Profits partout, justice nulle part
Par
Nicolas Cori
Après les excellents résultats de Total et ArcelorMittal hier (respectivement 12,2 et 7,5 milliards d’euros), ceux de BNP Paribas il y a quelques semaines (7,8 milliards), de nouvelles entreprises françaises du CAC 40 ont publié leurs bénéfices ces derniers jours. Premier constat, le cru 2007 risque encore une fois d’être exceptionnel (en dehors de la Société générale). Renault, aujourd’hui, affiche un bénéfice légèrement en baisse (à cause de sa filiale Nissan) à 2,7 milliards. Peugeot, hier, a fait 885 millions de résultat net (soit cinq fois plus qu’en 2006). Le bénéfice net de Sanofi a progressé de 1% à 7,1 milliards, etc.
Faut-il se plaindre de tous ces profits? L’argumentation de ceux qui répondent non est connue. En résumé, c'est: ce qui est bon pour les entreprises françaises est bon pour la France. On la trouve par exmple dans l’édito de jeudi de la Tribune, à propos des bénéfices de Total. "Pour que la France conserve une major pétrolière à ses couleurs, il est impératif que Total demeure aussi prospère que possible", explique ainsi Pascal Aubert, pour justifier l’absence de taxe exceptionnelle (idée de l’UFC-Que Choisir). Un raisonnement qui peut être reproduit pour toutes les entreprises.
La question centrale, selon moi, c’est plutôt : comment tous ces super-profits sont réalisés, et comment sont-ils employés ? Et là, la réponse est plus gênante pour les laudateurs des bénéfices. Car, pour parvenir à ces performances, il faut d’abord recourir à la modération salariale. Ensuite, cet argent gagné sert avant tout à augmenter les dividendes des actionnaires qui, eux, ne sont pour pas grand chose dans la performance (à moins, ce qui est assez exceptionnel, qu'on leur ait demandé de remettre au pot via une augmentation de capital). L'effort demandé pour obtenir ces profits et le redistribution de ces profits sont donc injustes.
Ce que dénonce d’ailleurs à juste titre la CGT. Le syndicat fait remarquer que chez Sanofi, le dividende par action devrait bondir de 18,3%, alors que la direction ne propose que 2,2% d'augmentation des salaires en 2008. Idem chez Peugeot: "Cette bonne santé financière contraste avec les propos alarmistes tenus il y a quelques mois en interne par la Direction, pour imposer au personnel la modération salariale et le rognage drastique de budgets pourtant nécessaires à des conditions de travail convenables", explique le syndicat.
Il y a bien la participation, pour redistribuer les profits, mais elle n’est pas à la hauteur. Ainsi, pour désamorcer la grogne, Peugeot et Renault ont publié dans la foulée le montant de l’intéressement et de la participation que vont toucher les salariés. 149 millions d’euros pour Peugeot, 161 millions pour Renault. Oui, mais voilà, c’est moins que les dividendes. Peugeot avait versé l’année dernière 309 millions d’euros à ses actionnaires (alors que les bénéfices étaient cinq fois moins importants qu’en 2007). Renault avait distribué 681 millions. Et chacun prévoit de distribuer plus de dividende cette année.
Conclusion: le déséquilibre entre salaires et capital ne fait ainsi que s’accentuer. Et ce n'est pas moi qui le dit, mais un économiste. En l'occurence, Michel Aglietta dans une interview à l'AFP: "L'objectif unique dans tous les secteurs est devenu de maximiser les dividendes, explique-t-il. C'est sur les salariés que pèse le plus cette pression actionnariale, conjuguée à la concurrence mondiale qui pénètre tous les domaines. Ainsi, les salaires moyens ont connu une progression très faible depuis 2000, inférieure aux gains de productivité. Dans le partage de la valeur ajoutée, les salaires ont régressé."
Février 2008
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