services publics universels et de qualité ne sont pour autant pas
l’apanage des pays riches. Dès 2002, la Thaïlande a mis en place
un système de santé universel. En profitant à tous, mais surtout aux
plus pauvres à qui il ouvre l’accès aux soins, il réduit les inégalités.
«L’éducation publique est essentielle. C’est une première étape, elle
permet l’émergence d’une société civile qui va ensuite réclamer
d’autres droits, comme celui à la santé», poursuit Cécile Duflot. Les
dépenses destinées à l’éducation et à la santé publique sont les plus
efficaces pour réduire les inégalités comme la pauvreté. «L’existence
même d’écoles ou d’hôpitaux publics ne suffit pas, il faut aussi les
rendre accessibles», souligne la directrice d’Oxfam France. Ainsi un
raccordement au réseau d’eau courante va bénéficier à tous, mais plus
particulièrement aux femmes, à qui incombent les corvées d’eau.
Déchargées de ces heures de travail non rémunérées, les filles auront
le temps d’aller à l’école, et leurs mères l’opportunité de se
consacrer à d’autres tâches qui pourront leur fournir un revenu.
Une fois posée la question de l’efficacité des services publics dans la
réduction des inégalités, reste celle de leur financement. «Les taux
maximum d’impôt sur le revenu, les successions et les sociétés ont
diminué dans de nombreux pays riches, rappelle le rapport. Si la
tendance était inversée, la plupart des Etats auraient des ressources
suffisantes pour fournir des services publics universels.» Aux
Etats-Unis par exemple, le taux maximum d’impôt sur le revenu des
particuliers était de 70 % en 1980, alors qu’il n’est plus
aujourd’hui que de 37 %.
ISF et taxes sur la consommation
Ce sont les plus riches qui ont bénéficié de ces baisses généralisées.
«Pour chaque dollar de recette fiscale, en moyenne seulement
4 [centimes] proviennent de la fiscalité sur la fortune»,
interpelle le rapport. «L’argument toujours opposé aux hausses de la
fiscalité sur les plus riches est le risque d’augmentation de la fraude
fiscale. Mais c’est un leurre, assure Cécile Duflot. Les recettes de
l’ISF n’ont cessé d’augmenter depuis sa création. Les impôts élevés
mènent certes à plus de fraude mais surtout à davantage de recettes.
Les exilés fiscaux ne représentent que 0,2 % des assujettis à
l’ISF», détaille la directrice d’Oxfam France.
Les impôts tels qu’ils sont répartis aujourd’hui n’épargnent pas
seulement les riches. Ils pénalisent aussi les pauvres. «Depuis la
crise de 2008, le poids de la fiscalité a été transféré des
entreprises vers les ménages, l’augmentation nette des recettes
fiscales est attribuable aux impôts sur les salaires et aux taxes sur
la consommation comme la TVA», précise Oxfam. Ces taxes sur la
consommation, identiques pour tous, aggravent les inégalités
puisqu’elles pèsent plus lourdement sur le budget des moins riches. Si
on combine les différents impôts, on en arrive dans certains pays,
comme au Royaume-Uni, à des déséquilibres tels que les 10 % les
plus pauvres paient proportionnellement plus que les 10 % les plus
riches. Troisième fortune mondiale, le milliardaire américain Warren
Buffet lui-même a souligné que son taux d’imposition reste moins élevé
que celui de sa secrétaire. Laissant une immense marge de manœuvre aux
gouvernements qui seraient décidés à agir contre les inégalités.
21 Janvier 2018
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