De
la reprise économique
Par Gilles Marchand
Entre
les bulles économiques et les points bas du marché, il y a de la place
pour une variété de propositions permettant une prospérité plus
respectueuse des besoins individuels de chacun sans tourner le dos à
des solidarités que seul un état est en mesure d'assumer. Or, nous ne
sommes pas en 1929, et une véritable reprise économique française et
européenne pourrait être sur le point de voir le jour.
Beaucoup
de gens réalisent, aujourd'hui, que l'extrême versatilité des marchés
est
parfois un frein à la cohésion et à la régularité des politiques
économiques
entreprises jusqu'ici. Leur impact sur l'économie réelle est désormais
un fait avéré. L'intégration dans les métiers de la banque des
pratiques entrepreneuriales du bâtiment et l'impasse faite sur les
règles traditionnelles ont créé la situation que nous traversons
aujourd'hui, tous types d'informations et d'événements confondus.
Au-dela des couloirs spéculatifs qui aboutissent à des réajustements
progressifs, on s'aperçoit qu'il y a un ensemble de mesures possibles
envisageables qui puissent être moteur d'une solide et durable reprise
économique.
Le soit-disant aveuglement du marché correspond à
une perceptivité ultra-réactive à tous les indicateurs qui en rythment
la vie, aux variations de l'activité symbolique, et à la manière dont
sont aujourd'hui gérés les énormes masses financières qui servent à
rentabiliser l'investissement, mais dont les principes de
fonctionnement intrinsèques finissent à terme par nourrir des couloirs
spéculatifs qui rendent la stabilisation économique plus difficile.
Il
faut pourtant bien convenir qu'une sagesse générale émaille sur le long
terme la conduite de l'action générale de promotion tous azimuts de
tous les projets susceptibles de produire de la richesse. Il faut bien
comprendre que beaucoup des mécanismes qui la guident dépendent de
technologies et de médias qui en structurent la nature et qui s'ils en
renforcent la puissance d'adaptabilité, la rapidité, la capacité
d'intervention, induisent des automatismes qu'il s'agit de décrypter et
de distribuer plus finement afin qu'ils conduisent à permettre aux
forces à l'œuvre d'éviter leurs excès induits. Ainsi beaucoup des
coordonnées bancaires se retrouvent diffusées sur internet et il serait
urgent que les consultations en ligne soient davantage protégées pour
être absolument infalsifiables. D'autre part, fraction
importante, non totale, mais pas pour autant négligeable, une
croissance nouvelle doit notamment se faire en bénéficiant de la
dynamique des nouvelles technologies. Nous allons prochainement
connaître trois révolutions industrielles quasi-simultanées. La
première concerne l'environnement et les technologies vertes, le Green
Power. La seconde concerne l'économie hydrogène, avec la
constitution de parcs automobiles et urbains basés sur la notion
commune d'émissions zéro. Enfin le Web 3D fournira une redéfinition
profonde, passionnante, mais qui demandera elle aussi de la vigilance,
des principales activités professionnelles. C'est une grande nouvelle,
ici aussi. Pour se faire, elles doivent expurger la tendance quasi
naturelle qu'elles ont d'à aller dans le sens de la dématérialisation
et d'une automatisation toujours plus grande de leurs processus de
fonctionnement.
Il nous faut retrouver un rapport concret à
notre environnement. L'intensité des échanges gagnée privilégiera
l'humanité et le savoir. Le tableau, donc, n'est pas si noir. Les
nouvelles technologies génèrent des domaines économiques, des branches
de développement et des compétences nouvelles qui font appel à un plus
grand savoir-faire humain. Mais très vite peut se remettre en place une
logique productiviste qui en expurge la chair créatrice et en diminue
l'implication humaine jusqu'aux prochains microcycles. Il faut placer
des pare-chocs dans un domaine d'activité qui a prouvé un goût du
profit dégagé de toute considération pour les individus concernés. Les
plans de licenciement se succèdent, un certain cannibalisme
d'entreprises se manifeste, et ce qui disparaît n'apparaît plus à terme
que sous une forme virtuelle, fiduciaire, qui viendra accroître
d'autres chiffres. Il est bien entendu que nous n'avons pas affaire à
des personnes complètement déconnectées des conséquences des opérations
qu'elles émettent, mais il serait grand temps, maintenant que
nous savons que le néolibéralisme est par essence prédateur de la
substance économique de pays entiers — ce qui en fait est le contraire
de sa vocation intrinsèque — qu'une véritable éthique de respect de
l'existant, avant de revenir dans le champs de l'investissement
productif à moyen et long terme, se mette en place pour mieux protéger
les salariés des remous qui emportent avec eux des entreprises
florissantes mais soit-disant pas assez au regard des critères de
rentabilité escomptés.
Il est temps que cela change.
Aujourd'hui,
il est nécessaire, puisque les communautés nationales et les
populations des ensembles régionaux ont contribué de par le monde à
renflouer les banques et institutions financières en péril de
solliciter de leur part, une forme de reconnaissance implicite de leur
sauvetage par la soumission à un impôt mondial, même minime, et calculé
sur les plus-values. C'est une
question humaine simple, mais d'elle peut dépendre la survie de
beaucoup d'individus, et il est donc ultra-urgent, toutes autres
considérations liées par des liens de causalité à restreindre, qu'une
part suffisante de ce capital parvienne aux individus les plus faibles
économiquement parlant, sous des formes multiples, comme le
micro-financement et des aides multiples. Ces opérations devraient être
prise à l'initiative des pouvoirs publics et par le biais des banques,
certaines personnes étant si découragées qu'elle ne parviennent pas à
effectuer les démarches pourtant simples qui consisteraient à se
prémunir d'un surendettement. Le coût de l'argent qui est si bas sur
les marchés monétaires fera, en revivifiant des bassins entiers de
populations, des villes et des villages. L'argent, c'est l'eau
indispensable de la vie qui doit sans cesse être développé pour
rétablir la "circulation sanguine" de nos économies. Bien irrigués, un
cerveau, des bras, des mains peuvent créer des sources impressionnantes
de richesses.
Il sera également nécessaire de repenser la
finalité des nouvelles technologies. Vont-elles dans le bon sens ? Ne
sont-elles pas orientées et finalement prisonnières de mécanismes qui
les obligent à un toujours plus de productivité seulement imaginée
répondre à la poussée innovatrice par accroissement des phénomènes
d'automation des structures logicielles qui évacuent progressivement la
nécessité du recours au "capital" humain ? Nous nous dirigeons
probablement vers une rencontre entre les personnages virtuels et les
personnes réelles, l'abstraction intelligente devenant, une forme
nouvelle d'échange. D'où la nécessité de ne pas se noyer dans la
mystique immatérielle des écrans ou des systèmes d'intelligence
artificielle.
Beaucoup de choses passionnantes nous attendent et
il faut avoir foi en son époque pour la vivre plus facilement. Les
temps sont durs, mais nous disposons de ressources illimitées dans les
domaines de la réflexion économique, de la littérature, de l'art, de la
science, des métiers traditionnels, et cette société bénéficiera du
meilleur de ce que l'on trouve dans l'univers : l'atome le plus simple
et le plus abondant, quand bien même les lobbystes de toutes nature
voudraient en nier la pertinence : l'Hydrogène. Cet élément, ce vecteur
énergétique permet de stocker l'énergie, sous forme liquide et il peut
être produit par électrolyse. C'est tout l'enjeu de centrales et de
bâtiments aux toits recouverts de panneaux solaires souples.
L'électricité ainsi produite permet ensuite de fabriquer le carburant
du futur. Nous venons d'arracher que des voitures à piles à combustible
soient produites vers 2020. C'est encore loin du compte, en terme de
santé publique, mais cela laissera une chance à ne pas manquer pour
l'industrie automobile de se réinventer tout en écoulant une génération
— courte — de véhicules déjà moins polluants. Nous bénéficierions à
priori d'une douzaine d'années. Certains experts nous donnent sept ans
pour opérer cette évolution.
Tout le monde s'accorde à dire
qu'il est important de réussir la massification de l'enseignement
secondaire, de donner le meilleur de leurs chances aux
étudiants.
Elle est en marche d'autant plus rapidement que dans ce domaine comme
d'en d'autres une petite révolution est en train de se produire, sous
l'influence conjuguées de nouvelles technologies ubiquitaires, comme
les podcasts et les streamings en temps réel avec webcams. Généraliser
ces technologies aux universités et grandes écoles parait être une
nécessité incontournable. Les échanges vont aller croissant, au moment
même où la position géographique des intervenants perd de son
importance. La qualité locale de vie va donc compter double.
Réorienter
la recherche et le développement afin de créer selon les principes
originaux qui sont mis en place quasi artificiellement des
prolongements industriels ou informationnels qui fassent appel à de
larges bassins d'acteurs économiques. Réinvestir le champ de l'action
économique, de sciences et de recherche, du savoir, afin qu'elles se
déploie dans des directions reposant
davantage sur la spécificité et la puissance de l'intervention
publique, sa richesse et ses réelles possibilités de développement en
harmonie avec les apports de la technologie, facteur de cohésion et
d'échange accru entre les différents ensembles économiques. Là aussi,
le double cercle vertueux du retour à l'emploi et de la sortie de
l'assistance sociale qui extirperont beaucoup de personnes de leur état
de pauvreté, de quasi-minorité, et cette dépendance qui cessera,
allégeront les finances publiques. Mais il est toujours plus facile de
sanctuariser des emplois existants que d'en créer de nouveaux. D'où la
nécessité de voir les individus recevoir ces aides directement sur leur
compte, sans nécessairement en passer par de longues tractations
administratives.
Il y a donc une spécificité de l'intervention
humaine, une échelle de valeurs qui
bénéficieront des nouvelles technologies, les fabriquant de systèmes se
trouvant eux-mêmes rémunérés. La somme des composants
informatiques doit parallèlement être multipliée pour permettre
davantage de
technologies informatiques européennes. Une sorte de
développement durable allant dans le sens de la mise en valeur du
domaine informationnel.
La culture
serait-elle l'avenir d'une part majeure de l'économie ? Une nouvelle
ère de la culture commence aujourd'hui et la diversité linguistique en
sera un des principaux moteurs. Le deuxième étage de la fusée Europe
correspond aux vœux premiers des pères fondateurs.
Ceux qui se terrent en attendant des jours meilleurs vont au devant de
graves désillusions. Le futur est là où on le créé, là où on l'invente,
là où se fixent les ferments qui peuvent lui donner sa substance à
venir. Or tous les ingrédients sont aujourd'hui réunis pour faire de
l'économie globale un réceptacle des œuvres créatives issues des
centres majeurs des transformations en cours. Des centres de culture
vont se former, offrant à la fois des interactions internationales et
des cours sur place. Celle-ci est à la croisée de toutes les influences
et sa richesse culturelle sera un atout
extraordinaire, capable de donner une vigueur propre à sa recherche
formelle et un sens particulier à la construction mondiale. Les
multiples ravages qui ont émaillé son histoire ont longtemps handicapé
son rayonnement — et sa puissance économique — mais ils ont aussi
contribué à créer une émulation qui avec la chute des murs politiques
va très vite devenir un avantage. La concurrence permet à une variété
de systèmes d'exister.
La mise en commun de
cette densité exceptionnelle va nourrir une diversité qui aujourd'hui,
dans un contexte souhaitable d'ouverture des marchés et des esprits,
est favorable
aux propositions différenciées et aux traductions. Avec des outils de
"translation" ou de réadaptation, elle donnera au cinéma européen un
espace de liberté et
rayonnera dans les autres domaines de création. Basés sur
l'intelligence artificielle en temps réel, ces programmes permettre à
davantage d'artistes et de médiateurs culturels de fonder un
renouveau des formes sensibles. Voilà pourquoi il sera possible de
traduire une
intervention en temps réel. Nous serons capables de se parler dans
toutes les langues sans changer "d'idiome". Le budget traduction
de l'Europe est conséquent, mais notre capacité à croiser référents
culturels multipliera les échanges, et sera tournée vers les
autres peuples européens ainsi que vers ceux du monde.
A
l'origine historique d'une forme d'évangélisation politique, par la
langue, la culture, la religion et, dans une certaine mesure, par
l'économie, l'Europe privilégie son ouverture, son soft power, et
son travail d'expansion de toutes les valeurs de civilisation, sur
lesquelles une irréprochabilité, même si jamais absolue au
regard des réalités économiques, devrait être à terme un soucis dont on
s'acquitte avec humanité. Sa culture sera un des principaux domaines
dans lesquels se nouera ce dialogue international, d'autant qu'il sera
appuyé sur une diplomatie supplémentaire, à la fois puissante et
bienveillante en visant des résolutions de conflits favorables au
commerce et à un développement en grande partie assumé par les
africains eux mêmes
L'interaction planétaire demande de nouvelles conduites respectueuses.
Il
va de soi qu'il faille que les concepts de nationalité soient préservé
comme des identités et des valeurs mais une véritable conscience
continentale doit émerger. Celle-ci, en effet, va se bâtir au regard
d'une conscience plus poussée des nécessités éthiques à mettre en
place, et elle ne se fondera pas sur un envahissement du
champ symbolique. Elle ne se fera pas dans un soucis de maîtrise du
vivant et
de ses échanges avec l'extérieur, mais au contraire dans un soucis plus
poussé de leur respect à une heure où ceux ci sont menacés par la
progressive main mise de l'économique de
l'ultra-libéralisme.
Si les règles politiques
sont aujourd'hui en crise, c'est parce qu'elles doivent être réajustées
afin de tenir compte des mutations en cours. Mais le culturel n'est pas
un domaine anodin. Il est lié à l'identité des nations qui cherchent à
le promouvoir. La culture n'est pas un marché comme les autres. On
n'achète pas l'âme de ceux dont on assure la promotion des "productions
culturelles" tout comme on ne peut mettre en équation tous les termes
de la consommation culturelle. Ceux qui le prétendent sont les
exploitants
en puissance de la nouvelle économie mondiale et comme tels, ils
doivent être amenés —au besoin par la force (de négociation) — à
respecter la liberté des différents acteurs de la culture. On
doit nécessairement s'attendre à une remoralisation des échanges
culturels qui ne veut pas dire limitation ou censure mais prise en
compte plus étayée des nécessités humaines de ces domaines.
Il faut aller vers un plus de prises de conscience, sinon nous serons
hypnotisés.
Or L'Europe dispose de la plus grande variété de bassins humains, d'un
des plus longues traditions intellectuelle, et de certains des plus
hauts niveaux de formation universitaires. Non seulement il ne faut pas
diminuer ces niveaux d'éducation, mais il faut au contraire les
renforcer. Les améliorer en permanence et proposer au reste du monde
les solutions qui auront pu se révéler efficaces en les adaptant aux
capacités locales. Nous allons en effet vers une civilisation de
l'image, du symbole et du modèle mais leur signification ne sera jamais
dépouillée du sens, et c'est pourquoi la lettre et l'écrit seront
toujours présents. Plus que jamais Internet marque leur retour en
force. Nous allons vers une société qui fera une plus grande place aux
loisirs et à la consommation culturelle. Celle-ci ne pourra faire
abstraction de la qualité et de la profondeur de son vécu historique,
scientifique et intellectuel.
L'histoire que
cherchent à biaiser la grande majorité des productions grand public —
en nous imposant un unique chapitre décliné à l'envi depuis soixante
ans — est un atout dont on cherche à nous détourner par tous les
moyens. Croyant pouvoir l'imposer à la nouvelle génération. Quitte à
lui faire revivre les mêmes affres. Notre force, entre autres, est en
effet liée à la richesse sémantique de notre patrimoine culturel et à
la variété des interprétations qu'il suscite. Aujourd'hui, notre
diversité est un atout. Elle nous permet une compréhension mutuelle et
collective à l'heure où les technologies rendent chaque produit
transparent. Celles-ci vont favoriser le grand renouveau à venir et
contribuer à le décupler. Les problématiques développées à travers les
productions existantes ont prouvé une grande part de leur inadaptation
aux réalités actuelles. Il est grand temps de les renouveler. En
commençant par adopter une politique qui fasse de la place pour un
grand dessein culturel, ce en augmentant les budgets aujourd'hui quasi
dérisoires et en agissant sans complexe sur un domaine qui a besoin de
soutiens et d'orientations. Enfin centrées sur les
contraintes et
possibilités actuelles concrètes, elles nous feront enfin entrer de
plein pied dans la modernité de demain.
Le multimédia n'est-il
pas une mise en forme de cette lente transformation de valeur qui
structure lentement les sociétés humaines ? Auquel cas il s'agit que
s'établissent des schémas de conversion et d'échange informationnels et
d'œuvres qui soient suffisamment structurés pour permettre leur
viabilité au niveau international en harmonie avec les structures plus
traditionnelles d'intervention économique. Il s'agit de rattacher la
création de valeur économique des variables économiques concrètes. La
richesse ne peut être uniquement rattachée à des variables financières
s'autoalimentant indéfiniment et s'éloignant progressivement de leur
nécessaire passage dans les bassins économiques réels qui doivent leur
bénéficier comme ils doivent eux-mêmes profiter de leur action
régénératrice.
Que constate t-on ?
Une excessive et
manifeste sous exploitation des ressources concrètes, notamment
humaines, internationales, qui en recevant cette manne, qui aujourd'hui
leur fait grandement défaut, dégageraient d'immenses bassins de
richesse réelle. Le sous emploi de populations entières voire
d'économies nationales complètes crée des sources de développement
comme en jachère, le nécessaire terreau d'une réappropriation par
l'économique d'un champ social dont il s'est désengagé. Nous serions
une agriculture disposant d'immenses plaines fertiles sous cultivées ou
utilisées d'une manière extensive, voire négligées. C'est pourquoi
l'investissement du capital international dans le champ des économies
mondiales concrètes est lui-même un immense facteur de développement et
une raison tangible d'espérer si les acteurs économiques savent dériver
une part grandissante des ressources financières internationales vers
les économies réelles locales.
Une économie dématérialisée ?
Face
à la multiplication des formes abstraites et virtuelles de
fonctionnement, les économies occidentales et mondiales disposent
d'alternatives qui s'avèrent opérantes. Liste de choses à emporter.
Nous
sommes tous, ou en tout cas la grande majorité d'entre nous, victimes
d'illusions d'optique qui peuvent s'avérer particulièrement
préoccupantes. La mise en équation des économies occidentales de plus
en plus tributaires de schémas d'organisation virtuels amenés par des
principes d'organisation basés sur des fluctuations financières est
patente. Les références concrètes se déplacent progressivement vers
l'immatériel découplé d'une valeur de plus en plus déconnectée de celle
du travail, des infrastructures et des structures monétaires
traditionnellement afférentes. Elles fragilisent celles-ci
car
elles les exposent de plus en plus non seulement aux fluctuations
financières mais également aux variations symboliques de l'information.
Les mécanismes qui sont désormais à l'œuvre échappent parfois à
ceux là même qui en sont les instigateurs. Pourquoi une telle
fragilité, pourquoi prêter le flanc aux dégâts que peuvent produire des
formes d'action particulièrement archaïques ? Nous
sommes en définitive, les victimes avérées ou à venir d'un processus
que nous éprouvons du mal à réguler et les déprédations peuvent être
aussi sensibles dans les pays à structures insuffisamment diversifiées
que dans les pays qui se veulent les champions du capitalisme.
Serions-nous si
démunis face à cette situation ? Le temps doit-il jouer contre nous ?
C'est à mon avis faux. Entre les retours tambourinant aux pratiques
d'un autre age — alors que le monde a effectivement changé et
qu'elles s'avèrent d'une manière patente souvent inadaptées
— et
les prises en compte mal assurées de la dithyrambe passionnée des
pionniers de la nouvelle économie, il y a d'autres attitudes plus
directement opérantes qui tiendraient davantage compte des réalités
humaines et techniques et le rapport qu'elles peuvent entretenir.
Il
faudra pour y parvenir, que la variable humaine redevienne centrale
dans les schémas de réflexion de ce qui font actuellement profession
que de la réduire. C'est sa valeur, sa qualité et la pertinence de
ses productions qui feront l'économie majoritaire de demain.
L'articulation principale entre les domaines de culture ou
d'information et les techniques qui les relayeront. Il faut que les
conditions de l'épanouissement individuel à un niveau très large soient
réunies... Tous les autres domaines d'activité restent valables mais
ils vont peut à peu bénéficier des apports de ce noyau central.
Cette
extension du domaine de la croissance ne peut exister que si l'on se
décide enfin a faire l'abandon du manichéisme et du malthusianisme qui
guide beaucoup de réflexions ambiantes, notamment en matière
économique. Elles réduisent de grandes entreprises structurées à des
réservoirs financiers virtuels ou déplacent les installations sous
prétexte qu'il faille remettre à qui de droit ambiant les actifs qui y
sont rattachés est une politique qui à long terme condamne des
populations entières à la paupérisation y compris celles qui font
aujourd'hui le pari d'accueillir les structures délocalisées.
Les
économies mondiales, y compris américaine, souffrent d'un manque de
préhension sur les variables financières. Le fait d'attirer les valeurs
mondiales, y compris par des moyens techniques disproportionnés (je
pense à l'utilisation de systèmes de réalité virtuelle et de structures
logicielles dédiées) automatise les procédures de fonctionnement
boursier et leurs réactions aujourd'hui en lisière du rationnel de ces
appareillages et renforce tous les ostracismes mondiaux, tous les
fossés, toutes les fractures. Elles asphyxient la planète, lui retirent
son oxygène, c'est à dire leurs puissances monétaires. L'eau c'est la
vie, or cette eau, cette manne qui permet à une sophistication
d'exister mais aussi et plus fondamentalement aux besoins fondamentaux
d'être assurés, se retire du paysage local de nombreux points du
territoire global. On l'a vu en Argentine...
La circulation
sanguine de la planète est altérée. Elle doit être soignée, assistée,
puis peu à peu rétablie d'une manière progressive et douce qui permette
l'assainissement de zones géographiques entières. C'est
l'investissement au plan mondial plutôt que la sempiternelle économie
sur les salaires qui est à viser, c'est l'élargissement des structures
en lieu et place des dramatiques économies d'échelles qui semblent
guider l'entendement de ceux qui appliquent de manière aveugle
— ou presque — les principes erronés qui président à la prise
de
ces décisions. Le mépris et le peu de cas qui est fait de millions
d'hommes et de femmes est patent et dangereux. Nous sommes victimes
d'une dynamique faussée, de cercles vicieux qu'il faut avoir l'énergie
de transformer en cercles vertueux. L'argent doit circuler à tous les
niveaux. La valeur doit être repensée en prenant comme étalon l'homme,
l'humain, l'individu. Son développement harmonieux au sein de la
communauté dans laquelle il habitera.
C'est l'aide à la
consommation, non par un unique vecteur mais par un ensemble de
facteurs retour de l'activité. Le salaire minimum est une garantie
nécessaire, il doit exister au sein d'un faisceau de droits et devoirs
nouveaux qui permettent d'établir un nouveau contrat social et
économique dont nous serions tous les bénéficiaires et par rapport
auquel nous pourrions découpler notre intervention dans le domaine
économique et culturel. Les situations absurdes doivent refluer et les
bénévoles recevoir une part retour pour l'investissement qu'ils font de
leur temps. Le temps est déjà une variable économique. Il peut devenir
une variable symbolique de l'activité dans un champ économique donné
dont il assure la pérennité.
Il s'agit de renforcer l'adjonction
de règles dans des structures qui touchent la limite de leur logique
parce qu'elles manquent de critères d'évaluation objectifs et de
rattachements économiques précis. L'argent virtuel aujourd'hui a de
moins en moins de contact avec la réalité économique, même s'il peut
influer sur elle. Les règles de solidarité étendue en renforçant le
rôle des structures sociales étatiques vont également aller dans le
sens de la logique économique qu'il est nécessaire de mettre en place.
La main invisible doit devenir visible.
Sinon,
nous irions à terme vers une dislocation des structures
particulièrement dommageable à l'ensemble de la communauté
internationale, ce qui est inacceptable. Des dérèglements
bénéficieraient tous ceux qui font profession d'exploiter les
tiraillements actuels. Nous faisons partie d'un long processus de
maturation économique, politique et culturel qui doit faire appel à
l'histoire économique car celle-ci nous tend des explications
pertinentes et nous donne des capacités de renouvellement dont nous
sommes capables à une échelle élargie. Il faut quitter l'absurde absolu
auquel nous venons d'assister. La nouvelle économie doit être pensée
dans cette perspective. L'humain assisté par la machine et non
l'inverse.
Quand nous aurons accompli ce saut conceptuel, placé
cet étalon dans notre champ de représentation symbolique, alors
l'invention majeure qu'est le numérique deviendra ce qu'elle est
appelée à devenir : un formidable tremplin pour la créativité ainsi
qu'un puissant facteur de richesse économique. Une fois sa puissance de
distorsion démystifiée et qualifiée, intégrée et comprise, déclinée et
incorporée dans — presque — tous les champs de l'action
humaine,
elle sera enfin le formidable outil de Renouveau et de libéralisation
destiné à ouvrir à nos côtés le millénaire.
Gilles Marchand
Paris, Décembre 2008
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